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norés de leur confiance, et vivant paisiblement parmi eux. » Mais ces pasteurs ne plaisaient pas aux patriotes, qui, la nuit suivante, se réunirent clandestinement au nombre de douze seulement, et nommèrent à toutes les cures du district; et ces élections, faites par douze électeurs pour tout un district, reçurent l'approbation de l'autorité (1).

Pour se défaire des anciens pasteurs, on les dénonçait comme perturbateurs du repos public, et l'on demandait des mesures de proscription générale; mais avec ces mesures, calmera-t-on les populations? Croiton qu'en leur enlevant leurs pasteurs légitimes, elles s'attacheront aux intrus, et vivront paisiblement avec eux ? Les législateurs étaient assez simples pour avoir cette opinion: ils croyaient que, les prêtres réfractaires étant une fois éloignés, on irait à la messe des constitutionnels, et que tout se passerait tranquillement. Ils ne connaissaient pas la force de la foi; s'ils l'avaient connue, ils auraient prévu, comme tout homme sensé pouvait le prévoir, que la violence exercée à l'égard des anciens pasteurs amènerait de nouveaux conflits, et allumerait même la guerre civile. La mesure était donc impolitique, et produisait un effet tout opposé à celui qu'on en attendait.

D'ailleurs, ces mesures de proscription en masse étaient souverainement injustes. S'il y avait des prêtres turbulents, perturbateurs du repos public, pourquoi ne les livrait-on pas aux tribunaux? Il y avait alors, comme aujourd'hui, des lois contre les pertur

(1) Tresvaux, Hist. de la Perséc. rév. en Bretagne, t. I, p. 318. Barruel, Hist. du Clergé, t. I, p. 162.

bateurs. On a suivi d'abord cette voie; mais elle n'a pu satisfaire la haine des révolutionnaires. Les tribunaux se trouvant sans preuves étaient obligés d'absoudre, malgré les intrigues et les menaces des clubs. Alors on songeait à une proscription générale. Les imprudents législateurs ne prévoyaient pas que ce système ouvrirait un abîme, où ils viendraient s'engloutir eux-mêmes. Si l'on se permet aujourd'hui de proscrire sans jugement une classe de citoyens, demain on en proscrira une autre et après-demain une troisième, et ainsi de suite; puis arrive l'extermination. Ceci n'est pas une fiction, mais un fait réel démontré par l'expérience. On a dénoncé et proscrit les nobles, et bientôt on a pillé, incendié leurs châteaux, assassiné leurs habitants. On s'occupe maintenant à dénoncer et à proscrire le clergé, et l'on finira par l'exterminer. Le parti des girondins aura son tour; puis les proscripteurs seront eux-mêmes proscrits et conduits à l'échafaud sans jugement. Telle est la voie dans laquelle vont s'engager les représentants de l'Assemblée législative; voie périlleuse où ils vont périr eux-mêmes, car derrière la proscription est le meurtre. L'histoire de cette même époque nous en fournit un exemple qui forme un des épisodes les plus tragiques de notre révolution, et qui vient à l'appui de ce que je viens de dire.

Par un décret du 14 septembre, l'Assemblée constituante avait déclaré, comme nous l'avons vu, le comtat d'Avignon partie intégrante du territoire français.

Les habitants virent bientôt ce qu'ils y avaient gagné. On commença par y introduire la constitution civile du clergé, et par faire exécuter tous les décrets anticatholiques de l'Assemblée constituante. L'arche

vêque, qui s'était retiré à Villeneuve, et tous les curés du diocèse, reçurent ordre de se rendre, dans le plus court délai, à Avignon, pour y prêter le serment à la constitution civile, sous peine d'être déclarés démissionnaires. Personne ne se pressa, comme on pouvait s'y attendre, d'obéir à cet ordre. Un officier municipal, nommé Duprat, se rendit le dimanche à la cathédrale, l'épée à la main, et accompagné d'un détachement de la garde nationale. Les chanoines venaient de terminer l'office divin lorsqu'il y arriva. Il leur enjoignit de se rendre dans la salle du chapitre pour y procéder à la nomination d'un vicaire général, ajoutant que l'archevêque avait rendu cet acte nécessaire par le refus du serment; que son église était vacante. Les chanoines, obligés de céder à la contrainte, crurent se tirer d'embarras en divisant leurs voix de manière à ce que personne n'obtint la majorité nécessaire à la validité de l'élection. Mais leur stratagème ne servit à rien. Duprat déclara que, dans cette circonstance, la majorité simplement relative suffisait ; et il nomma, de son propre chef, vicaire général le chanoine Maillières, qui avait obtenu quatre voix. Le chapitre fut dissous, comme en France; mais il protesta noblement contre cet acte de l'autorité civile (1). Maillières accepta les fonctions de vicaire général, et prêta dans la cathédrale le serment à la constitution civile du clergé, en présence de la municipalité, de la garde nationale et des troupes de ligne. Le schisme était consommé : on nommera plus tard un évêque constitutionnel.

Pendant ce temps, les droits de l'homme étaient

(1) Barruel, Collection de mandements, etc.

proclamés dans les villes et les villages de la principauté, et, par un singulier contraste, on poursuivait les prêtres qui n'avaient pas prêté serment à la constitution civile, et toutes les personnes qui n'avaient point été favorables à la réunion. De nombreux assassinats furent commis; trois à quatre cents personnes que l'illustration de leur naissance ou la sainteté de leur vie avait signalées à la fureur démagogique, payèrent de leur vie un attachement sincère à la cause de la justice et de la foi. Les églises furent dépouillées, l'asile des cloîtres violé. Une anarchie hideuse, suivie de cruautés abominables, s'établit à la place du gouvernement papal, jusque-là le plus doux de la terre. Un homme, d'une exécrable mémoire, avait succédé à Patrix, et avait pris le commandement de cette troupe de misérables qui, par un odieux cynisme, avaient pris eux-mêmes le nom de braves brigands d'Avignon, qu'ils portaient sur leurs chapeaux. Cet homme, nous le connaissons déjà : c'est Jourdan, surnommé Coupe-téte depuis les journées des 5 et 6 octobre, à Versailles. Les révolutionnaires ayant craint la présence de cet homme, et peut-être aussi ses révélations, l'éloignèrent de Paris; et il s'établit à Avignon, marchand de garance, avec le prix du sang répandu à Versailles. L'apparition de cet homme, qui était allé à Paris pour y prendre, comme on le croit, le mot d'ordre, fut le signal du carnage et de la terreur. Il serait difficile de se figurer le brigandage qui se commit sous ses yeux et sous son commandement. Cependant il ne fut pas toujours heureux : le parti contraire usa quelquefois de représailles. La ville de Carpentras, qui s'était prononcée pour le pape, lui offrit une vive résistance;

tellement qu'il fut obligé d'en lever le siége, après y avoir perdu plus de cinq cents hommes. Mais il se dédommagea de cet échec par d'autres massacres. Le peuple d'Avignon, aigri par la misère et fatigué du brigandage, assassina le secrétaire de la municipalité, nommé Lescuyer, à qui il reprochait une sanglante complicité avec Jourdan. Cet attentat devint pour celui-ci le signal d'un nouveau carnage: plus de justice, plus de tribunaux; on massacrait indistinctement tous ceux qui se trouvaient sous la main, sans épargner ni l'âge ni le sexe. Le curé Noyon, âgé de soixante-dix-huit ans, et regardé comme le père du peuple par les aumônes qu'il faisait, fut égorgé et volé. Le palais apostolique renfermait de cinquante à soixante prisonniers, hommes, femmes, prêtres, soupçonnés d'aristocratie. Parmi eux se trouvait un ecclésiastique vénérable par sa science, ses vertus, et surtout par sa charité. La terreur qu'inspirait Jourdan n'avait pu ébranler son courage: il était resté dans le pays pour administrer les sacrements. C'est le vertueux Nolhac, ancien recteur du noviciat des Jésuites à Toulouse. Jourdan l'avait fait enfermer avec les autres victimes, qui s'attendaient d'un jour à l'autre à être délivrées par un ordre de l'Assemblée législative.

A son aspect, une allégresse générale anima toute la prison; chacun s'approcha de lui pour témoigner le contentement que sa présence faisait naître dans les cœurs. M. Nolhac fixa leur attention sur un autre objet.

« Je viens mourir avec vous, mes enfants, leur dit-il; nous allons tous ensemble paraître devant Dieu. Que je le remercie de m'avoir envoyé ici pour préparer vos âmes à paraître devant son tribunal! Allons, mes enfants,

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