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cuper sans cesse l'esprit et le cœur d'un honnête homme (1).

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Dans le mémoire mis sous les yeux du roi et envoyé au pape, l'archevêque a porté les concessions à leurs dernières limites; il les a peut-être dépassées mais il faut l'excuser par son ardent désir d'éviter le schisme. Voici les conclusions du mémoire, écrit de la main de l'archevêque, et daté, de la main du roi, du 1er décembre 1790 :

«< 1° Que Sa Sainteté autorise et confirme la division des métropoles et des évéchés, telle qu'elle est établie par le décret de l'Assemblée nationale sur la constitution civile du clergé ;

« 2° Qu'elle exhorte les métropolitains dont la métropole est supprimée ou restreinte, ou les évêques dont les diocèses sont supprimés ou démembrés, à donner leur consentement à cette nouvelle division, par les vues de sagesse et de charité qui doivent tendre au maintien de la religion catholique et de la tranquillité publique;

«< 3o Qu'elle donne son autorisation à l'érection de nouveaux évêchés, avec le consentement des évêques diocésains et métropolitains;

«< 4° Qu'elle autorise également les métropolitains à donner l'institution canonique aux nouveaux évêques, en attendant qu'il soit fait un arrangement définitif;

<< 5° Qu'elle donne son approbation à l'établissement qui sera fait, par les évêques, d'un nombre de vicaires qui rempliront les fonctions paroissiales dans l'église cathédrale, et qui formeront, comme dans les anciennes

(1) Armoire de fer, no 72, 1er décembre.

églises, le conseil habituel et permanent de l'évêque, sans que l'évêque puisse perdre la juridiction propre qui lui appartient, ainsi qu'aux réunions des curés qui doivent former la paroisse de l'église cathédrale ;

<< 6° Qu'elle exhorte les évêques à donner l'institution et collation des cures vacantes à ceux qui lui seraient présentés par voie d'élection, à moins qu'ils n'aient des raisons pour la refuser pour cause de mœurs ou de doctrine, sans rien préjuger sur la forme des élections, en témoignant le vœu d'établir des élections conformes à l'esprit de la primitive Église; se réservant de faire une réponse ultérieure sur les différents articles non répondus, ou répondus provisoirement (1). »

L'archevêque d'Aix ne pouvait guère espérer l'approbation de tous ces articles. La cour romaine, en effet, ne donna aucune réponse; elle voulait prendre le temps nécessaire pour procéder avec plus de maturité dans une question qui touchait aux fondements de l'Église. En attendant, la sanction ne se donnait pas, et, comme il était déjà arrivé tant de fois, on faisait des commentaires dans le public et dans la presse. Les évêques continuaient d'instruire les fidèles par des mandements et des lettres pastorales. Quelques laïques même protestèrent contre la loi du serment: la presse orthodoxe faisait grand bruit de ces écrits, la presse révolutionnaire s'en irritait. Les jansénistes étaient dans l'impatience d'établir, par la constitution, l'Église qu'avaient rêvée, dès le règne de Louis XIV, Arnauld et Quesnel (2), lorsque tout à coup Camus proposa à l'As

(1) Armoire de fer, no 212.

(2) Mémoires de Ferrières, t. II, p. 193.

semblée de charger son président d'aller dans la matinée chez le roi, s'informer des motifs pour lesquels le décret concernant le clergé n'était pas encore sanctionné, et le prier d'y donner incessamment sa sanction. L'Assemblée et les tribunes applaudirent à plusieurs reprises, et la proposition fut acceptée avec unanimité.

Le roi, qui attendait toujours une décision de Rome, donna une réponse évasive, dont voici les termes :

<< En acceptant le décret sur la constitution civile du clergé, j'ai fait annoncer à l'Assemblée nationale que je prendrais des mesures convenables pour en assurer la pleine et entière exécution. Depuis cet instant, je n'ai cessé de m'en occuper. Le décret du 27 novembre n'étant qu'une suite de celui du mois de juillet, il ne peut rester aucun doute sur mes dispositions; mais il m'a paru mériter la plus grande attention dans l'exécution. Mon respect pour la religion, et mon devoir d'établir la constitution sans agitation et sans trouble, m'ont fait redoubler d'activité dans les mesures que je prenais. J'en attends l'effet d'un moment à l'autre, et j'espère que l'Assemblée nationale s'en rapportera à moi, avec d'autant plus de confiance que, par les décrets, je suis chargé de l'exécution des lois, et qu'en prenant les moyens les plus doux et les plus sûrs, pour éviter tout ce qui pourrait troubler la tranquillité publique, je pense consolider les bases de la constitution du royaume. Je répète encore à l'Assemblée nationale qu'elle prenne en moi toute la confiance que je mérite (1). »

(1) Moniteur, séance du 23 décembre 1790.'

Le janséniste Camus s'emporta avec violence contre cette réponse si modérée et si sage, et fit observer qu'elle n'était revêtue d'aucune signature. Il ajouta que le roi devait d'autant plus s'empresser de satisfaire l'Assemblée, qu'on lui demandait, non une sanction, mais une simple acceptation. Il faisait ainsi passer, par une insigne mauvaise foi, une disposition purement réglementaire pour un décret constitutionnel, dont l'acceptation était obligatoire: c'est par là qu'on éludait le veto suspensif que la constitution accordait au roi.

Camus, comme on le voit par son discours, était pressé de recevoir l'acceptation du roi, dont il faisait dépendre le maintien de la tranquillité publique : c'était de sa part un faux prétexte, ou plutôt un acte d'hypocrisie. Ce qu'il craignait dans le fond du cœur, c'était la ratification du pape, dont il ne voulait pas reconnaître l'autorité. Malgré le soin qu'il prit de déguiser sa pensée, elle lui échappa involontairement. «< Les évêques, dit-il, déclarent qu'ils attendent la sanction de celui qu'ils appellent souverain pontife de l'Église, comme s'il y en avait un autre que Jésus-Christ, son fondateur!» Un membre de la droite lui demanda de quelle religion il était? En effet, après ces paroles, Camus ne pouvait plus se dire catholique.

Un vif débat s'engagea sur la réponse du roi; plusieurs députés étaient d'avis de s'en rapporter à sa sagesse sur l'opportunité de la sanction; mais les membres révolutionnaires ne consentaient à aucun délai. Maury prononça alors quelques paroles énergiques, rendues inexactement dans le Moniteur. « Eh bien! dit-il, hâtez-vous, envoyez un second message

au roi; pressez la sanction d'un décret si cher à votre cœur. Que rien, n'arrête enfin cette preuve d'amour que vous voulez donner au peuple français, en ordonnant l'effusion de notre sang... Hâtez-vous! les victimes sont prêtes; les voici sous vos yeux. Pourquoi prolonger le supplice d'une plus longue attente? Hâtezvous : procédez législativement à l'exécution, ou plutôt aux exécutions... Essayez le moyen du martyre, pour vous faire des partisans. Dominez, ou plutôt apprenez que le règne de la terreur touche à son terme : Votre puissance n'est plus rien, dès que nous cessons de la redouter (1). »

Sans doute la puissance des révolutionnaires, en petit nombre en comparaison des hommes d'ordre et de religion, eût été peu de chose, si l'on avait cessé de la redouter. Mais on ne l'a pas fait, et leur puissance n'a été qu'en croissant, par la peur ou l'indolence du parti de l'ordre. Maury, comme il le fait voir dans son discours, comptait sur une fermeté inébranlable de tout le clergé, et sur une opposition populaire à l'exécution des décrets. L'un et l'autre appuis sont venus à manquer.

Camus et Chasset sont sortis vainqueurs de ce combat; ils ont obtenu de l'Assemblée une seconde députation au roi pour l'approbation du décret (1).

Il serait difficile de peindre les anxiétés du roi, qui prévoyait tous les malheurs d'une scission. Il s'adressa encore une fois à l'archevêque d'Aix pour lui demander conseil, en le priant de s'adjoindre une autre per

(1) Barruel, Hist. du Clergé, t. I, p. 61.

(2) Moniteur, séance du 23 décembre 1790.

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