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Le roi n'ignorait pas le dépit de l'Assemblée, il en avait reçu assez de preuves; mais il ne s'écarta pas de sa ligne de conduite. Il soutint avec fermeté la liberté du culte catholique; et s'il n'a pas eu le pouvoir de s'opposer aux mesures vexatoires de certains départements, il ne manquait pas du moins de les improuver. Nous en trouvons un témoignage dans le rapport que fit à l'Assemblée le ministre de l'intérieur, Cahier de Gerville, qui avait succédé dans ce ministère à Delés

sart:

<«< Dans tous les départements, dit-il, la liberté des cultes a été plus ou moins violée; les administrateurs ont pris des arrêtés vexatoires que le roi ne peut s'empécher de condamner, comme contraires à la constitution. Leur erreur s'excuse par la difficulté des circonstances. Ils ont mis au-dessus de la loi ce qu'ils ont regardé comme l'intérêt public. Ils ne se sont pas assez pénétrés de cette vérité, qué, quand la loi est faite, le salut public est dans sa rigoureuse observation (1). »

Le ministre excuse les administrations départementales par la difficulté des circonstances, comme s'il y avait des circonstances qui permissent de sévir contre des innocents! Au reste, le ministre, imbu des principes philosophiques du jour, met peu d'importance à la religion: Peu importe, dit-il, à l'État qu'un homme aille à la messe ou n'y aille pas. Il n'y a point de religion nationale (2). Tels n'étaient sûrement pas les principes de Louis XVI.

(1) Moniteur, séance du 18 février 1792. (2) Ibid.

Mais le ministre est obligé de reconnaître, malgré le fanatisme qu'il reproche aux prêtres non assermentés, qu'ils sont innocents; il en apporte des preuves irrécusables que l'expérience lui avait fournies. « Je n'ai eu connaissance, dit-il, d'aucun prêtre puni par les tribunaux comme perturbateur du repos public, quoique plusieurs aient subi des accusations. >>

Voilà une réponse péremptoire à toutes les dénonciations faites contre les prêtres réfractaires. Depuis longtemps on les accuse d'exciter des troubles par leur fanatisme; ils ont autour d'eux mille ennemis qui les surveillent, qui cherchent même à deviner leurs secrètes pensées, et pas un seul n'a été trouvé coupable devant les tribunaux. C'est un ministre philosophe qui le dit hautement à une assemblée réduite au silence.

Le ministre les décharge encore de deux autres griefs extrêmement graves, dont leurs ennemis avaient fait grand bruit. D'après les rapports officiels qu'il avait reçus de toutes les parties du royaume, il dit : « Effaçons encore du tableau des troubles religieux les reproches qu'on leur fait d'exciter le peuple à l'insurrection, de favoriser les obstacles apportés à la circulation des subsistances et à la perception des impôts. »>

Quelle est donc la cause des troubles religieux? Le ministre l'indique assez clairement :

« Je ne crois pas, dit-il, qu'il y ait une seule ville dans laquelle la clôture des églises, des monastères, n'ait occasionné quelques troubles, ou du moins provoqué des réclamations. » Quel est le remède à ces troubles ? L'expérience l'a signalé au ministre, et il en fait part à l'Assemblée : « Il faut observer qu'en général, dit-il, la paix a été conservée dans les lieux où les églises

non paroissiales sont restées ouvertes, surtout dans les villes où il y en a un grand nombre; et j'aime à citer pour exemple la ville de Paris, où tout est parfaitement tranquille sous ce rapport depuis que toutes les églises particulières, précédemment fermées, ont été rendues à ceux qui les désiraient, Je vois, au contraire, qu'il y a eu des agitations plus ou moins fortes dans les villes où elles ont été fermées par l'ordre des corps administratifs (1). »

Ainsi, le gouvernement reconnaissait l'innocence du clergé catholique, et ne se méprenait pas sur la vraie cause des troubles. Le ministre, qui n'est rien moins que religieux, dit hautement à l'Assemblée que, parmi tant de prêtres si souvent dénoncés, accusés de révolte et poursuivis devant les tribunaux, on n'a pas encore trouvé un seul coupable.

L'Assemblée ne croyait pas non plus à la culpabilité des prêtres, quoiqu'elle les eût traités de factieux, de fanatiques, et qu'elle eût porté contre eux une loi sévère. Non, elle n'y croyait pas. Il est possible que quelques membres se soient laissé aveugler par les dénonciations venues de la province; mais la grande majorité de l'Assemblée savait bien ce qu'elle devait penser relativement à la conduite des ecclésiastiques. Plusieurs orateurs, parmi les plus éminents que nous avons déjà entendus, ont déclaré franchement qu'ils ne les croyaient pas coupables. Dans la séance du 29 mars, sur une plainte envoyée par les administrateurs du Cantal, relativement aux troubles qui avaient éclaté

(1) Une partie de ces paroles ne se trouve pas dans le Moniteur; mais elles ont été prononcées, et recueillies par des auteurs contemporains.

dans ce département, le député Laureau, membre du directoire de l'Yonne, prit la parole pour signaler les vrais coupables, et le moyen de mettre fin aux troubles dont on se plaignait. Le peu de paroles qu'il a prononcées sont la justification complète des ecclésiastiques accusés :

« Les brigandages effrayants, dit-il, qu'on exerce dans le département du Cantal exigent enfin que vous attaquiez le mal dans sa source: jusqu'ici vous n'avez usé que de palliatifs, vous n'avez employé que des demi-mesures. On vous dit que ces troubles sont l'effet de la haine et des complots aristocratiques et sacerdotaux. Mais réfléchissez un moment, et voyez s'il est dans la nature que ces aristocrates fassent brûler leurs châteaux et ruiner leurs possessions; s'il est dans l'intérét des prétres d'armer des brigands qui veulent les égorger. Il est donc d'autres ennemis que ceux qu'on vous indique; et ces ennemis sont la licence, le brigandage, la dépravation, qui se sont emparés des mauvais citoyens; car les bons citoyens 'ne ravagent pas leur patrie; or, des mauvais citoyens pillant et brûlant sont les ennemis de l'État. Que devez-vous faire contre ces ennemis publics? Déployer la force publique, rassurer par sa protection non-seulement les habitants du Cantal, mais ceux de tout le royaume. Il faut attaquer les séditieux, les traiter en ennemis, les poursuivre partout où ils seront, les livrer au glaive des lois, et effrayer leurs imitateurs par leur prompte punition. >>

C'est ainsi que s'est exprimé le député Laureau dans un mouvement de juste indignation; ses raisons, exposées avec énergie, ne laissaient lieu à aucune réplique. Il était évident que les nobles ne pouvaient pas

être les auteurs des séditions qui avaient pour résultat de réduire leurs châteaux en cendres; il était évident que les prêtres n'avaient aucun intérêt à soulever des brigands qui venaient les égorger. Aucun homme doué de quelques rayons de l'intelligence humaine ne pouvait le supposer. Les faits d'ailleurs le prouvaient d'une manière à ne laisser de doute dans l'esprit de personne. La ville de Lyon en fournissait à cette époque de bien tristes preuves. Les catholiques de cette cité, profitant de la liberté des cultes décrétée par l'Assemblée, se réunissaient les jours de dimanche et de fêtes dans les églises de différentes communautés religieuses, et célébraient leur culte avec d'autant plus de ferveur que la religion était menacée. Au mois de mars, lorsqu'ils se préparaient à leur devoir pascal, ils furent troublés, à diverses reprises, dans leurs exerci– ces de piété. Des attroupements se formaient devant les églises, quelques bandits y entraient, y faisaient du tapage, et insultaient les assistants. De là des disputes, des rixes, qui ne pouvaient se terminer qu'avec le secours de la force armée. Mais, le 25 et le 26 mars, les églises des communautés furent attaquées toutes à la fois; il y eut des violences commises et des vengeances exercées. La municipalité, comme cela se pratiquait dans bien des villes, au lieu de s'en prendre aux auteurs du désordre, s'en prit aux catholiques, et les punit par la privation de l'office. Un arrêté du 26 mars fermait toutes les églises des couvents (1).

Comme le directoire du département n'avait encore rien statué, les fidèles se réunirent le jour de Pâques,

(1) Morin, Hist. de Lyon, t. II, p. 55 61.

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