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Malouet ne fut pas heureux dans ses négociations; il ne put gagner que trente-cinq à quarante membres du côté droit les autres s'obstinaient à rester fidèles à leur protestation, et à ne pas voter. Ils se faisaient illusion à ce sujet. Voyant les défauts de cette constitution, ils espéraient qu'elle se détruirait d'elle-même, et que le roi reprendrait son ancienne autorité; ils se refusaient donc à tout acte qui pouvait l'améliorer. Malgré cet échec, Malouet prit la parole, comme il en était convenu avec ses collègues. Il attaqua l'abus que les législateurs avaient fait des abstractions métaphysiques, et énonça des vérités qu'aujourd'hui encore il est utile d'entendre.

« L'expérience, dit-il, prouve qu'un droit reconnu n'est rien, s'il n'est mis sous la garde d'une protection efficace. Une seconde leçon de l'expérience et de la raison, c'est que la plus grande extension de la liberté politique est infiniment moins précieuse et moins utile aux hommes que la sûreté et la libre disposition de leurs personnes et de leurs propriétés : c'est là le bien solide, le bonheur de tous les instants, et le but principal de toute association.

« Il résulte de ces deux observations, qu'un gouvernement ne peut être considéré comme parfaitement libre, sage et stable, qu'autant qu'il est combiné, non sur la plus grande liberté politique, mais sur la plus grande liberté des personnes et des propriétés. Or, quel a été votre premier objet dans l'organisation et la distribution des pouvoirs? La plus grande extension possible de la liberté politique, sauf à y attacher (ce qui est presque toujours inconciliable) la plus grande sûreté possible des personnes et des propriétés.

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« Vous avez voulu, par une marche rétrograde de vingt siècles, rapprocher intimement le peuple de la souveraineté, et vous lui en donnez continuellement la tentation, sans lui en confier immédiatement l'exercice. Je ne crois pas cette vue saine : ce fut la première qui se développa dans l'enfance des institutions politiques et des petites démocraties; mais, à mesure que les lumières se sont perfectionnées, vous avez vu tous les législateurs et les politiques célèbres séparer l'exercice de la souveraineté de son principe; de telle manière que le peuple, qui en produit les éléments, ne les retrouve plus que dans une représentation sensible et imposante qui lui imprime l'obéissance.

« Si donc vous vous borniez à dire que le principe de la souveraineté est dans le peuple, ce serait une idée juste qu'il faudrait encore se hâter de fixer en déléguant l'exercice de la souveraineté; mais en disant que la souveraineté appartient au peuple, et en ne déléguant que des pouvoirs, l'énonciation est aussi fausse que dangereuse : elle est fausse, car le peuple en corps, dans les assemblées primaires, ne peut rien saisir de ce que vous déclarez lui appartenir; vous lui défendez même de délibérer; elle est dangereuse, car il est difficile de tenir dans la condition de sujet celui à qui on ne cesse de dire: Tu es souverain. Dans l'impétuosité de ses passions, il s'emparera toujours du principe, en rejetant vos conséquences.

<< Tel est donc le premier vice de notre constitution, d'avoir placé la souveraineté en abstraction; par là, vous affaiblissez les pouvoirs suprêmes, qui ne sont efficaces qu'autant qu'ils sont liés à une représentation sensible et continue de la souveraineté, et qui, par la

dépendance où vous les avez mis d'une abstraction, prennent en réalité, dans l'opinion du peuple, un caractère subalterne. Cette combinaison nouvelle, qui paraît être à son avantage, est tout à son détriment; car elle le trompe dans ses prétentions et ses devoirs... >> A ces derniers mots, Biauzat interrompit l'orateur en s'écriant: «< Messieurs, ce n'est rien moins qu'une contre-révolution qu'on vous propose. » Aussitôt il y eut agitation et tumulte; beaucoup de membres du côté gauche, qui jusque-là s'étaient tenus tranquilles, se livrèrent à des mouvements de colère. Le côté droit resta impassible, et ne se mêla pas de la discussion.

Chapelier attaqua Malouet, mais non suivant le plan convenu. On prétend qu'il perdit la tête; je crois plutôt que le tumulte et la peur de perdre sa popularité l'ont fait renoncer à son premier plan. Il s'opposa à tout changement de la constitution, et demanda qu'on se bornât à parler sur l'ordre à donner aux divers décrets constitutionnels. Malouet voulut continuer, mais le bruit l'empêcha de se faire entendre. Il descendit alors de la tribune, en disant qu'il se rangeait dans la classe de ceux qui obéissent en silence, et que, comme mandataire du peuple, il ne donnerait pas sa voix à la charte constitutionnelle.

Aussitôt d'Espréménil se leva pour déclarer que lui et ses collègues persistaient dans toutes les précédentes déclarations et protestations au sujet des entreprises pratiquées depuis deux ans sur l'autorité royale. Messieurs l'abbé Maury, Madier, de Foucault, et plusieurs autres membres de la droite, s'empressèrent d'y donner leur assentiment. Malouet demanda de nouveau à continuer; on ne le lui permit pas. Il fit alors imprimer

le discours qu'il n'avait pu prononcer. Les députés de l'extrême gauche avaient affecté amour et respect pour une constitution qu'ils se réservaient d'abattre d'un seul coup (1).

La révision fut rapide, le côté droit n'y prit aucune part. Les articles les plus essentiels qui touchaient à la prérogative royale, et qui faisaient du roi un fantôme, furent lus et votés avec une légèreté qu'on a de la peine à croire. Ainsi on vota une chambre unique, on donna à l'Assemblée le droit de s'ajourner, de prolonger ou de clore la session. Elle faisait connaître ses déterminations au roi, qui pouvait lui faire des observations; mais elle restait libre de décider à son gré. Le roi ne pouvait suspendre les administrateurs sans en instruire le corps législatif, qui avait le droit de lever ou de confirmer la suspension. Pas un seul député, à l'exception de Malouet, ne chercha à faire comprendre combien il importait à la monarchie, à la liberté, et à la sûreté des personnes et des propriétés, que le chef de l'État eût plus d'autorité. Malouet, dans cette révision, semble avoir seul joui de son bon sens. Il avait demandé que les propriétaires fussent seuls investis des droits politiques; qu'on revînt au système des deux chambres; qu'on rendît au roi le veto absolu; qu'on ôtât au corps législatif les attributions du pouvoir exécutif, telles que l'organisation détaillée de l'armée, celle des offices et des emplois, la distribution des honneurs et des récompenses, la disposition des forces militaires dans la résidence de l'Assemblée. Il avait blåmé l'organisation des corps administratifs, presque indépen

(1) Moniteur, séance du 8 août

dants du pouvoir central; il avait trouvé aussi de grands dangers dans l'institution de la garde nationale, dangers qu'on n'a que trop éprouvés depuis. Le 29 août, Malouet revint sur les mêmes objets, proposa en outre d'enchaîner les clubs, de leur défendre de prendre et de publier aucun arrêté sur les affaires publiques, de faire aucune réquisition aux magistrats, ni aucune censure collective. Il demanda aussi l'abolition du serment à la constitution civile du clergé, et la liberté, pour les catholiques, de reconnaître l'autorité spirituelle, à leur gré, de leurs anciens et de leurs nouveaux pasteurs (1); mais aucune de ses dispositions ne fut agréée. Il prononça alors quelques paroles prophétiques, qui se sont tristement vérifiées.

<< Pensez-vous, dit-il, que vos volontés seront respectées? Examinez de sang-froid comment vous êtes arrivés au pouvoir que vous exercez maintenant. Les circonstances et les événements vous ont conduits de la convocation en états généraux à la constitution en Assemblée nationale; un de vos orateurs vous a ensuite déclarés pouvoir constituant, et cette dénomination, qui n'a jamais été proclamée par un décret, est le seul titre qui ait opéré au milieu de vous la réunion de tous les pouvoirs. Cependant vous vous étiez soumis, en devenant les mandataires du peuple, à respecter vos mandats: vous avez cru devoir les abroger. Or, pensez-vous que vos successeurs ne sauront pas aussi s'aider des circonstances et des événements, et qu'il leur sera difficile de s'affranchir de tous les freins qu'ils ne se seront pas imposés ? Lorsqu'il a été ques

(1) Moniteur, séance du 29 août.

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