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port. Aujourd'hui où le projet de destruction est arrêté, l'affaire est plus urgente, et l'on s'en occupe immédiatement.

M. Gaudin lut son rapport, suivi d'un projet de décret dont le préambule était conçu en ces termes : « L'Assemblée nationale, considérant l'extrême décadence où sont tombées les études dans les congrégations séculières.... et l'inutilité de ces corps; considérant, d'un autre côté, le danger de laisser subsister plus longtemps les congrégations qui sont restées sans fonctions, et qui ne servent plus qu'à apporter des obstacles à la chose publique; après avoir décrété l'urgence, décrète définitivement.... » Son projet de décret supprimait toutes les congrégations enseignantes, sans en excepter aucune (1).

Lecoz, qui, de principal du collège de Quimper, était devenu évêque intrus d'Ille-et-Vilaine, fit quelques observations sur ce projet destructeur: « Environnés de ruines, dit-il, voulez-vous détruire encore? La religion et l'humanité n'ont pas de plus grands fléaux que les conquérants. » Un membre lui dit ingénument qu'il ne s'agissait plus du droit de supprimer, mais du mode de suppression; ce qui voulait dire que la suppression était résolue avant la discussion. Lecoz répliqua : « Vous ôtez à six cent mille enfants les moyens d'apprendre à lire et à écrire.» Cette réflexion si juste n'arrêta pas un seul instant les législateurs; on lui répondit que les directoires y pourvoiraient, et aussitôt la discussion générale fut fermée.

M. Lagrevol, craignant qu'on n'épargnât les sœurs

(1) Moniteur, séance du 6 avril 1792,

de la Charité, exprima le désir qu'on tournât le premier article de façon à détruire aussi les congrégations des filles vouées au services des malades. On est révolté des expressions dont il se sert pour désigner ces bonnes sœurs, dont la religion et l'humanité ne parlent qu'avec vénération; il les traite de charlatanes, d'avocatesmédecines, d'apothicaires et de chirurgiennes; et prie l'Assemblée de ne pas laisser subsister cette vermine et ces établissements, qui sont le refuge des prêtres réfractaires. Sa proposition fut accueillie.

Torné, évêque intrus de Bourges, qui s'était tourné du côté des jacobins pour rouler le reste de sa vie dans la fange, s'empressa d'appuyer le projet de décret: « La saine politique, dit-il, demande la suppression des congrégations séculières. Toutes les corporations en général, ajouta-t-il, sont dangereuses; leurs membres vivent dans une secrète communion de pensées, d'opinions et d'intérêts; c'est ce qu'on appelle l'esprit de corps, et l'on sait que cet intérêt particulier est une diversion à l'intérêt général. »

Cependant il voudrait qu'on changeât quelque chose dans le considérant, qu'on effaçât le mot inutile. « Ce sont ici, dit-il, les disciples qui vont frapper un grand coup sur leurs maîtres. Puisqu'il faut briser le berceau de notre enfance littéraire, ne le brisons pas avec atrocité... Faut-il donner à des individus qui ont exercé des fonctions pénibles et utiles, un congé flétrissant? Ce procédé est-il digne d'une grande nation? » En effet, la reconnaissance aurait dû retenir les législateurs. La plupart avaient eu pour maîtres les professeurs qu'ils traitaient d'une manière si cruelle; plusieurs devaient leur éducation à leur charité. Torné était sorti de la con

grégation des Doctrinaires; il avait même professé la philosophie à Toulon comme membre de cette congrégation. Mais l'irréligion l'emporta sur la reconnaissance. On voulait en finir avec le christianisme: rien n'était donc plus urgent que de se débarrasser des communautés qui l'enseignaient, et qui servaient de repaires aux prétres réfractaires. Aussi la suppression des corporations séculières fut-elle prononcée immédiatement (1).

Torné ne s'arrêta pas en si beau chemin. Pour plaire aux jacobins, il voulut détruire tout ce qui pouvait rappeler le culte catholique. Il proposa donc de supprimer tout costume ecclésiastique, tout costume religieux, «< parce que désormais, selon lui, il ne doit plus y avoir d'autres distinctions entre les citoyens que celle des vertus publiques. >>

« Cette abolition, a-t-il dit sérieusement, se présente aux législateurs comme une mesure commandée par une grande vue politique; tandis qu'aux yeux de l'homme superficiel, elle ne se présente que comme une misérable question de toilette. (Bravo!) Si, après la suppression de tous ces corps, dont la religion a encombré l'État, on voyait des costumes vaguer dans nos villes et dans nos campagnes, qui ne croirait voir errer des ombres? Ces décorations posthumes ne seraientelles pas des pierres d'attente de contre-révolutions? >>

Cet encombrement d'un État si bien balayé, ces costumes qui vaguent, ces ombres, ces décorations posthumes, qui sont des pierres d'attente, ont excité un enthousiasme universel et dans l'Assemblée et dans les tribunes.

(1) Moniteur, séance du 6 avril 1792.

Torné, encouragé par de si beaux suffrages, s'appliqua à prouver que l'abolition de ces costumes n'a rien de contraire à la liberté qu'a chaque citoyen de s'habiller à son gré; et, pour cet effet, il tira trèssérieusement un argument du droit qu'a la police de défendre à un sexe de porter le costume d'un autre, et d'interdire les masques et les vêtements qui blessent les mœurs il ajouta que c'était principalement à un évêque qu'il convenait de faire une pareille motion; que la constitution était le second Évangile qui s'accordait merveilleusement avec le premier. Les arguments de Torné remplirent l'Assemblée d'un tel enthousiasme, qu'on n'entendait plus dans toutes les parties de la salle que les cris: Aux voix, aux voix! et l'on a beaucoup ri d'un membre qui s'est avisé de dire qu'on ne pouvait pas rendre un décret sans y avoir réfléchi. On croirait assister à une assemblée de fous, si l'on ne connaissait pas leur intime pensée. Ils avaient bonne grâce d'accuser les prêtres de fanatisme, eux qui offraient l'exemple d'un fanatisme élevé au plus haut degré d'exaltation! Cependant, au milieu de cet enthousiasme bruyant, un membre, M. Becquet, a le courage d'opposer au projet de loi le simple bon sens; la crainte de fâcheux événements dans les campagnes, et d'impressions nuisibles; les vœux qui attachent encore des personnes scrupuleuses à leurs habits de religion; de sages appréhensions que cet acharnement puéril ne servît de prétexte aux ennemis du nouveau système d'accuser l'Assemblée du dessein de détruire la religion chrétienne (ce qui était vrai), ou du moins la religion catholique. Mais on lui répondit que la France n'était pas de la congrégation des Feuillants ;

ce qui nous prouve que Becquet, qui était du club des Feuillants, n'avait pas le secret des jacobins. «<Loin que les campagnes ne soient pas préparées à ce changement, répliqua Lejosne, les paysans du département du Nord attendent avec impatience que l'Assemblée écrase les prêtres et les moines. » Le secret s'était échappé de la bouche de M. Lejosne; mais comme on était mécontent de son indiscrétion, l'orateur déguisa assez adroitement sa pensée en disant que par écraser les prétres, il avait entendu déchirer leurs habits. Un sourire d'incrédulité succéda à cette singulière excuse. Un prêtre constitutionnel, l'abbé Mulot, ancien moine, s'est aussi mêlé de la discussion, en soutenant que, pour dissiper l'erreur des religieuses, il fallait ôter le voile qui leur couvrait les yeux. M. de Girardin proscrivait tout ce qu'il appelait mascarade, mais il abhorrait toute visite domiciliaire. Pour le tranquilliser, on lui répondit qu'il n'en était pas question. Enfin, la prohibition du costume ecclésiastique fut prononcée presque à l'unanimité. Fauchet s'empressa d'ôter sa calotte et de la mettre dans sa poche. L'évêque intrus de Limoges, M. Gaivernon, mit sur le bureau sa croix pectorale, qu'il offrit comme don patriotique. Torné indiqua par des signes le regret de n'avoir pas la sienne, pour en faire autant; les prêtres déposèrent leurs rabats. Le clergé constitutionnel reçut, par cette prompte soumission, des applaudissements réitérés. Il n'avait déposé, au reste, que ce qu'il était indigne de porter. Enfin le costume sacerdotal était proscrit; toutes les congrégations pieuses et charitables étaient abolies; les sœurs de la Charité, qui vouent leur vie au soin des malades, n'avaient pas

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