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priété. Le roi, ne voulant mettre aucune opposition aux travaux de l'Assemblée, sanctionna la suppression des titres, malgré les avis de la Fayette et d'autres seigneurs (1).

La fête appelée celle de la Fédération était fixée au 14 juillet, jour anniversaire de la prise de la Bastille, et devait se célébrer au Champ-de-Mars. Comme on craignait de ne pas être prêt pour le jour fixé, la municipalité fit un appel au zèle patriotique des habitants. Ce ne fut pas en vain, car aussitôt une foule de personnes de tout rang, de tout sexe et de tout âge se portèrent au Champ-de-Mars pour aider les ouvriers à hâter les préparatifs: ce fut dans cette circonstance que furent élevés de chaque côté des talus tels qu'ils existent encore aujourd'hui (2). Toute la France devait participer à cette fête par des représentants, qui étaient au nombre de onze mille pour les armées de terre et de mer, et de dix-huit mille pour les gardes nationales du royaume, non compris celle de Paris, qui devait y paraître au grand complet. Les vainqueurs de la Bastille avaient demandé et obtenu une place d'honneur. Un baron prussien, nommé Cloots, connu depuis longtemps par son exaltation philosophique, voulut y représenter le genre humain. Le 19 juin 1790, il s'était présenté à l'Assemblée, accompagné d'un certain nombre d'Anglais, de Prussiens, de Siciliens, d'Allemands, de Suédois, d'Américains, d'Arabes, de Chaldéens.....; du moins ils portaient le costume de ces diverses nations, car plusieurs étaient des ouvriers de Paris qu'on

(1) Degalmer, Hist. de l'Ass. constit., t. II, p. 93-99. (2) Hist. parlem., t. III, p. 268.

avait enrôlés pour cette circonstance, et affublés d'habillements pris chez les loueurs de costumes du carnaval. Admis à l'Assemblée avec son bizarre cortége, Cloots parla beaucoup de la liberté et du bonheur des Français, de l'oppression et de l'infortune que les tyrans faisaient peser sur les autres peuples de l'Europe. Il ne manqua pas d'exprimer l'espérance de voir tous les peuples, le genre humain tout entier, participer un jour aux bienfaits de la déclaration des droits de l'homme (1). Il demanda pour lui et ses compagnons une place au Champ-de-Mars, où ils élèveront le bonnet de la liberté, en signe de la délivrance prochaine de leurs malheureux concitoyens. L'Assemblée, à l'exception du côté droit, prit cette demande au sérieux, et le genre humain eut la permission de paraître au Champ-de-Mars, où on lui assigna une place d'honneur. Ce fut à cette occasion qu'on décida de faire disparaître les quatre figures enchaînées qui étaient au bas de la statue de Louis XIV, à la place des Victoires. L'évêque de Dijon, indigné de tant de destructions, s'approcha du bureau, et y déposa sa dé

mission.

Ce Cloots, né en Prusse, héritier d'une grande fortune, avait été élevé à Paris, où il continua de séjourner. Il fit connaissance avec les philosophes, adopta leurs doctrines, et en tira les dernières conséquences. Avec un esprit vif et une imagination délirante, il avait étudié les philosophes anciens, consulté les nouveaux dans divers voyages faits en Angleterre, en Allemagne, en Italie, et en d'autres contrées de l'Europe. Revenu

(1) Moniteur, séance du 19 juin 1790.

à Paris, il se mit en tête de réformer tous les peuples et tous les États, et se donna le titre de l'Orateur du genre humain. Après l'ouverture des états généraux, il assiégeait sans cesse les autorités de l'Assemblée nationale de ses pétitions, de ses félicitations et de ses discours, qui eussent quelquefois produit un bon effet, dit-on, si l'auteur ne s'était pas rendu ridicule par son titre d'Orateur du genre humain, dont il signait toujours ses écrits. Les idées de Cloots se développèrent à mesure que la révolution faisait des progrès; à chaque nouvelle phase, il devenait plus hardi. Après la journée du 10 août (1792), il attaqua tous les rois et tous les peuples de la terre il se déclara même l'adversaire de Dieu, et prêcha hautement l'athéisme, qui devait être le dogme de la république universelle, qu'il voulait établir dans tout l'univers, et pour la fondation de laquelle il offrait une partie de sa fortune. Élu député à la Convention dans le département de l'Oise par l'intrigue des émissaires de Paris, il donna un nouvel essor à son impiété et à sa haine contre les rois. Il proposa à l'Assemblée de mettre à prix la tête du roi de Prusse et celle du duc de Brunswick, et exalta l'action d'Anckastroëm, assassin du roi de Suède. Il n'eut pas honte de défendre avec ardeur les assassins de septembre, dont le parti modéré de la Convention avait demandé la punition; il vota la mort de Louis XVI avec empressement, et ajouta : « Je condamne pareillement « à mort l'infâme Frédéric-Guillaume. » Conformément à son impiété, il fit hommage à la Convention d'un discours où il proposait d'ériger une statue en l'honneur de J. Meslier, curé champenois, qui avait renoncé à son état, et abjuré la religion dont il était le ministre.

La Convention accepta son discours, en ordonna l'impression et l'envoi à tous les départements, selon le vœu de son auteur: c'était avouer ses doctrines, qui, du reste, n'étaient que les conséquences des principes de l'Assemblée. Cependant Robespierre, le trouvant trop exalté, le fit exclure de la Convention, sous prétexte qu'il ne pouvait pas être bon sans-culotte avec 100,000 livres de rente, et qu'il rendait les Français odieux aux autres nations, par son système de république universelle et de son affreux athéisme. Cloots, après avoir tant crié contre la tyrannie d'en haut, tomba sous la main d'une autre tyrannie bien plus redoutable, celle d'en bas, qui le condamna à mort. Ce fut le 24 mars 1794; il subit son supplice avec fermeté, appelant de son jugement à celui du genre humain, ce qui était digne de ses antécédents (1).

La fête du 14 juillet est une des plus belles et des plus joyeuses que Paris ait jamais vues. On était enthousiasmé de la nouvelle constitution, on ignorait ses défauts, ou on se les dissimulait soigneusement; l'immense majorité des Français s'y était ralliée, à l'exemple de celle de l'Assemblée; on en attendait le bonheur de la France. On se porta donc en foule au Champ-deMars, où régnèrent une joie et un enthousiasme qu'il serait impossible de décrire. Les députations des départements s'étaient réunies à la Bastille, pour se diriger ensuite processionnellement vers le Champ-deMars. Le roi les avait reçues la veille, et leur avait adressé des paroles dignes de saint Louis :

<< Redites à vos concitoyens que j'aurais voulu parler

(1) Biog. univ., art. Cloots.

à tous comme je vous parle ici; redites-leur que le roi est leur père, leur frère, leur ami; qu'il ne peut être heureux que par leur bonheur, grand que de leur gloire, puissant que de leur liberté, riche que de leur prospérité, souffrant que de leurs maux. Faites surtout entendre les paroles ou plutôt les sentiments de mon cœur, dans les humbles chaumières et dans les réduits des infortunés; dites-leur que, si je ne puis me transporter avec eux dans leur asile, je veux y être par mes affections et par les lois protectrices des faibles, veiller pour eux, vivre pour eux, mourir, s'il le faut, pour eux (1). »

Ces députations, sorties de la place de la Bastille, et jointes, sur la place de la Concorde, par les membres de l'Assemblée, arrivèrent au Champ-de-Mars au milieu de mille cris d'allégresse. L'enceinte était pleine, les hauteurs de Passy, les toits même des maisons étaient couverts de monde; une pluie battante n'interrompit pas un instant les cris de joie. Au milieu du Champ-de-Mars s'élevait un autel faisant face à l'École militaire, devant laquelle étaient placés le roi sur un trône, et l'Assemblée sur un amphithéâtre. Derrière était une tribune pour la reine, le Dauphin, les princes et les princesses du sang. Talleyrand, évêque d'Autun, avait été choisi pour célébrer la messe. Cet honneur appartenait à l'archevêque de Paris, ou, en son absence, à un des prélats éminents du clergé de France; mais Talleyrand avait donné des gages à la révolution, il avait proposé la vente des biens de l'Église et voté la constitution civile du clergé : c'est

(1) Mém, de la Fayette, t. III.

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