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prostituerons plus notre admiration, que nous n'encenserons plus les idoles de l'orgueil; qu'il faut enfin que tous les citoyens de l'empire courbent la tête devant la majesté des lois. A force de vertus, forcez-nous au respect : vous n'avez plus que ce moyen de l'obtenir. Oubliez vos antiques erreurs, renoncez à vos préjugés; ne pensez plus à ces biens qui vous avaient perdus. Ils vont être vendus : car, malgré vos efforts, la nation sait la confiance qu'elle se doit à elle-même, que la garantie d'un grand peuple est plus sûre que vos prédictions; elle n'oubliera pas que le premier acte de puissance que les représentants ont fait en son nom a été d'assurer ses engagements. Il en est temps encore : désarmez, par une prompte soumission, le peuple irrité de votre résistance. Le décret que je vais présenter est moins une loi sévère qu'une mesure d'indulgence.

Suit la loi proposée (1). Le discours avait été fréquemment interrompu par de nombreux applaudissements; l'impression en fut votée.

Tous les membres de l'Assemblée qui tenaient à l'ancienne religion, et qui la regardaient comme le seul salut de la France, étaient consternés. Cazalès, d'Estourmel et Montlosier demandèrent l'ajournement. Fréteau et ses collègues, qui, comme lui, s'étaient montrés jusque-là hostiles au clergé, en contribuant puissamment à la vente des biens ecclésiastiques et à la constitution civile, protestaient contre une mesure qui tendait à faire endurer la faim à des hommes consciencieux. Mais Mirabeau et Barnave ne souffraient aucun délai :

(1) Moniteur, séance du 26 novembre 1790.

ils voulaient la discussion immédiate sur le projet proposé. Le dernier était protestant : les convenances lui prescrivaient de s'abstenir dans une cause qui concernait l'Église romaine; mais il ne put contenir sa haine contre le clergé catholique. De Bonnal, évêque de Clermont, qui avait tant combattu la constitution civile du clergé, s'arma d'une héroïque patience, monta à la tribune dans le but d'éclairer les intelligences, et de ramener, par la douceur, les partisans des mesures rigoureuses. Il protesta d'abord contre l'assertion que la perte des biens ecclésiastiques était la cause de la résistance du clergé, disant qu'ils savaient en faire le sacrifice; mais qu'ils ne pouvaient sacrifier leurs devoirs de conscience. Il supplia l'Assemblée d'attendre la réponse du chef de l'Eglise, qui conciliera peut-être tout, et de ne pas précipiter une mesure qui attirerait sur la patrie d'incalculables malheurs. Il répondait, en son nom, pour la constante fidélité du clergé à la nation, à la loi et au roi, et pour son obéissance à l'autorité légitime, dont celle de Dieu, disait-il, était le plus ferme appui. Ces dernières paroles, prononcées avec un air de tristesse, pénétrèrent dans tous les cœurs; les tribunes même, où s'était assemblé un public nombreux, s'abstinrent de leurs clameurs ordinaires; tous semblaient être satisfaits en entendant, de la bouche d'un évêque, que le clergé serait, par sa conduite, fidèle à tout ce qui était de l'ordre politique. Mais dès qu'il eut ajouté qu'il exceptait formellement les objets qui étaient de l'ordre spirituel et qui dépendaient de l'Église, Mirabeau ne put contenir son

courroux.

Mirabeau était un de ces hommes qui regardaient

la religion comme une institution politique nécessaire pour le peuple, mais dont l'administration appartenait à l'État, qui avait le droit de régler sa hiérarchie et sa discipline indépendamment de l'Église, dont il ne reconnaissait pas le pouvoir. Il s'attacha à disculper l'Assemblée, et surtout le côté gauche, dont il était le coryphée, du reproche d'impiété que lui faisait le clergé, et du dessein qu'on lui supposait, de vouloir per

sécuter.

<< Tandis que de toutes parts, dit-il, les ennemis de la liberté publique (c'est le clergé) nous accusent d'avoir juré la perte de la religion, je vous conjure en ce moment, au nom de la patrie, de soutenir, de toute la force dont la nation vous a revêtus, cette religion, menacée par ses propres ministres, et qui ne chancela jamais que sous les coups dont l'orgueil et le fanatisme des prêtres l'ont souvent outragée. Quelle est, en effet, cette Exposition publiée par les évêques, et qui vient, à la suite de tant de protestations et de déclarations, susciter de nouvelles inquiétudes aux bons citoyens? C'est la ruse qui cache, sous le masque de la piété et de la bonne foi, le punissable dessein de tromper la religion publique et d'égarer le jugement du peuple. C'est l'artifice d'une cabale infernale formée dans votre sein, qui continue de méditer des mesures pour le renversement de la constitution en affectant le ton de la paix, et qui met en mouvement tous les ressorts des troubles et de la sédition, lorsqu'elle se donne pour ne vouloir plaider que la cause de Dieu.

« Ce qu'on veut, dit-il en s'adressant au côté gauche, c'est que vous cessiez d'être sages, et qu'après avoir respecté et maintenu la religion, vous fouliez aux pieds

la foi de vos pères, afin que votre chute dans l'impiété vous imprime un caractère odieux, et semble intéresser la piété des peuples à la dispersion des législateurs de qui la France attend sa régénération. On veut faire haïr en vous les persécuteurs du christianisme, et vous exposer aux ressentiments des fureurs sacrées: pour y parvenir, on tient un langage de paix, on affecte une pieuse résignation, on se revêt d'un caractère faux, perfide..... On dit qu'on attend la réponse du pape, et l'on travaille cependant à armer la France catholique contre la France libre. Voyez avec quel artifice ces hommes faux et cruels appellent la piété crédule! Déjà, dans leurs décrets et leurs discours, ils lui présentent la religion ramenée à ces jours orageux où elle gémissait sous les empereurs romains.

« Vous, les persécuteurs de la religion! vous, qui lui avez rendu un si noble et si touchant hommage dans le plus beau de vos décrets! Et c'est au moment où vous rendez sa destinée inséparable de celle de la nation, où vous l'incorporez à l'existence de ce grand empire, où vous consacrez à la perpétuité de son règne et de son culte la plus solide portion de la substance de l'État; c'est ce moment où vous la faites si glorieusement intervenir dans cette sublime division du plus beau royaume de l'univers, et où, plantant le signe auguste du christianisme sur la limite de tous les départements de la France, vous confessez, à la face de toutes les nations et de tous les siècles, que Dieu est aussi nécessaire que la liberté au peuple français! Ah! loin de nous tout système qui ôterait au vice un frein que les lois ne donnent pas toujours, et éteindrait le dernier espoir de la vertu malheureuse! >>

L'orateur se fait ensuite théologien, et cherche à appuyer les points attaqués de la constitution civile. Il parle avec son éloquence ordinaire, et s'attire de nombreux applaudissements. Mais comme il ne connaissait guère ou pas du tout les matières théologiques, il laissa échapper plus d'une erreur que s'empressa de relever l'abbé Maury, son adversaire habituel. On sait que ces deux orateurs ne pouvaient s'entendre leurs sentiments étaient si différents! Maury n'avait pas le génie oratoire de Mirabeau, mais il avait plus de principes et d'instruction que lui, et assez d'éloquence pour contre-balancer son pouvoir sur l'Assemblée : «< Quand il a raison, disait Mirabeau en parlant de Maury, nous nous battons; quand il a tort, je l'écrase. » Cet éloge que se donne Mirabeau est exagéré il ne se battait pas toujours à son avantage; et quand il écrasait son adversaire, ce n'était pas toujours parce que celui-ci avait tort. Mirabeau s'adressait à la passion, qu'il remuait comme une machine de guerre; tandis que Maury faisait un appel à la raison, à l'expérience, à l'histoire, arguments qui n'avaient pas toujours un grand poids sur des auditeurs tels que ceux de l'Assemblée nationale. Mais du moins, dans la discussion présente, Maury n'est point écrasé; et s'il n'a pas fait triompher sa cause, il a donné du moins à son adversaire la leçon la plus humiliante que puisse recevoir un orateur devant une grande assemblée. Il est à regretter qu'il se soit retrouvé à la tribune avec ses défauts, avec son caractère irascible et son esprit roide et peu conciliant, et qu'il ait cherché plutôt à humilier et à confondre ses adversaires, qu'à les ramener par douceur. Si, dans cette occasion solennelle et critique,

la

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