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DE L'ÉGLISE

DE FRANCE

PENDANT LA RÉVOLUTION

PAR

M. L'ABBÉ JAGER.

Le clergé gallican a conquis de nouveau
dans l'Église, pendant la Révolution, la place
éminente qu'il possédait aux anciens temps; il
a fourni au ciel plus de martyrs que tout le
reste de l'Europe ensemble.

(Paroles de Pie VII.)

Tome Deuxième.

PARIS,

LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES,

IMPRIMEURS DE L'INSTITUT,

RUE JACOB, N° 56.

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DE

L'ÉGLISE DE FRANCE

PENDANT LA RÉVOLUTION.

LIVRE NEUVIÈME.

4

Pendant la discussion sur les différents articles de la constitution civile du clergé, on prenait des dispositions pour célébrer une grande fète commémorative de la victoire de la Bastille : c'était la consécration de la révolte. Mais on voulut auparavant établir une parfaite égalité entre les citoyens, et abolir les armoiries et tous les titres de noblesse : question bien plus importante qu'on ne pensait, et que l'Assemblée constituante a traitée avec une extrême légèreté. L'égalité des conditions est aussi impossible que l'égalité de la fortune. Dans l'État le plus démocratique, il y aura toujours trois sortes d'inégalités : celle du mérite, de la fortune, et de la naissance. L'homme qui a rendu de grands services à la patrie sera toujours au-dessus de celui qui lui est inutile; l'homme qui appartient à une

famille illustre ou honnête sera au-dessus de celui qui a pour père un repris de justice; l'homme qui a de la fortune, ou du moins qui a quelque chose, sera audessus de celui qui n'a rien. Qu'on fasse tout ce qu'on voudra, on ne parviendra jamais à effacer ces distinctions. La France avait des enfants nobles qui depuis longtemps faisaient sa gloire, et qui donnaient à la nation l'exemple de cette politesse et de ces mœurs douces, tant admirées des étrangers. Ils tenaient leurs titres de leurs ancêtres, et les regardaient comme leur plus précieux héritage. Ils servaient de rempart à la royauté, et d'intermédiaires entre le roi et le peuple. La nuit du 4 août (1789) les avait dépouillés de leurs priviléges, et les avait rendus égaux devant la loi ; mais selon les vœux de la France, exprimés dans les cahiers des électeurs, l'institution était restée debout, comme devant servir de stimulant à tous ceux qui vou draient bien servir la patrie; car la carrière de la no blesse avait été ouverte à tout le monde. Le roi, plus profond politique que les représentants, tenait beaucoup à la conservation de l'ordre. Il avait prononcé, dans son discours du 4 février, ces remarquables paroles :

<< Tout ce qui rappelle à une nation l'ancienneté et la continuité des services d'une race honorée, est une distinction que rien ne peut détruire; et comme elle s'unit aux devoirs de la reconnaissance, ceux qui, dans toutes les classes de la société, aspirent à servir efficacement leur patrie, et ceux qui ont déjà eu le bonheur d'y réussir, ont un intérêt à respecter cette transmission de titres ou de souvenirs, le plus beau de tous les héritages qu'on puisse faire passer à ses enfants. »

Mais les députés qui avaient paru goûter ces réflexions, en applaudissant le discours, n'en tinrent aucun compte; ils proposèrent l'abolition des titres, et, ce qu'il y a de plus étonnant, ils furent aidés en cela par plusieurs députés distingués de la noblesse. L'abbé Maury, qui était d'une basse extraction, se crut obligé, dans l'intérêt de l'État, de défendre les titres contre ceux qui les portaient. Il établit, par l'histoire, que la noblesse purement honorifique était une nécessité sociale; que tous les peuples, dans tous les temps, l'avaient admise; et que là où elle n'existait pas dans la loi, elle existait dans l'opinion. Puis, découvrant le véritable motif de ses adversaires, membres de la noblesse, il s'écria : « Ne pourrait-on pas dire à ceux « qui demandent avec acharnement toutes ces inno« vations, ce que quelqu'un répondit à un philosophe orgueilleux Tu foules à tes pieds le faste, mais « avec plus de faste encore (1)? »

«

Le discours de l'abbé Maury n'eut aucun succès : les titres, les armoiries, et tous les honneurs qui y étaient rattachés, furent abolis, au grand dépit de la noblesse, qui fut plus peinée de la suppression des titres que des autres pertes qu'elle avait subies depuis la révolution. Ce fut une grande faute politique, car il n'y a pas de pouvoir solide dans l'État, lorsqu'il n'y a pas de corps intermédiaire entre le roi et le peuple: c'était également une injustice, car le titre est un héritage de famille, le plus précieux de tous, comme le disait Louis XVI, qu'on ne peut enlever sans porter atteinte au droit de pro

(1) Moniteur, séance du 19 juin 1790.

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