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qui était le 8 avril, dans l'église de Sainte-Claire. En sortant de la messe, les femmes furent attaquées et livrées à des violences odieuses et outrageantes, comme celles que nous avons vues à Paris. Voici en quels termes les expose un jeune homme, témoin oculaire :

« J'ai vu à la porte de nos temples l'innocence insultée par le crime, la faiblesse opprimée par la force, et la pudeur violée par la brutalité. J'ai vu des citoyens paisibles tout à coup assaillis par une horde de brigands, le sexe le plus intéressant et le plus faible devenu l'objet d'une persécution féroce, nos femmes et nos filles traînées dans la boue de nos rues, publiquement fouettées et horriblement outragées. O image qui ne s'effacera jamais de ma mémoire! j'ai vu l'une d'entre elles, baignée de pleurs, dépouillée de ses vêtements, le corps renversé, la tête dans la fange; des hommes l'environnaient; ils froissaient de leurs mains impures ses membres délicats; ils abîmaient leur victime de douleur et de honte. L'infortunée! j'apprends qu'elle expire à cette heure, et son dernier soupir est une prière pour les bourreaux! Voilà ce que j'ai vu, et j'ai vu plus encore... J'ai vu tant d'horreurs commises et non réprimées, le scandale à son comble et l'autorité dans le silence, le méchant enivré d'audace et puissant par l'impunité. »

L'auteur s'adresse ensuite aux officiers, et leur fait les plus amers reproches :

<< Vous paraissez vous-mêmes, leur dit-il, au milieu de ces sanglantes scènes, mais presque toujours comme passagers, et rarement comme magistrats. Un instinct admirable et sûr vous amène sur les traces de ces violences; vous écartez les scélérats comme on congédie

des amis; vous caressez avec la main une horde qu'il faudrait repousser avec le fer. La rudesse de votre ton et la sévérité de vos ordres sont toutes réservées pour les innocents qui furent les occasions des violences, ou pour les infortunés qui en furent les victimes; c'est à de pauvres religieuses éperdues que votre courroux s'adresse. >>

L'auteur attaque ensuite, par quelques réflexions simples, l'odieux système de laisser les brigands tranquilles et de punir les victimes; système qui était celui de l'Assemblée nationale aussi bien que de la municipalité de Lyon.

<<< Il faut le dire cependant, continue-t-il, votre ingénieuse prudence vous suggère un moyen simple de terminer les tumultes vous fermez les églises qu'on violait; vous y imprimez le sceau de la loi, et partez en disant que la paix est assurée et la justice rendue. Mais, ô cruelle justice! ô protection dérisoire! on ne sait maintenir la sécurité de mon culte qu'en m'interdisant tout culte; on ne sait m'affranchir du souci des voleurs qu'en me ravissant tout mon trésor : c'est l'innocent qui suit la loi, dont on achève l'infortune; c'est le brigand qui la viole, dont on comble tous les vœux. Il voulait, ce brigand, m'interdire par la terreur une action légitime, et on vient me l'interdire par l'autorité ! c'est-à-dire que le magistrat n'a rien fait autre chose qu'accomplir les désirs du méchant, qu'imprimer à ses fureurs un caractère légal, et me punir de la malice de mon ennemi, au lieu de m'en venger. Ah! est-ce là donc protéger le citoyen (1)? »

(1) Morin, Hist. de Lyon, t. II, p. 61.

Il n'y avait rien à répondre à ces arguments. Les dénonciations contre les prêtres n'avaient pas d'autre fondement; on les dénonçait pour des crimes dont ils étaient victimes, et dont on aurait dû les venger. Mais il y avait au fond des cœurs de nos magistrats et de nos philosophes législateurs une autre pensée, la destruction du christianisme, selon le vœu des philosophes du dix-huitième siècle.

Une partie de l'Assemblée constituante, dirigée et enflammée par l'éloquence de Mirabeau, a déjà eu ce projet; elle espérait pouvoir l'exécuter en donnant la constitution civile du clergé; mais elle a rencontré des obstacles imprévus et invincibles dans la fidélité du clergé et dans l'opposition de ses propres membres; elle n'a pu établir qu'un schisme. Aujourd'hui, les circonstances sont changées; le clergé catholique est affaibli, dispersé, emprisonné; les membres de l'Assemblée sont tous, à quelques rares exceptions près, ennemis du christianisme; en cela ils sont même plus avancés que Voltaire, qui voulait des prêtres pour ce qu'il appelait la canaille (1). Mais la canaille a déjà secoué le joug; le peuple des grandes villes est mûr pour la destruction du culte : il n'y a plus d'opposition sérieuse à redouter. Pour les populations appelées fanatiques, on leur donnera d'autres principes, ou on les soumettra par la force des armes. Les membres de l'Assemblée forment donc la résolution d'achever l'œuvre de la Constituante, et de faire disparaître le christianisme jusqu'à ses derniers vestiges. Ils n'osent pas la manifester ouvertement,

(1) Correspondance générale, lettre à d'Argental, 27 avril

1763.

mais elle ressort de leurs discours et de leurs démarches; elle se manifeste surtout dans les clubs. Un ancien constituant, initié dans les mystères des clubs, disait vers cette époque, à des personnes qui se plaignaient de l'immoralité du nouveau clergé : « Eh! c'est précisé.. ment ce que nous voulons; quand le peuple sera bien dégoûté de ces vils apostats, nous lui dirons: Vous êtes bien sot de vous épuiser pour des hommes que yous méprisez! laissez-les à la charge de ceux qui veulent les employer. Nous aurons pour nous les juifs, les protestants, les déistes, les athées, et peut-être les vrais catholiques; nous aurons la majorité de la nation, qui trouvera fort doux de se voir délivrée d'un impôt onéreux qui pèse sur le peuple, et qu'il ne peut plus supporter (1). » L'abbé Royou, qui a recueilli ce propos, en garantit l'authenticité. Oui, à l'époque où nous sommes arrivés, la destruction du christianisme est bien résolue dans l'esprit des législateurs et de leurs adhérents il y a accord unanime à ce sujet. On ne savait pas encore quoi y substituer, mais on s'en occupait déjà; et l'on entendait prononcer par-ci par-là les mots de grand Étre, de religion de la nature, d'autels civiques, d'autels de la patrie; on parlait d'un nouveau culte; on regrettait les temps où le christianisme n'existait pas encore, et où régnait une parfaite paix ; on regrettait ces autels dressés au milieu des champs, couverts de feuillages, sur lesquels on offrait à la Divinité bienfaisante quelques fruits de la terre.

« Le sentiment des premiers hommes, dit un orateur à la tribune (Français de Nantes), fut d'admirer

(1) Tresvaux, Hist. de la Persécution révol., t. I, p. 490.

l'ordre sublime de la nature; et l'un de leurs premiers besoins, de rendre hommage à son inconcevable auteur. Tant qu'ils se livrèrent à ces inspirations naturelles, tant qu'ils se bornèrent à élever au milieu des champs des autels couronnés de feuillages, et que, paisibles ministres d'un Dieu bienfaisant, leurs innocentes mains offrirent de simples fruits à la Divinité, la paix régna sur la terre. Mais bientôt il s'éleva des hommes qui leur dirent Le grand Être s'est montré à nous, et il nous a dit que c'est de ce côté que vous devez tourner vos autels, que vous devez lui présenter vos offrandes et observer telle cérémonie. D'autres hommes non moins ambitieux s'écrièrent: Ne croyez pas ces imposteurs! nous seuls communiquons avec le grand Être; il nous a ordonné de vous dire que vous ne devez consumer que des parfums, ne pratiquer que notre culte tout autre est abominable... On les vit alors former cette théocratie monstrueuse qui avait placé sous la sauvegarde de l'Évangile le premier anneau de la servitude de vingt peuples malheureux par eux (i). »

Ces paroles sont bien claires; on veut revenir à ces prétendus anciens temps où régnait la paix, abolir la théocratie monstrueuse, et dresser des autels au milieu des champs on s'en occupait sérieusement.

2

Un membre du clergé constitutionnel, M. de Moy curé intrus de Saint-Laurent à Paris, celui que nous avons vu figurer au Champ de Mars, en prit l'initiative. Il publia un livre qu'il répandait à profusion, sous le titre Accord de la religion et des cultes chez une na

(1) Moniteur, 28 avril 1792.

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