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Mais il y avait dans l'Assemblée des hommes qui mettaient de côté la constitution du pays, ainsi que toute règle de justice et de prudence. Entraînés par leur haine contre ce qu'ils appelaient le fanatisme, ils se déclaraient franchement persécuteurs, et demandaient l'expulsion, l'exil des prêtres restés fidèles.

Le représentant Lejosne enveloppa tous les prêtres réfractaires dans une même proscription, sans distinction d'âge ou de bonne conduite. Dans un discours dont le Moniteur ne donne qu'un fragment, il leur imputa tous les malheurs de la France, même le schisme dont ils sont victimes et qui fait leur tourment. Il leur prodigua les épithètes de fourbes, de fanatiques et de perturbateurs, et, comme toujours, sans apporter aucune preuve, sans articuler aucun fait. Il demanda des lois exceptionnelles contre eux, parce que, selon lui; ils ne sont pas dans la classe des autres citoyens; ils exercent une influence prodigieuse sur l'esprit public. Les renvoyer devant les tribunaux, c'est, selon lui, les faire acquitter, parce que les tribunaux sont composés de gens de robe, pour la plupart, les plus cruels ennemis de la constitution. Il voulait donc qu'on les reléguât dans les chefs-lieux des départements, où ils seront tenus par la force des armes, et éclairés par la lumière des citoyens (1).

Nous voyons dans ces paroles une haine exaspérée contre les prêtres fidèles, dont on veut se défaire à tout prix, et l'on ne peut s'en défaire que par une proscription générale; car l'expérience avait déjà démon

(1) Histoire du Clergé depuis la convocation des états généraux, t. III, p. 232.

tré que les tribunaux étaient impuissants à les condamner, non parce qu'ils étaient mal composés, comme le dit l'orateur, mais parce qu'ils ne trouvaient pas matière à condamnation. Coustard, député de Nantes, qui s'était déjà distingué dans les ignobles exploits contre les prêtres catholiques, appuya l'avis de Lejosne, et ajouta à son projet de déportation l'ordre de se présenter tous les huit jours au directoire, d'exercer les poursuites les plus rigoureuses contre les rebelles, et de faire des proclamations paroissiales pour dissiper le fanatisme, c'est-à-dire pour détruire la religion autant que possible.

Un autre représentant, Monteze, s'emporta aussi contre les prêtres réfractaires, et demanda des mesures rigoureuses. Comme Lejosne, il ne voulait pas qu'on les poursuivit devant les tribunaux; ce procédé lui paraissait trop lent et peu efficace. « Les tribunaux, ditil, sont impuissants pour réprimer le mal; leur action est trop lente, trop difficile, et souvent ils n'ont pas la force de résister aux passions des hommes qui les entourent. »>

Un autre représentant, Roujoux, émit une idée nouvelle qui sourit beaucoup à l'Assemblée. Il demanda qu'on retranchât la pension à tous les prêtres qui exerceraient des fonctions dans des oratoires particuliers, et que les autres ne fussent payés que sur un certificat de bonne conduite, délivré par la municipalité. C'était livrer l'existence des malheureux prêtres à l'autorité arbitraire d'un maire ou d'un officier municipal.

Cependant les mesures de proscription générale, les projets de déportation dans les chefs-lieux des dépar

tements, trouvèrent des adversaires qui, sans être favorables à la religion ou à ses ministres, plaidèrent chaudement la cause de la tolérance philosophique. Le député Baert indiqua la vraie cause de l'acquittement des prêtres devant les tribunaux. « On les acquitte, dit-il, parce qu'ils ne sont pas criminels, parce qu'il n'y a pas de crimé à confesser, à baptiser, à faire de l'eau bénite. » Il voulait donc qu'on les laissât en repos; c'était, selon lui, la mesure la plus sage.

Davignau s'opposait à toute loi de proscription et d'intolérance religieuse. Il fit valoir la liberté des cultes garantie par la constitution, et expliqua les inconvé→ nients qu'entraîneraient les mesures exceptionnelles et persécutrices. Monneron, plaidant dans le même sens, voulait qu'on se bornât à la punition des prêtres factieux, et qu'on éclairât les peuples au lieu de les irriter. II proposa pour cet effet un catéchisme de morale et de politique approuvé par l'Assemblée, et envoyé dans les campagnes par milliers d'exemplaires. Nous voyons par là quelle pauvre idée avaient de la religion les membres les plus modérés et les moins impies de l'Assemblée. Ils ne connaissaient guère la source où elle puise sa force et sa vie, et le moyen de donner du mouvement au corps social. Ils croyaient avec la meilleure foi du monde qu'il suffisait d'envoyer aux peuples des catéchismes approuvés par l'Assemblée; et ce qui est remarquable, personne ne sentait le ridicule d'une pareille proposition. Enfin, on ne parvint pas à s'entendre. Les mesures de proscription trouvaient bien quelque faveur dans l'Assemblée, mais elles étaient trop vigoureusement combattues par certains

membres, et l'on se sépara sans avoir pris aucune décision (1).

Ces discusions étaient pitoyables. Les philosophes, qui avaient conservé leur bon sens, jugeaient sévèrement l'Assemblée. André Chénier, jeune écrivain déjà distingué, porta sur ces sortes de débats le jugement qu'on va lire; on se souviendra que c'est un philosophe qui parle :

« Tous ceux, dit-il, qui ont conservé la liberté de leur raison, et en qui le patriotisme n'est pas un violent désir de dominer, voient avec beaucoup de chagrin que les dissensions des prêtres aient pu occuper les premiers moments de l'Assemblée nationale. Il serait temps que l'esprit public s'éclairât enfin sur cette matière. L'Assemblée constituante elle-même s'y est trompée. Elle a prétendu faire une constitution civile de la religion, c'est-à-dire qu'elle a eu l'idée de faire un clergé après en avoir détruit un autre. Qu'importe qu'une religion diffère d'une autre? Est-ce à l'Assemblée nationale à réunir les sectes divisées, et à peser leurs différends? Les politiques sont-ils des théologiens?... Nous ne serons délivrés de l'influence de ces hommes, que quand l'Assemblée nationale aura maintenu à chacun la liberté entière de suivre ou d'inventer telle religion qu'il luf plaira; quand chacun payera le culte qu'il voudra suivre, et n'en payera point d'autre; et quand l'impartialité des tribunaux, en pareille matière, punira également les persécuteurs ou les séditieux de tous les cultes... Et les membres de l'Assemblée nationale disent encore que le peuple fran

(1) Moniteur, séance du 21 octobre 1791.

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çais n'est pas encore assez mûr pour cette doctrine! Il faut leur répondre : Cela se peut; mais c'est à vous à nous mûrir par vos paroles, par vos actes, par vos lois! Les prêtres ne troublent point les États quand on ne s'y occupe pas d'eux (1). :

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Mais nos législateurs ne sont pas aussi sages. La liberté du culte catholique s'accordait mal avec la haine voltairienne qu'ils avaient vouée à ses ministres. Les séances du 26 octobre et des jours suivants furent consacrées de nouveau, en grande partie, à la discussion de la cause des prêtres non assermentés.

Ducos, qui était du parti des girondins et qui périra avec eux, commença la séance du 26 par un beau discours en faveur de la liberté religieuse; il demanda qu'on laissât les communes libres de choisir des curés et des vicaires non assermentés, à condition qu'elles seraient tenues de les payer et de supporter tous les frais du culte. Ainsi l'indemnité est déjà retranchée; mais les catholiques ne demandaient pas autre chose dans ces temps malheureux.

Fauchet, évêque du Calvados, que le respect pour ses anciens confrères, maintenant si malheureux, aurait dû empêcher de prendre la parole dans une question semblable, n'est pas aussi généreux que Ducos. Il les accuse de soulever les faibles esprits contre les lois, de souffler la guerre civile, d'entretenir le désir et l'espoir d'une contre-révolution.

« Ce n'est pas là une religion, s'écrie-t-il, c'est la plus grande des impiétés : elle est intolérable, puisqu'elle tend à la dissolution du corps social, et qu'elle

(1) Moniteur, 22 octobre 1791.

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