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ques de l'Assemblée, était une preuve de la bonne volonté qu'on avait de pousser la condescendance jusqu'à la dernière limite, au delà de laquelle il n'y avait plus que prévarication.

Il est donc faux de dire, comme certains réformateurs contemporains ont osé l'avancer, que le clergé a perdu la religion par sa résistance: ce reproche suppose une profonde ignorance de ce qui s'est passé à l'Assemblée constituante. Le clergé a cédé, dans l'intérêt de la paix, à toutes les exigences de l'Assemblée; il a fait le sacrifice de ses intérêts temporels; il ne s'est opposé à aucune réforme utile, ni à la suppression d'aucun abus; il s'est arrêté seulement là où il s'agissait de la constitution de l'Église, sur laquelle sa conscience ne lui permettait pas de transiger. Ce qui a contribué à la perte de la religion, c'est l'infidélité de ceux qui n'ont point reculé devant un serment sacrilége, et qui ont trahi leurs devoirs de conscience. On les appelait patriotes, eux qui travaillaient, peut-être sans le savoir, à la ruine de leur patrie. S'ils avaient résisté comme leurs confrères, et d'une voix unanime, il eût été difficile à l'Assemblée de ne pas modifier ses décrets; elle n'aurait pas osé braver la résistance de tout un pays. Si donc la religion a été détruite, ce n'est pas parce que le clergé n'a pas assez cédé; c'est plutôt parce que certains de ses membres ont trop cédé.

Barnave profita de la discussion pour prier l'Assemblée de déclarer aux ecclésiastiques, fonctionnaires publics et membres de l'Assemblée, que le délai accordé pour prêter le serment expirait le lendemain 4 janvier, à une heure. C'était avertir les ecclésiastiques qui n'avaient pas encore prêté serment, --- et c'étaient

plus des trois quarts de l'Assemblée, qu'ils eussent à le prêter, sous peine d'être déclarés démissionnaires, et d'être remplacés dans leurs fonctions. Le sacrifice allait

se consommer.

Pourquoi Barnave était-il si pressé? Le motif est clairement indiqué dans cette histoire. Barnave et son parti craignaient une réponse favorable de Rome, qui aurait détruit leur œuvre, bâtie sur l'exclusion du pape. Ils savaient qu'on était en instance à Rome, et que d'un jour à l'autre on attendait une réponse. En effet, le roi avait envoyé une nouvelle lettre à Rome, en date du 16 décembre. Une copie en a été trouvée dans l'armoire de fer, écrite de la main de l'archevêque d'Aix. Dans cette lettre, le roi avait pressé le pape en ces termes :

On ne saurait se dissimuler à quel point il importe que l'Église fasse tout ce qu'elle peut faire. Le silence ou le refus de Votre Sainteté décidera le schisme. C'est pour le plus grand intérêt de la religion que je vous conjure de me donner une réponse prompte, et conforme aux articles que je vous propose (1).

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On fondait de grandes espérances sur ces articles, qui, dans la pensée du roi et celle de l'archevêque d'Aix, devaient tout concilier. Le côté gauche, qui redoutait une conciliation, pressait donc le serment, afin que tout fût accompli, et qu'on ne pût plus y revenir. Mais on dissimulait toujours cette raison, et l'on mettait en avant le prétexte de la tranquillité publique.

Le côté droit demandait un délai de huit jours, car on espérait recevoir une réponse de Rome dans la huitaine. Mais plus on différait d'un côté, plus on pressait

(1) Flassan, Hist. de la Diplomatie franç., t. VII, p. 489.— Armoire de fer, no 278

de l'autre. On voulait en finir avec la religion catholique, avec l'autorité du pape, et établir au plus tôt l'Église constitutionnelle. Cazalès, homme loyal, que son attachement à la religion et à la monarchie avait rendu éloquent, qualité dont il ne s'était point douté, essaya un dernier effort pour obtenir le délai demandé. Il prit toutes les précautions oratoires pour ne blesser personne, et pour disposer l'Assemblée en sa faveur ; il alla même jusqu'à ménager les prêtres qui avaient prêté le serment, ne voulant pas les avoir contre lui. « Aucuns des ecclésiastiques qui ont prêté le serment, « dit-il, ne peuvent trouver que j'aie voulu les blâmer; <«< car ils ont agi suivant leur conscience: ils n'ont <«< manqué ni à la loi, ni à la religion, ni à l'hon«< neur (1). » Mais en respectant la conscience des uns, il veut aussi qu'on respecte la conscience des autres. Il montre que les évêques ont un grand désir d'obéir aux ordres de l'Assemblée, et que, s'ils n'ont point prêté le serment, c'est qu'ils attendent du pape une réponse qui sera sans doute favorable, et qui pourra concilier leur conscience et leurs propres désirs.

<< Il serait impolitique et barbare, dit-il à l'Assemblée, de leur refuser un délai, peut-être de quelques jours, qui les mettrait dans le cas d'obéir à vos décrets, en ne manquant ni à la religion ni à l'honneur. La religion et l'honneur ont toujours été une digue puissante contre le despotisme de toutes les espèces. Ce n'est pas aux représentants du peuple français qu'il appartient de lever, de repousser des obstacles tels que ceux de l'honneur et de la religion; ce n'est pas aux représen

(1) Moniteur, séance du 3 janvier 1791.

tants du peuple français à mettre les citoyens dans l'alternative d'être impies ou rebelles, coupables ou déshonorés. Vous ne les pousserez pas à cette extrémité ; ils veulent faire tout ce qu'exige leur devoir : mais ne leur commandez que ce qui est faisable. »

L'orateur fit justice de ces desseins de troubles et de guerre qu'on prêtait aux ecclésiastiques, et spécialement aux évêques. Il assura que les évêques n'avaient jamais eu l'intention d'exciter le moindre trouble, ni d'opposer de la résistance; autrement ils auraient suivi une marche bien différente. D'ailleurs peut-on leur supposer l'intention d'exciter des troubles dont ils deviendraient victimes?

<< Il est certain, dit-il, que les ministres du culte ont de nombreux ennemis ; qu'on a voulu les rendre odieux aux peuples, et qu'ils seraient les premières victimes du trouble: si une guerre civile ou religieuse se déclarait, c'est sur le clergé que porterait toute la fureur du peuple. Si vous considérez donc le grand intérêt qu'ils ont à la paix publique, il est impossible de ne pas voir qu'ils n'ont pas l'intention de vous résister, et qu'ils ne cherchent qu'un moyen d'obéir sans manquer à leur conscience. >>

L'orateur chercha ensuite à exciter la sensibilité de l'Assemblée, afin de la détourner de toute voie de rigueur. « L'Assemblée, dit-il, si elle agit avec rigueur,

:

destituera peut-être soixante ou quatre-vingts de ses «< membres. » A ces mots on entendit crier, du côté gauche Tant mieux! et ce cri barbare fut suivi d'applaudissements, ce qui prouve mieux que toute autre chose la haine des membres du côté gauche contre le sacerdoce catholique. Cazalès releva ces cris avec un

imperturbable sang-froid et une grande adresse, cherchant à les faire tourner au profit de sa cause.

<< Comme il est resté dans mon âme, dit-il, quelque honneur et quelque sensibilité; comme je suis sûr que le sentiment qu'on vient d'exprimer n'est pas celui de la majorité; comme je persiste à croire que l'Assemblée veut trouver des innocents, qu'elle aime mieux attendre que de punir; qu'en exigeant ce serment, elle n'a pas eu l'intention de destituer les évêques; comme on a partagé l'indignation que m'ont fait ressentir les insolentes clameurs que je viens d'entendre, je crois que vous accorderez un nouveau délai. Je conjure donc l'Assemblée, au nom de sa bonté, de sa sagesse, de sa prudence, de ne pas adopter la motion de M. Barnave (1). »

Mais Cazalès avait beau prendre des ménagements, exciter la sensibilité de ses collègues, les piquer d'honneur; son discours, interrompu plusieurs fois par des cris A l'ordre! ne produisit aucun effet. La majorité, entraînée par le côté gauche, décida que le délai accordé pour prêter le serment expirait le lendemain, à une heure (2).

Le 4 janvier était donc le dernier jour accordé aux ecclésiastiques, membres de l'Assemblée, pour prêter le serment à la constitution civile du clergé. La curiosité et la malveillance avaient attiré une foule immense de monde; les tribunes s'étaient remplies au delà de ce qu'elles pouvaient contenir. Les catholiques étaient inquiets; ils se rappelaient la défection de la majorité

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