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décrets avaient de rigoureux, en adjoignant aux chapitres de se retirer des chœurs, où ils vaquaient aux prières publiques. C'est lui qui a écrit des lettres que j'ai dans les mains, où il parle aux corps ecclésiastiques comme le corps législatif parlerait lui-même, s'il correspondait avec eux. » Ce passage a été interrompu fréquemment par de violents murmures; l'orateur eut de la peine à conserver la parole. Il le termina par dire que le comité ecclésiastique, usurpant le pouvoir exécutif, s'était mis à faire exécuter dans les départements la constitution civile du clergé, parce qu'instruit des démarches qu'on faisait à Rome, il ne voulait pas laisser intervenir l'autorité du saint-siége. Il accusa le comité ecclésiastique d'être la cause de tous les malheurs.

Il fit connaître une autre manoeuvre employée dans cette discussion même : c'est que les ennemis du clergé se concertent entre eux sur les moyens d'attaque; ils se préparent en secret, ramassent dans les ténèbres, comme dit l'orateur, les armes que la calomnie peut leur fournir dans tout l'empire contre le clergé. Quand leurs discours sont écrits, et qu'ils sont prêts, alors ils viennent inopinément à l'Assemblée, soulèvent des débats auxquels personne ne s'attendait et auxquels personne n'était préparé. « On annonce tout à coup, dit Maury, une séance extraordinaire, dont l'objet nous est inconnu. La foudre nous frappe avant l'éclair. La délibération s'ouvre par un long et perfide rapport, renforcé à chaque page par ces violentes déclarations qui commandent aux tribunes la manœuvre législative des applaudissements. Les orateurs préparés en faveur du décret s'emparent alors de la parole, et nous lisent,

avec toute la véhémence d'une inspiration soudaine, leurs discours composés à loisir. Si nous demandons l'ajournement pour préparer notre défense, ajournement qu'on ne refuse jamais dans les tribunaux ordinaires pour les plus légers intérêts, un délai de deux jours nous est refusé. Nous n'avons pas même le temps de la réflexion, seule puissance qui nous reste en défendant nos droits. Que dis-je? si nous paraissons dans l'arène, nous ne pouvons, le plus souvent, être entendus. Il faut recevoir comme une grâce la liberté d'improviser à la tribune, comme je le fais à présent, après une foule de lecteurs qui ont écrit leurs plaidoyers dans la tranquille solitude du cabinet. Inspirés par nos premiers mouvements, nous nous élançons au combat; nous nous livrons à une discussion cent fois interrompue. Mais je m'arrête, messieurs! vous savez comment on nous écoute, et l'Europe sait comment on nous juge.

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Ce que dit Maury était arrivé dans cette triste et mé. morable circonstance. Le plan en avait été arrêté et préparé dans les ténèbres; on l'a soumis inopinément à l'Assemblée. Les orateurs du parti opposé se trouvaient au dépourvu; et quand ils voulaient improviser, on les interrompait à chaque minute par des murmures et des cris Al'ordre ! Les tribunes venaient en aide par ́leurs murmures et leurs applaudissements. Dans la séance actuelle, on a eu un soin particulier d'employer cette manœuvre législative, comme l'appelle l'orateur. Car, pendant la séance, on faisait circuler dans la salle des billets portant ces mots: Faites du bruit... Redoublez les brouhahas... Réveillez les tribunes qui paraissent endormies. Aussi l'abbé Maury eut-il mille peines

à se faire entendre. Il termina son discours par la peinture des maux qu'il prévoyait à la suite du décret proposé.

« Nous ne scruterons pas dans cette tribune, dit-il, des motifs qui ne sauraient échapper ni à nos amis ni à nos ennemis. Nous nous abstiendrons de caractériser une persécution qui renouvellerait, pour l'Église, cette époque de désastres et de gloire où les pontifes de la religion, dévoués au ministère du martyre, étaient obligés d'aller se cacher au fond des cavernes, pour imposer les mains à leurs successeurs. Ces tableaux, malheureusement trop prophétiques, paraîtraient peutêtre de calomnieuses exagérations aux yeux de nos adversaires, qui ne sont pas dans le secret du parti auquel ils servent d'instruments... Quels que soient vos principes religieux, messieurs, le corps législatif doit sentir la nécessité d'environner les premiers pasteurs de la considération publique. Législateurs d'un jour, législateurs de quelques journaux serviles, vous regardez comme de bons Français tous ceux que la révolution a enrichis, tandis que vous dénoncez comme de mauvais patriotes tous ceux qu'elle a ruinés. ( Violents murmures.) Vous avez beau m'interrompre en répondant par des murmures à mes raisons, comme si mes raisons étaient des injures. Eh! que craignez-vous pour vous abaisser aux menaces? Le règne de la justice n'est point encore arrivé; mais le moment de la vérité est venu, et vous allez l'entendre. »

Ici, Maury rappelle les caresses qu'on faisait au clergé lorsqu'il s'agissait de la fusion des trois ordres, et les fait contraster avec les injures qu'on lui prodigue maintenant.

<< Lorsque vous vintes inviter le clergé, au nom d'un Dieu de paix, à prendre place dans cette Assemblée parmi les représentants de la nation, il ne devait pas s'attendre à s'y voir livré, du haut de cette tribune, au mépris et à la rage des peuples. Nous dirons qu'il y a autant de lâcheté que d'injustice à attaquer des hommes qui ne peuvent opposer aux outrages que la patience, et à la fureur que la résignation. Nous dirons à nos détracteurs que si le tombeau dans lequel ils croient nous avoir ensevelis ne leur paraît pas encore assez profond pour leur répondre de notre anéantissement, ce seront leurs injures, ce seront leurs persécutions qui nous en feront sortir avec gloire, pour reconquérir l'estime et l'intérêt de la nation, et que la pitié publique nous vengera bientôt du mal que nous a fait l'envie. (Mille cris A l'ordre.)

<< Vous demandez qu'on me rappelle à l'ordre... Mais on n'a pas rappelé à l'ordre les orateurs qui ont insulté les évêques, auxquels tous les ecclésiastiques s'empressent de donner, par ma voix, des témoignages d'admiration et de respect. Quand nous rendons cet hommage public à nos chefs, nous voulons apprendre quels sont nos sentiments pour leur gouvernement paternel, pour les soins courageux et constants qu'ils prennent pour la gloire de l'Église de France, de cette Église aujourd'hui inconnue, et qui n'en est pas moins la première Église de l'univers. En les louant comme la postérité les louera, je sers la chose publique; car, prenez-y garde, il n'est pas bon de faire des martyrs! Les hommes qui ont la conscience de leurs devoirs sacrés feront voir que le sacrifice des biens de ce monde, que le sacrifice de la vie, ne leur coûte rien.

pour remplir ces devoirs; qu'ils n'existent pas pour le temps présent, que c'est un autre temps qu'ils attendent; que c'est là qu'ils trouveront de véritables biens, une véritable vie... Vous traiterez alors en ennemis de la patrie ceux qui oppriment sans intérêt des hommes qui prient pour vous... (Rires et murmures.) Oui, il n'y a que les ennemis de la chose publique qui puissent tourmenter, persécuter des hommes qui prient pour ceux qui les insultent; des hommes qui, dans la séance d'hier, ont donné des preuves d'une grande longanimité; qui veulent rendre à César ce qui appartient à César, et qui en périssant, s'il le faut, pour leurs devoirs, montreront à l'univers entier que, s'ils n'ont pas pu obtenir votre bienveillance, ils ont du moins mérité votre estime!» (La droite applaudit.) L'orateur termina par demander, comme ses autres collègues, l'ajournement du projet proposé, jusqu'à ce qu'on eût reçu une réponse du souverain pontife.

Mais le discours de Maury, un des plus beaux qu'il ait prononcés, fut sans effet. Camus s'opposa à l'ajournement, qu'il représentait comme dangereux. Il osa avancer que l'Assemblée, ayant le droit d'admettre ou de rejeter la religion catholique, ne s'est servie de son malheureux pouvoir que pour adopter cette religion.

Les cris Aux voix! se firent entendre de tous côtés; et aussitôt la discussion générale fut fermée à une grande majorité. Cazalès, qui s'était proposé de parler, fit observer, avec beaucoup de raison et de justice, qu'il paraissait bien étrange qu'on fermât la discussion sur une matière aussi grave, lorsqu'on n'avait encore entendu qu'un seul orateur (l'abbé Maury) du parti opposé au projet. Il demanda qu'on consultât de nouveau

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