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le pouvoir comme une institution humaine, et lui a ôté par là tout son prestige; l'obéissance s'est affaiblie, car on n'obéit pas à l'homme, on n'obéit qu'à Dieu. En obéissant à l'homme, on est esclave; mais quand on n'obéit qu'à Dieu, on reste homme libre. La maxime des chrétiens est donc une doctrine toute de liberté.

Les chrétiens, connaissant l'origine du pouvoir, ont toujours professé, suivant le précepte de saint Paul, un profond respect pour celui qui le possède et l'exerce; qu'il soit roi, empereur, président, il a droit à nos respects, à notre obéissance, parce qu'il tient sur la terre la place de Dieu dans l'ordre temporel. C'est une autre maxime non moins importante. On sait ce que l'Assemblée en a fait, de quelle manière elle a traité le vertueux Louis XVI. Abusant de sa faiblesse, elle l'a successivement abaissé jusqu'au rang des simples fonctionnaires publics, et s'est substituée à lui à l'aide de la populace. Que de fois elle lui a forcé la main en le faisant signer des actes contraires à sa politique ou à sa conscience! Que de fois elle l'a laissé exposé aux outrages de la multitude, sans prendre sa défense, sans punir ceux qui l'avaient insulté! Enfin, elle l'a dépouillé successivement de tous ses droits, même de celui de se défendre et de protéger la société. Elle l'a tenu prisonnier dans son palais, et l'a suspendu de son pouvoir. Et qu'est-ce qui est arrivé? Il était facile de le prévoir en observant tant soit peu le cours naturel des choses. L'autorité tutélaire, l'autorité protectrice de la liberté étant une fois détruite, la liberté a cessé d'exister, son ombre même a disparu. L'Assemblée constituante, qui, par suite de cet esprit d'envahissement qui est naturel aux grands corps d'État, s'était emparée du

pouvoir royal, l'a bientôt partagé avec les clubs et la multitude, d'où est sortie la plus horrible des tyrannies. Plus de sécurité pour personne : les honnêtes gens désignés sous le nom d'aristocrates, après avoir vu dévaster leurs propriétés, étaient obligés de fuir, de s'exiler en pays étranger. L'Assemblée elle-même a perdu la liberté de ses délibérations, les clubs lui ont imposé leur volonté; nombre de décrets que l'Assemblée aurait repoussés, si elle avait été libre, ont été votés sous la pression des clubs et les menaces de la multitude. Tant il est vrai de dire que si l'autorité centrale cesse, la liberté disparaît, du moins lorsque la vertu n'existe pas!

Mais, en affaiblissant le pouvoir, l'Assemblée constituante a-t-elle fortifié la vertu, autre base de l'ordre social et surtout d'un État libre? Ah! les révolutions brusques et violentes ne moralisent pas! Il faut à la vertu le repos, la tranquillité; elle se nourrit de méditations solitaires. Les révolutions ne sont autre chose que l'explosion de la haine, de la vengeance, de l'injustice et de la cruauté. La révolution française en a fourni des preuves. Dès qu'elle a éclaté, l'outrage, le meurtre, le vol, l'incendie se sont multipliés dans une proportion effrayante; les notions du bien et du mal se sont effacées. Que faisait l'Assemblée pour mettre un terme à ces excès, et porter le peuple, je ne dis pas à la vertu, mais à quelques sentiments honnêtes? Elle adressait au peuple des proclamations, accordait des amnisties, et les crimes restaient impunis. Elle a été témoin impassible de ces honteuses flagellations qu'on infligeait, jusque dans les rues, aux religieuses qui ne voulaient pas assister à la messe d'un prêtre asser

menté; et quand on voulait s'en plaindre à la tribune, elle imposait silence à l'orateur. Sous son règne, la vertu a été constamment persécutée et le vice récompensé ; car elle a éloigné des emplois publics tous ceux qui avaient de l'intelligence et du cœur, pour les remplacer par des hommes abrutis dont les mœurs et les excès faisaient rougir. C'est à elle qu'on doit les clubs, qui ont exalté les passions; c'est elle qui a établi la liberté effrénée de la presse, où l'on excitait journellement au meurtre et à l'extermination. Bien loin donc d'avoir contribué à faire fleurir la vertu, elle a favorisé et propagé le vice, elle a déchaîné toutes les passions. Ainsi, par son imprévoyance, elle a renversé les deux bases sur lesquelles la société repose.

Il restait encore une ressource pour ramener le peuple égaré à l'obéissance et à l'accomplissement de ses autres devoirs : c'était la religion. Avec elle, on pouvait nourrir l'espérance d'un repentir, d'un retour à la vertu; car la religion était encore profondément gravée dans le cœur du peuple, même de celui de nos grandes villes. Les mauvais livres qui avaient corrompu le cœur des grands n'avaient point encore corrompu totalement la classe pauvre, malgré les efforts des philosophes. Le clergé, sentinelle vigilante, les avait arrachés des mains du peuple, et c'est peut-être la première origine de la haine des philosophes contre le clergé.

La France avait alors un clergé distingué, renommé dans toutes les parties de l'Europe, grâce à ses séminaires et à ses écoles de hautes études, qui étaient fréquentées par des jeunes gens de tous les pays de l'Europe. Parmi ces écoles s'élevait l'université de Paris, qui avait fourni des savants de tout genre, et qui faisait

la gloire du pays; ses quatre facultés de théologie étaient la colonne de la religion, et formaient, selon l'expression reçue, comme un concile permanent. Le clergé de France participait plus ou moins à ses lumières. Les cures se donnaient au concours, et entretenaient l'émulation. De là, des pasteurs aussi distingués par la science que par la vertu. Eh bien, qu'a fait l'Assemblée constituante? Ses membres ont flatté le clergé jusqu'à la fusion des trois ordres; ensuite ils l'ont dépouillé de la manière la plus injuste et la plus perfide. Ses biens ont été vendus, la bourgeoisie s'en est emparée; les pauvres se sont trouvés sans ressource. On peut dire ici, selon le proverbe vulgaire, que le bien d'autrui ne profite pas plus on vendait, plus on appauvrissait l'État. L'Assemblée constituante, qui avait été convoquée dans le but de combler un déficit de 56 millions, en a englouti plus de 800, et n'a pu garantir la France d'une effroyable banqueroute, lorsqu'elle avait entre les mains tous les éléments de prospérité. Dix-huit cents millions d'assignats avaient été successivement décrétés : on sait ce qu'ils sont devenus. Mais je laisse cette question aux économistes, et je reviens au clergé. Le clergé s'est résigné, il a fait le sacrifice de ses biens, se contentant de faire sentir les conséquences d'une pareille mesure. L'Assemblée ne s'est pas arrêtée là, elle a exigé bientôt un autre sacrifice, celui de la conscience, celui de ses principes et de sa religion.

Le clergé, plein de foi et de lumières, s'est refusé à ce sacrifice; il ne pouvait pas le faire sans apostasier. De là est venu un schisme désastreux qui détruisit la religion dans le cœur du peuple, qui divisa la France

comme en deux camps, qui détruisit les savantes écoles, et qui devint un sujet de perturbation générale et de guerre civile. C'est l'acte le plus impolitique qui ait jamais été fait par une grande assemblée. La France était déjà bien assez divisée, des troubles sérieux avaient éclaté de tous côtés; les partis étaient encore en présence, lorsque l'Assemblée souleva un nouveau sujet de discorde par la question religieuse. On eut beau leur dire à cette occasion que les affaires religieuses ne s'arrangeaient pas comme les affaires politiques, qu'il ne suffisait pas d'un décret pour changer les juridictions ecclésiastiques, qu'il fallait un concile et l'intervention du chef de l'Église; on eut beau leur assurer qu'en suivant cette marche ils obtiendraient la plupart des changements désirés, tout en évitant des troubles et la guerre civile: l'Assemblée a été sourde à toutes ces observations, parce qu'elle avait la sotte prétention d'avoir le droit de régler la discipline de l'Église et de fixer la limite des juridictions. Les difficultés qu'elle a bientôt rencontrées auraient dû l'arrêter, et l'engager à revenir sur ses pas.

Mais l'orgueil et l'impiété l'ont empêchée d'y revenir. Elle a cédé souvent dans les affaires politiques, elle a défait le lendemain les décrets qu'elle avait faits la veille dans plusieurs circonstances, elle n'a pas craint de toucher à la constitution elle-même. Mais, dans les affaires religieuses, elle n'a cédé à aucun conseil, à aucun avertissement, à aucune leçon de l'expérience; elle est restée inflexible malgré les événements, et la loi du serment a bientôt suivi la constitution civile. On sait avec quelle rigueur inexorable elle a imposé au clergé catholique ce serment que repoussait sa

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