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il avait su joindre à la solidité de ses raisons la modération dont l'évêque de Clermont lui avait donné l'exemple, il aurait peut-être arrêté les mesures proposées; car les constitutionnels de l'Assemblée n'avaient plus qu'une médiocre confiance dans les arguments des jansénistes. On entendait dire sur les bancs: Ces jansénistes perdront tout avec leur pragmatique sanction et leur primitive Église. Maury se livra pendant deux heures à une improvisation solide, mais irritante, et à laquelle, du reste, il n'était point préparé. Après avoir fait ressortir l'absurdité des principes de la nouvelle constitution, tout ce qu'ils ont de contraire aux règles de l'Église et à celles d'une sage politique, il attaqua avec véhémence l'Assemblée nationale, qu'il appela une assemblée d'usurpateurs de pouvoirs, de tyrans, qui se sont faits à la fois législateurs, pontifes et juges, ajoutant qu'il ne leur manque plus que des huissiers. Il dit qu'il fallait aller en Orient, à Constantinople, pour trouver l'exemple d'un pareil despotisme.

Il railla finement la théologie des nouveaux docteurs, tels que de Menou et de Voidel; et puis il s'attacha plus particulièrement à Mirabeau, qui avait attribué à chaque évêque une juridiction universelle et illimitée. Mirabeau voulait prouver par là qu'on pouvait étendre la juridiction de certains évêques sans avoir besoin du pape. Maury lui opposa son ouvrage sur la monarchie prussienne, ouvrage, dit-il, très-peu lu, où Mirabeau reconnaissait, en matière de hiérarchie et de discipline, la haute compétence de l'Église. Il fait contraster cette opinion avec celle qu'il venait d'énoncer, et par laquelle il reconnaissait à chaque évêque une juridiction universelle sur toutes les églises, en vertu de

l'autorité qu'il tenait du droit divin. Mirabeau avait poussé l'ignorance jusqu'à dire que telle était la doctrine du premier article de la déclaration du clergé de France. Maury s'appliqua à réfuter cette assertion, et reproduisit les paroles de Mirabeau, que celui-ci s'empressa de contester. Alors une lutte corps à corps s'établit entre les deux orateurs au sujet de l'évêque, qui devait être universel, selon le premier des quatre articles du clergé de France. Il est inutile de dire que cet article y est absolument étranger, et déclare que le pape n'a aucun droit, ni direct ni indirect, sur le temporel des rois. La citation de Mirabeau supposait qu'il n'avait jamais vu aucun de ces articles. Maury profita de l'ignorance de son adversaire pour le confondre :

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Puisque vous voulez bien répondre à ma question, dit-il, je vous supplie de déclarer si vous n'avez pas dit que chaque évêque, jouissant d'une juridiction illimitée, était, en vertu de son ordination, évêque universel de toutes les églises, et que cette proposition était la citation textuelle du premier des quatre fameux articles du clergé de France en 1682. Voilà ce que j'ai cru entendre; je vous prie de me dire si ma mémoire ne m'a point trompé. »

Mirabeau se lève, et, tout en contestant le sens de Maury, il le confirme:

<< Non, monsieur, répond-il, ce n'est pas là ce que j'ai dit. Ces ridicules paroles ne sont jamais sorties que de votre bouche. Voici ce que j'ai dit : J'ai avancé que chaque évêque tenait la juridiction de son ordination; que l'essence d'un caractère divin était de n'être circonscrit par aucune limite, et, par conséquent, d'être

universel, suivant le premier article de la déclaration du clergé en 1682. Voilà ce que j'ai dit; mais je n'ai jamais prétendu que l'ordination fît d'un évêque un évêque universel (1). »

Que l'évêque fût évêque universel en vertu de son ordination ou en vertu de son autorité divine reçue dans l'ordination, c'était la même chose. On put voir dans cette occasion quelle était l'ignorance du public des tribunes. Ce public, qui favorisait Mirabeau, avait trouvé son explication merveilleuse, et y avait répondu par un tonnerre d'applaudissements. Maury leur paraissait vaincu, et Mirabeau triomphant. Maury, vivement piqué, reprit :

<< Eh bien, nous sommes d'accord! c'est bien à ces mêmes assertions que je vais répondre, et j'espère qu'il me sera facile de vous faire expier dans un instant les applaudissements dont les tribunes viennent de couvrir votre naïve explication (2). ›

Maury a tenu parole; il a fait expier à son adversaire les applaudissements qu'il avait reçus. Il a cité de mémoire non-seulement le premier article de la déclaration, mais tous les quatre, faisant voir qu'ils ne disent pas un seul mot d'un évêque universel.

Après ce premier triomphe, il accusa son adversaire de déloyauté, en lui reprochant d'avoir voulu en imposer à l'Assemblée par une citation fausse, qu'il avait empruntée sans doute à un de ses écrivains. On sait que Mirabeau avait à sa disposition un certain nombre d'écrivains assez médiocres, qui lui fournissaient des

(1) Moniteur, séance du 28 novembre 1790. (2) Ibid.

recherches sur les matières qu'il devait traiter. Maury y fit allusion dans le dessein de l'humilier; ensuite il continua, en faisant voir que la naïve explication de Mirabeau n'a fait que confirmer le sens qu'il lui avait prêté; et puis il ajouta, avec un air de triomphe : « Je «ne dirai point alors, en discutant votre réponse, que « ces ridicules paroles ne sont sorties que de votre «< bouche; mais je dirai, et cette assemblée dira comme << moi, que votre proposition n'a pu sortir que d'une « téte absurde. » Après ce trait poignant, qui frappait comme un coup de foudre, Maury pria Mirabeau de remercier les tribunes des applaudissements qu'elles lui avaient prodigués. Rien n'était plus humiliant pour le grand orateur. Cependant Maury 'ne s'arrêta pas là; il le provoqua à répondre, et lui proposa de lui céder la tribune. Mirabeau resta muet. Maury le provoqua de nouveau, en le priant de chercher quelques-unes de ces subtilités qui lui sont si ordinaires, dont il puisse également faire justice. Mais Mirabeau, confus et humilié, ne dit pas un seul mot; et les tribunes, témoins de sa défaite, se condamnèrent au silence. Les paroles de Maury sont trop remarquables pour ne point trouver place dans cette histoire :

<< Remerciez à présent les tribunes des applaudissements flatteurs qu'elles vous ont prodigués, lorsque vous avez eu la charité de me dénoncer à leur savante improbation par votre désaveu. Si vous êtes tenté de répliquer, parlez; je vous cède la parole... Vous ne dites rien?... Cherchez tranquillement quelque subtilité dont je puisse faire aussitôt une justice exemplaire... Vous ne dites plus rien? Je poursuis donc; et, après avoir restitué ces mêmes paroles que vous avez trouvées

si concluantes dans votre bouche et si ridicules dans la mienne, j'attaque directement votre argument. Je vais vous mettre en état de juger vous-même des principes théologiques qui vous ont fait tant d'honneur dans les tribunes. >>

Maury reprit ensuite son sérieux, et prouva, par les raisons les plus solides et les comparaisons les plus justes, que l'évêque n'était point universel; que sa juridiction, comme celle du juge, était circonscrite dans certaines limites au delà desquelles son pouvoir expire, et que par conséquent la constitution civile du clergé, qui bouleversait toutes les juridictions épiscopales, n'était point admissible (1).

Il révéla dans son discours différentes manoeuvres employées par les députés ennemis de l'Église. Avant tout il reprocha au comité ecclésiastique d'être sorti du cercle de ses attributions, de s'être érigé en pouvoir exécutif, d'avoir correspondu sans mission avec les départements, droit qui n'appartient pas à l'Assemblée elle-même. « C'est votre comité ecclésiastique, dit-il, qui s'est mis à la place du roi; c'est lui qui a écrit, c'est à lui qu'on a répondu. Il serait bien étrange, ajouta-t-il, que la bureaucratie de cette Assemblée vînt remplacer la bureaucratie du ministère... Ce comité eût dû établir une correspondance avec l'Assemblée, et non pas avec les départements. Je dis qu'il a usurpé le pouvoir exécutif, qu'il s'est fait roi dans cette partie. Il ne s'est pas encore contenté de cela, il a usurpé l'autorité du corps législatif; il a outre-passé ses pouvoirs, si vous lui en avez donné, en aggravant encore ce que vos

(1) Moniteur, séance du 27 novembre 1790.

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