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« étrangères à la religion (1). » Nobles paroles qui faisaient l'éloge de l'évêque, loin d'être contre lui un sujet d'accusation. Elles étaient dignes du langage des apôtres et des premiers chrétiens. Nous obéissons à vos lois de l'ordre temporel; mais quant à la religion, nous n'obéissons qu'à Dieu. L'orateur de la députation et les membres de l'Assemblée étaient loin de comprendre tout ce que ce langage avait de noble et d'élevé. L'évêque fut regardé comme un contre-révolutionnaire, et ses paroles provoquèrent une des discussions les plus orageuses et les plus délicates qui aient eu lieu dans l'Assemblée constituante. Il s'agissait de savoir si on laisserait aux Français la liberté de conscience et à l'Église la liberté des cultes, ou si on les obligerait à accepter par serment la nouvelle religion et le nouveau culte qui leur étaient imposés par l'État. Car la religion, telle qu'elle venait d'être réformée par l'Assemblée constituante, n'était plus la religion catholique qu'on avait professée jusqu'alors; elle était une œuvre humaine, une œuvre politique. Ce point est acquis à l'histoire, et ne peut être contesté par personne. Obligera-t-on le clergé, par serment, à renoncer à ses anciennes croyances pour embrasser le culte nouveau imposé par l'État? Voilà la question qui se présentait aux délibérations de l'Assemblée.

Nous dirons que l'Assemblée constituante se trouvait dans une impuissance légale et constitutionnelle d'imposer le serment. Les droits de l'homme, qui, comme nous l'avons vu, servaient de préambule et de base à la constitution; qui renfermaient, pour me ser

(1) Moniteur, séance du 26 novembre 1790.

vir de leur expression, des droits naturels, inaliénables et sacrés, donnaient à chaque citoyen la liberté de conscience, la liberté de parler, d'écrire et d'imprimer. << Nul ne doit être inquiété, dit l'art. 10, pour les «< opinions même religieuses. La libre communication « des pensées et des opinions, dit l'article suivant, est << un des droits les plus précieux de l'homme tout ci«<toyen peut donc parler, écrire et imprimer libre« ment. » Voilà ce que l'Assemblée avait déclaré dans le préambule de la constitution, et ce que le roi avait été obligé d'approuver, malgré ses observations. D'après une déclaration si solennelle, l'Assemblée pouvait-elle forcer le clergé de France à renoncer à ses croyances pour recevoir les opinions imposées par l'État? Pouvait-elle inquiéter le clergé dans sa position, parce qu'il ne pensait pas comme elle? Tous les cultes sont libres; et le culte catholique, le culte de l'immense majorité des Français, ne le serait pas? Tout citoyen a le droit de parler, d'enseigner, d'écrire et d'imprimer librement; et le clergé catholique serait obligé de se taire? L'Assemblée constituante peut-elle prendre une pareille mesure sans déchirer la constitution, sans se rendre coupable de parjure, et d'une intolérance exceptionnelle et révoltante? Non, elle ne pouvait pas le faire, cela est clair comme le jour. En le faisant, elle violait la constitution, se rendait parjure, et tombait dans une intolérance pire que celle du moyen âge qu'on avait tant reprochée à l'Église; car au moyen âge on ne proscrivait que de mauvaises doctrines, subversives de l'ordre social, et l'on n'arrêtait que des hommes qui troublaient la société au nom de l'hérésie, comme on veut

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la troubler aujourd'hui au nom du socialisme; tandis qu'ici il s'agit de proscrire une religion éminemment sociale, qui recommande toutes les vertus et condamne tous les vices, qui rend à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu; il s'agit d'attaquer des hommes paisibles, qui ne demandent que la faculté de servir Dieu comme le dicte leur conscience. Au moyen âge, on proscrivait l'hérésie pour maintenir une religion qu'on croyait divine, et à laquelle il n'était pas permis à l'homme de toucher; ici on veut proscrire pour maintenir une religion à laquelle personne ne croit, pas même ceux qui l'imposent; car je prie le lecteur de remarquer encore une fois que la plupart des membres de l'Assemblée, partisans de la constitution civile du clergé, avaient été élevés à l'école de Voltaire et de Rousseau, où ils avaient perdu la foi, et qu'ils ne croyaient pas plus à la religion constitutionnelle qu'à la religion catholique, apostolique et romaine : car quand on a perdu la foi, on ne croit pas plus à l'erreur qu'à la vérité. L'erreur, pour se répandre, a besoin de trouver des croyants; et ils iraient imposer cette religion à laquelle ils ne croient pas, et cela, je le répète, contrairement aux articles de la constitution, contrairement à leurs serments, et à cet esprit de tolérance qui était le caractère distinctif de l'époque! Devait-on s'attendre à une pareille énormité? Cependant elle a été commise. Je vais en retracer l'histoire avec une scrupuleuse exactitude.

Les protestations du clergé envoyées à l'Assemblée, l'Exposition des principes faite par les évêques à la demande du pape, leurs mandements qui développaient plus ou moins les mêmes doctrines, avaient été

regardés, par l'Assemblée, comme des actes de révolte qu'il fallait punir. Il y avait quelque lâcheté dans cette résolution; car, comme nous l'avons vu, quand on brûlait les châteaux, qu'on martyrisait leurs habitants, quand on assassinait dans les rues de Paris et jusque dans le palais du roi, on se contentait de simples proclamations au peuple français, sans en rechercher les auteurs; mais quand il s'agit de prêtres qui n'ont pour toute arme que la prière, on veut les punir, parce qu'ils protestent contre un acte qui blesse leur conscience. L'Assemblée était préoccupée de ce sujet, lorsque arrivèrent des plaintes contre La Laurancie, évêque de Nantes, qui s'était refusé à reconnaître la haute suprématie de l'Assemblée en matières spirituelles. L'examen de cette affaire fut soumis au comité des affaires ecclésiastiques. On ne pouvait attendre rien de favorable de ce comité, qui avait rédigé la constitution civile du clergé, et qui avait le plus contribué à la faire adopter. Cependant, contre l'attente de tout le monde, ce comité, après avoir sérieusement examiné l'affaire, conclut au rejet de toute mesure de rigueur, à cause de la liberté des cultes. Sans doute tous les membres du comité n'étaient pas de cet avis: le janséniste Camus devait y être opposé; mais, du moins, la majorité se prononça contre les mesures de rigueur, et elle fondait ses conclusions sur la liberté des cultes (1). En effet, la liberté des cultes, inscrite dans les droits de l'homme, mettait un obstacle insurmontable à toute mesure de rigueur contre les ecclésiastiques dont la

(1) Durand-Maillane, membre du comité des cultes, Mémoires,

p. 20.

conscience rejetait les nouvelles lois. Il fallait ou effacer de la constitution la liberté des cultes, ou laisser les ecclésiastiques libres et tranquilles : point de milieu! Le comité des affaires ecclésiastiques l'a compris, et il a reculé.

L'Assemblée ne s'en tint pas là, elle confia l'examen de l'affaire aux comités réunis. Là, on était en droit d'attendre quelque chose de favorable pour le clergé ; car les vrais démocrates, auxquels le peuple avait donné le nom de jacobins, à cause du lieu où ils s'assemblaient, y dominaient. Ces hommes avaient la liberté en adoration; c'était une idole pour eux. Ils prétendaient que chaque citoyen avait le droit de dire, librement et hautement, tout ce qu'il pensait; ils avaient brisé toute entrave, et avaient établi la liberté illimitée d'enseigner, de parler, d'écrire. Aussi s'en servaient-ils largement dans leurs clubs, sur la place publique, dans les pamphlets et dans les journaux; et quand on citait devant l'Assemblée Loustalot, Camille Desmoulins et Marat pour avoir dépassé toutes les bornes, ils s'en constituaient les défenseurs, prétendant que personne ne pouvait être accusé ou inquiété pour avoir dit librement ce que lui dictait sa conscience. Enfin, ils avaient pour devise: Liberté, Égalité, Indulgence, Miséricorde. Le clergé devait-il avoir quelque chose à craindre d'hommes aussi généreux, aussi larges, qui se regardaient comme les inventeurs de la liberté, et les protecteurs nés de tous ceux qui en faisaient usage? Quelle impression pouvaient faire sur eux quelques protestations contre la constitution civile, lorsque journellement ils s'en permettaient à eux-mêmes de bien plus véhémentes

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