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massacres de la Glacière d'Avignon; un grand nombre vinrent à Paris, où ils furent enrégimentés dans l'armée des clubs. On avait également amnistié quarante soldats suisses du régiment de Château-Vieux, condamnés aux galères, et subissant leur peine à Brest, pour avoir répandu le sang dans les rues de Nancy. On les appela à Paris, où on leur donna une fête magnifique. Ils furent conduits en triomphe, musique en tête, le long des boulevards, depuis la Bastille jusqu'à la chambre législative, au milieu de détachements de la garde nationale et d'un concours immense de peuple (1). Des femmes et des jeunes filles vêtues de blanc portaient les débris de leurs chaînes, suspendues à quarante trophées surmontés de couronnes civiques : ce fut au milieu de ce brillant cortége qu'ils arrivèrent aux portes de l'Assemblée, demandant à être admis à la barre. Une vive discussion s'engagea dans l'Assemblée. Un député, jeune officier, M. Gouvion, se leva, et dit :

<< J'avais un frère, bon patriote, qui, par l'estime de ses concitoyens, avait été successivement commandant de la garde nationale et membre du département. Toujours prêt à se sacrifier pour la loi, c'est au nom de la loi qu'il a été requis de marcher à Nancy avec les braves gardes nationales. Là, il est tombé percé de cinq coups de fusils. Je demande si je puis voir tranquillement les assassins de mon frère... (Violents murmures dans les tribunes.) Les décrets de l'Assemblée constituante ont été impuissants sur eux; sans provocation de la part de la garde nationale de deux départements, ils ont fait feu sur ces gardes nationales.

(1) Hist. parlem., t. XIV, p. 120, grande édition.

Mon frère est tombé, et ce ne sera jamais tranquillement que je verrai flétrir la mémoire de ces gardes nationales par des honneurs accordés aux hommes sous les coups desquels sont tombés tant de malheureuses victimes de la loi (1). ›

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Éloquence vaine et inutile! les quarante galériens étaient d'excellents soldats pour l'armée révolutionnaire. L'Assemblée les admit à la barre, et leur accorda les honneurs de la séance. Gouvion, plein d'honneur militaire et dégoûté d'hommes qui se déshonoraient, se retira, donna sa démission de député, et alla à l'armée du Nord, où il fut emporté par un boulet de canon. M. de Moy, curé de Saint-Laurent, protégé par les jacobins et le ministre Roland, fut élu député à sa place.

L'Assemblée, suivant le même dessein, chassa de la ville tous ceux qui n'avaient pas de domicile fixe à Paris, et qui étaient soupçonnés de royalisme. Elle craignait qu'en cas de troubles excités pour renverser le trône, ils ne prêtassent quelque secours au malheureux roi. Le décret est du 18 mai. Les feuillants l'avaient combattu; mais les girondins s'étant adjoint la Montagne, l'avaient emporté. On ne voulait pas laisser séjourner dans la ville ceux que Carnot appelait les chevaliers du poignard, et les revenus de Coblentz (2). Les clubs travaillaient dans le même sens. Dans celui des Jacobins (3), on demandait la dissolution de toutes les sociétés aristocratiques. On proposait de se porter, avec les forts de la halle, aux lieux de leurs séances, et d'interrompre leur discussion à coups de (1) Moniteur, séance du 9 avril 1792.

(2) Ibid., séance du 18 mai 1792. (3) Séance du 10 mai.

III.

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nerfs de bœuf. Ce moyen était digne des jacobins (1).

Il restait encore au roi une dernière défense, celle de sa garde constitutionnelle. Elle gênait singulièrement ceux qui avaient juré le renversement du trônė. Composée de six mille hommes bien armés et prêts à se laisser hacher pour la personne du roi, elle aurait offert un rempart imprenable à la multitude irrégulière, quelque nombreuse qu'elle fût. L'Assemblée décida de la licencier, sous prétexte qu'elle était composée d'aristocrates et de contre-révolutionnaires, qui tôt ou tard viendraient en aide aux émigrés pour détruire la constitution. Après de grands débats injurieux pour le roi, elle fut licenciée, et son chef, le duc de Brissac, renvoyé devant la haute cour d'Orléans : nouvelle victime pour le massacre de Versailles. Guadet et Vergniaud avaient remporté ce triste avantage (2). Le décret parle de la formation d'une nouvelle garde; mais comme le roi ne pouvait la composer que de ses ennemis, il aima mieux rester sans garde, et s'exposer à tous les hasards de la fureur populaire.

Lorsqu'on désarmait ainsi le roi, on ne manquait pas d'employer tous les moyens pour le rendre odieux et exciter le peuple contre lui. On lui attribuait jusqu'aux revers de l'armée; car les premières pages de notre grande époque militaire ne sont pas glorieuses. Le général Biron, qui a commencé la guerre dans le nord contre le général autrichien, vit son avant-garde saisie par la peur, et son armée se débander. Il eut beau vouloir les rallier, les fuyards pillèrent les équipages du général et la caisse militaire. Le nom de Quiévrain se

(1) Hist. parlem., t. XIV, p. 369.

(2) Moniteur, séance du 27 mai 1792.

mêle à cette triste journée. Les troupes du général Dillon à Lille ne montrèrent pas plus de courage. Trois mille hommes, sortis de Lille pour marcher sur Tournai, eurent peur d'une poignée d'ennemis qu'ils apercevaient dans la plaine; ils crièrent à la trahison, reprirent le chemin de Lille, entraînèrent le général, qu'ils eurent la cruauté de massacrer, lui et son colonel du génie, Berthois.

Les jacobins de Paris criaient à la trahison, comme les fuyards de Lille. Le point central de cette trahison était aux Tuileries, dans un comité qu'on appelait autrichien, qui correspondait avec l'ennemi, et préparait une Saint-Barthélemy à Paris. Tel était le bruit qui courait, et dont le public s'entretenait beaucoup, lorsqu'un journaliste nommé Carra, le dénonça, prétendant en avoir découvert la trace. Il accusa les anciens ministres, Montmorin et Bertrand de Molleville, comme en étant les directeurs; et, avec une effronterie propre aux jacobins, il assura que tout était prêt pour le massacre; qu'à l'imitation du tyran de Sardaigne, on tenait des matières combustibles toutes prêtes pour mettre le feu partout; que le génie infernal d'une Médicis (la reine) dirigeait cet horrible complot, qui devait favoriser la fuite d'un grand personnage (le roi). MM. de Montmorin et Bertrand de Molleville, ainsi dénoncés, portèrent plainte contre Carra au juge de paix Larivière interpellé par ce magistrat, Carra répondit qu'il tenait les détails dont il avait fait usage de trois députés, Merlin, Chabot et Bazire, tous trois membres du comité de surveillance. Le juge de paix, sans se laisser arrêter par la réflexion que les trois membres étaient inviolables, admit le flagrant délit, et décerna un mandat d'amener contre les députés, qui obéirent et pro

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testèrent. L'Assemblée législative ayant vu dans cette conduite une attaque contre ses droits, décréta Larivière d'accusation, et le renvoya devant la haute cour d'Orléans: autre victime des massacres à Versailles (1).

Enfin, pour ne pas entrer dans tous les détails, je dirai qu'on ne cessait de répandre le bruit d'une nouvelle fuite du roi, pour exciter dans le peuple la défiance et entretenir l'irritation; on se rappelait celle qu'avait causée la fuite du roi à Varennes, et on chercha à la reproduire en répandant le bruit d'une nouvelle évasion. Ce fut au point que Péthion écrivit au commandant de la garde nationale pour le prier d'exercer une grande surveillance, à cause des projets de fuite qui devaient s'accomplir dans la nuit du 22 au 23 mai. Le roi indigné adressa une lettre au directoire de Paris, pour se plaindre de cette calomnie et arrêter l'effet qu'elle pouvait produire. Le directoire fit afficher la lettre du roi. Péthion se plaignit à son tour, et donna, dans une lettre qu'il eut l'audace de publier, un nouvel appui aux craintes qui l'avaient fait écrire. Il manifesta dans cette lettre des sentiments bien hostiles à Louis XVI: c'étaient ceux de son parti. Péthion fut cru, Louis XVI passa pour un traître. Le trône et l'autel étaient minés jusque dans leurs fondements (2).

Dans le même temps qu'on travaillait à la chute du trône, on s'occupait de celle de l'autel; car on voulait se défaire à la fois et du roi et du clergé. On résolut donc de proposer une nouvelle loi contre les prêtres réfractaires. Mais cette fois-ci on ne devait pas se borner à les exiler au chef-lieu du département; on devait en débar

(1) Hist.parl., t. XIV, p. 278.—Monit., séance du 18 mai 1792. (2) Hist. parlem., t. XIV, p. 348.

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