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qu'il ne présenterait aucun obstacle, qu'il irait même, en temps et lieu, au-devant des désirs des jacobins : M. de Moy en avait donné une preuve. Le clergé catholique seul donnait de l'embarras, parce que seul il offrait de l'obstacle. C'est pourquoi sa perte était jurée. Les jacobins ne s'en cachaient pas. Dans une discussion, au club, sur les prêtres réfractaires, Legendre, homme grossier mais franc, exprima bien clairement en style d'abattoir la pensée et la résolution du club.

«Que le prêtre réfractaire soit puni sévèrement, ditil; qu'il porte sa tête sur l'échafaud ou son corps aux galères. Qu'on s'abstienne de le déporter. S'il y a chez nous un insecte dont le venin est dangereux, il ne faut pas l'envoyer chez nos voisins. A Brest, il existe des bateaux construits de telle manière que, lorsqu'ils sont remplis d'immondices, ils vont en rade. Eh bien! arrangeons de même les prêtres; et, au lieu de les envoyer en pleine rade, envoyons-les en pleine mér; qu'elle les submerge même, s'il le faut. Quand un cultivateur trouve une chenille, il la met sous son pied.... (1).

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C'est une affreuse parole, mais elle n'est point isolée Legendre est l'interprète, peut-être indiscret mais fidèle, de la pensée du corps auquel il appartient. Ce n'est pas non plus une parole vaine, elle tient à un système qui s'est développé dans les premiers mois de l'année 1792, et qui est maintenant bien arrêté : c'est la destruction complète du christianisme, selon le vœu mille fois exprimé du dix-huitième siècle. Pour

(1) Gabourd, Hist. de la Révol., t. II, p. 188.

le réaliser, il est nécessaire de sacrifier le clergé catholique: eh bien! il sera sacrifié, et offert en holocauste aux nouveaux dieux. Si le roi s'y oppose, il sera renversé. Projet affreux, puisqu'il laissait l'homme sans conscience et la société sans base; mais il n'en est pas moins réel. Les prêtres sont poursuivis, non comme auteurs de troubles, mais comme appuis d'une religion qu'on veut détruire. Telle est la véritable cause de tant de persécutions qu'on suscite au clergé.

Pour réaliser ce projet au plus tôt, on détruit et l'on disperse tous les appuis du christianisme. Or, il y avait encore à cette époque, outre les ecclésiastiques non assermentés, des corps enseignants, où l'on comptait des hommes instruits et dévoués. Les frères de la Doctrine chrétienne tenaient l'enseignement primaire; les prêtres de l'Oratoire dirigeaient les colléges; les congrégations de Saint-Sulpice et de Saint-Lazare formaient, dans les séminaires, le jeune clergé à la science et à la vertu. Venaient ensuite les sociétés savantes, comme celles de Sorbonne et de Navarre; puis, on avait en France une foule de congrégations de femmes qui se dévouaient à l'éducation des jeunes personnes; on y distinguait celles des Filles de Saint-Vincent-dePaul, qui, tout en consacrant leur existence à celle des malades, trouvaient encore le moyen de donner de l'instruction aux jeunes enfants de la classe pauvre, et de leur apprendre à travailler et à gagner honnêtement leur vie, comme elles le font encore aujourd'hui.

Toutes ces congrégations, livrées, soit à l'enseignement, soit au service des pauvres, avaient été épargnées par l'Assemblée constituante. En retirant la sanction civile aux voeux monastiques, en donnant

aux religieux la liberté de sortir de leur ordre et en réduisant le nombre de leurs monastères, elle avait expressément excepté de son décret les maisons chargées de l'éducation publique et les établissements de charité. Sa pensée ne s'arrêtait pas là sans doute; elle allait déjà jusqu'à la suppression de ces sortes d'établissements, comme on le voit par les termes du décret : «Rien ne sera changé, avait-elle dit, jusqu'à présent, à l'égard des maisons chargées de l'éducation publique, et des établissements de charité, et ce jusqu'à ce qu'il ait été pris un parti sur cet objet (1). Dans ce moment-là elle ne pouvait se résoudre à supprimer des établissements dont elle reconnaissait les services et l'utilité, et qu'elle ne savait comment remplacer.

Il est vrai que les congrégations, et surtout celles des hommes, étaient désorganisées et leurs membres dispersés, parce qu'ils n'avaient pas voulu prêter le serment à la constitution civile du clergé. Les lazaristes, les sulpiciens, chargés des séminaires, n'enseignaient plus. La Sorbonne, qui avait fait entendre sa voix dans la question du serment, avait reçu de la municipalité l'ordre de suspendre ses cours; les universités d'Aix et de Caen, etc., étaient dans le même état. Un grand nombre d'ecclésiastiques et même de laïques avaient été renvoyés des colléges pour la même cause. Il n'y avait plus que les congrégations consacrées à l'instruction primaire, comme celle des Frères de la Doctrine chrétienne, puis les nombreuses congrégations de femmes, qui continuaient leur œuvre de bienfaisance

(1) Décret du 15 février 1790.

dans tous les départements où les directoires et les municipalités étaient bien intentionnés.

Ces congrégations, que l'Église avait multipliées à l'infini, à proportion des besoins de la société, avaient rendu des services immenses. Elles avaient fait de la France le pays le plus éclairé et le plus renommé de l'Europe. Les étrangers y venaient en foule, et s'en retournaient, après leurs études, dans leur patrie, pour y répandre l'instruction qu'ils avaient puisée dans nos savantes écoles. La France était comme le centre des lumières dont les rayons bienfaisants se répandaient jusqu'aux extrémités du monde. De toutes ces écoles, il ne restait plus guère, à l'époque qui nous occupe, que les congrégations de femmes; et ce sont celles qu'on a principalement en vue par la loi qu'on veut faire.

Aux yeux des législateurs, elles sont coupables d'un grand crime, d'un crime impardonnable: c'est qu'elles enseignent aux enfants les principes d'une religion qu'on est résolu de détruire. On n'a pas contre elles, comme contre les prêtres, le prétexte de troubles religieux; car ces pauvres filles ne connaissaient que les troubles que souvent on venait apporter dans leurs couvents, au moment où elles étaient occupées de leurs prières ou de leurs devoirs.

Le 6 avril, jour du vendredi saint, plusieurs projets de loi devaient être mis en délibération; il y en avait un entre autres très-important, qui concernait la marine; mais le député Merlin demanda avec instance le rapport sur les congrégations religieuses: Rien, selon lui, n'était plus urgent pour l'ordre public. Eh! qu'est-ce qu'il y avait donc d'urgent pour l'ordre public? Les re

ligieuses ne le troublaient pas; elles tendaient, au contraire, à le raffermir, en enseignant de bons principes à la jeunesse, en calmant l'irritation des pauvres par des soulagements portés à leur misère : le prétexte n'était pas spécieux. Un député dont on ne dit pas le nom fut plus franc; il déclara qu'il était urgent de supprimer ces congrégations, parce qu'elles portaient dans les campagnes et insinuaient dans l'esprit des enfants le poison de l'aristocratie et du fanatisme. Voilà leur vrai et unique crime; elles enseignaient une religion dont on voulait faire disparaître les derniers vestiges, et on ne pouvait le faire qu'en dispersant toutes ces congrégations. Cela était pressant; aussi l'urgence fut-elle déclarée à l'instant même.

Le rapport était prêt; il avait déjà été présenté à l'Assemblée le 10 février (1), par M. Gaudin, qui avait énuméré toutes les maisons d'éducation, depuis la Sorbonne jusqu'à l'association des Sœurs Grises et des Frères de la Doctrine chrétienne. Il avait discuté l'origine et le but de chacun de ces établissements, s'attachant à démontrer que tous n'ont tendu qu'à perpétuer l'ignorance et l'imposture. Il fallait avoir de l'audace pour reprocher l'ignorance et l'imposture à ces corps savants qui avaient donné tant de preuves de leur savoir, et dont les ouvrages composaient une partie des bibliothèques publiques. Mais le 10 février on n'avait pas encore arrêté, à ce qu'il paraît, la destruction totale du christianisme; du moins la suppression des congrégations religieuses ne paraissait pas encore urgente, puisqu'on remit à un autre temps l'examen du rap

(1) Moniteur, séance du 10 février 1792.

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