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même quitté la salle. Cependant les évêques avaient encore quelque espérance : ils comptaient sur la piété du roi et son attachement à la religion catholique. Sans connaître la correspondance qu'il entretenait à Rome et qu'on tenait secrète, ils lui donnaient le même conseil que le pape, et ils espéraient de sa haute piété qu'il se refuserait à sanctionner une constitution anticatholique. Le roi était plus embarrassé que jamais : sans doute, s'il avait été libre, il aurait résisté en repoussant un acte aussi impolitique qu'irréligieux; mais il ne l'était plus depuis longtemps. Les révolutionnaires avaient un excellent moyen d'obtenir de lui ce qu'ils voulaient; ils le menaçaient d'une émeute, qu'ils savaient organiser et produire au besoin. Le roi, dans la crainte de voir couler le sang, signait alors ce qu'on lui demandait. C'est ce qui est arrivé relativement à la constitution civile du clergé. L'Assemblée lui demanda impérieusement et avec menaces d'accepter cette constitution; le roi, après beaucoup d'hésitations, n'osa résister, et signa la constitution le 24 août 1790, malgré l'avis du pape et les avertissements des évêques. Ce ne fut pas sans regrets et sans troubles de conscience.

Aussi, immédiatement après avoir signé, écrivit-il de nouveau au pape pour le prier instamment de confirmer au moins provisoirement quelques articles de cette constitution, et de le tirer ainsi de ses cruels embarras (1).

Un historien dit que s'il Ꭹ avait eu à Rome un ambassadeur plus conciliant et plus désintéressé, il aurait

(1) Degalmer, Hist. de l'Ass. constit., t. II, p. 154.

pu obtenir une réponse favorable. Mais le cardinal de Bernis, à qui l'on ne manque pas de reprocher les poésies légères de sa jeunesse, à la manière d'Horace et de Tibulle, était trop intéressé à l'ancien ordre de choses; et, se montrant, dit-on, plus cardinal qu'homme d'État, il fit entendre au pape qu'il servirait le roi et la France en se refusant à toute espèce de transaction avec l'Assemblée nationale (1). Il est fort probable que le cardinal de Bernis était opposé comme évêque à la constitution civile du clergé, et qu'il a fait voir au pape l'impossibilité de transiger. Mais avancer qu'il aurait pu obtenir une transaction s'il avait été étranger à l'épiscopat et moins partisan, comme on dit, du faste que de l'austérité chrétienne, c'est une conjecture qui n'a pas le moindre fondement, et qui est indigne de figurer dans une histoire sérieuse. On parle de transiger; mais avec qui? Avec le roi? il n'avait plus aucun pouvoir! Avec l'Assemblée? elle ne le demandait pas et elle ne le voulait pas. Son intention avait été d'agir sans le pape, et de soustraire l'Église gallicane à son autorité. Le pape devait-il s'adresser le premier à une assemblée qui ne voulait pas de lui, et lui dire : J'accepte vos décisions? Toute assemblée politique pourrait donc trancher sur la hiérarchie et la discipline de l'Église; et le pape, sans qu'on lui demandât son assentiment, viendrait approuver ce qu'on aurait fait. Est-ce là l'idée qu'on se forme de la dignité pontificale ? Le pape ne serait plus le chef de l'Église, mais le serviteur et l'esclave des gouvernements civils: tout ce qu'il

(1) Labaume, Histoire monarch. et const. de la Révol., t. V, p. 32.

leur plairait de changer ou de bouleverser, il l'accepterait comme un fait accompli. Et que deviendrait l'Église?

Si l'Assemblée constituante n'avait pas méconnu l'autorité du chef de l'Église et qu'elle se fût adressée à lui pour lui soumettre les lois nouvelles, il n'y a pas de doute que le pape, cédant à la nécessité des circonstances, n'eût accepté un certain nombre de ces articles, comme ceux qui concernaient le déplacement de quelques métropoles, la diminution des évêchés, l'érection de nouveaux, la distribution des paroisses, etc.: son successeur Pie VII l'a fait au moment du concordat. Mais l'Assemblée a méconnu l'autorité du pape, sa suprématie dans l'Église; elle a fait de la religion une institution purement politique, qui, comme toute chose humaine et matérielle, tombe dans le domaine de l'administration civile. Voilà ce que le pape ne pouvait point accepter. Quelque grande que soit son autorité dans des moments suprêmes, elle ne l'est pas assez pour une semblable transaction; il se renierait luimême, et descendrait au rang des infidèles.

Ce qu'il ne pouvait pas faire non plus, c'était de permettre à l'Église de France de se donner une forme particulière en dehors de l'Église universelle. L'Église a ses règles générales, connues sous le nom de canons, qui s'appliquent à toutes les Églises de l'univers: c'est ce qui constitue son uniformité, qui est la suite de son admirable unité. Sans doute le pape peut dispenser de ces règles dans les cas extraordinaires; mais il ne peut ni ne doit permettre que l'exception devienne une règle générale : c'est le principe que professait l'Église gallicane, et qui forme une des quatre

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propositions du clergé de France. D'après la constitution de l'Église catholique, les élections des évêques et des curés appartiennent à l'Église. Si, en vertu des concordats, elle Y fait concourir les souverains, c'est un privilége qu'elle accorde dans l'intérêt de la paix. Selon la nouvelle constitution faite par l'Assemblée constituante, les élections étaient données au peuple, à l'exclusion de l'Église car si les prêtres y assistaient, c'était comme citoyens et non comme ecclésiastiques. Voilà encore ce qu'il était impossible à la papauté d'accepter. En général, la constitution civile du clergé méconnaissait l'autorité de l'Église, celle de son chef, pour l'attribuer à l'État ; il était impossible au pape de la reconnaître. Qu'on ne dise donc pas qu'il aurait fallu à Rome un ambassadeur plus conciliant et plus désintéressé que le cardinal de Bernis. Tout autre ambassadeur, quelque adroit qu'il eût été, aurait échoué contre les grands principes de l'Église, sur lesquels le saintsiége ne peut transiger.

Pie VI, le plus doux des hommes, mais le plus ferme et le plus inébranlable sur ses devoirs de pontife, aimait Louis XVI; car c'était, avec le roi de Prusse, le seul souverain qui ne l'eût pas contrarié pendant son pontificat. Il eut égard à sa position, et usa de la plus grande condescendance. Deux consistoires furent tenus à ce sujet; la constitution civile du clergé subit un examen sérieux. Il n'était pas difficile d'y apercevoir le schisme et l'hérésie. Mais, avant de prononcer une condamnation définitive, le pape jugea à propos de consulter les évêques de l'Assemblée nationale. Les évêques s'empressèrent de se rendre à l'invitation du pontife, et s'occupèrent sérieusement de cette consti

tution, dont ils avaient déjà réfuté les principaux articles dans le cours de la discussion.

Les évêques, qui s'étaient déclarés tous, du moins à l'exception d'un petit nombre, contre la constitution du clergé, se conduisirent avec beaucoup de prudence. Ils suivirent le principe que l'Église a toujours professé, lorsque l'État lui impose des lois contraires à la religion : c'est la résistance passive, qu'il faut bien distinguer de la résistance active et armée, ou de l'insurrection. Ce dernier principe, l'Église ne le reconnaît pas, et ne l'a jamais enseigné. Elle n'obéit pas aux lois injustes et antireligieuses, mais elle ne prend pas les armes pour les repousser. Le principe d'insurrection est sorti des entrailles de la philosophie; il a été enseigné par quelques docteurs de l'université de Paris, mais il n'a jamais fait partie de l'enseignement catholique.

Les évêques continuèrent donc d'exercer leur ministère pastoral, sans faire attention à la nouvelle constitution du clergé. Ceux dont les évêchés avaient été supprimés ne se croyaient pas dépossédés de leurs siéges; ceux qui avaient reçu une plus grande étendue de terrain, restèrent dans les anciennes limites que leur avait assignées l'Église. Ils nommaient aux cures vacantes, comme à l'ordinaire, regardant la constitution civile comme non avenue. Seulement, comme l'erreur était généralement répandue, et qu'elle cherchait à se vulgariser, les évêques eurent grand soin d'instruire et le clergé et les fidèles sur les véritables principes de l'Église. C'étaient leurs droits et leurs devoirs. Les évêques n'ont pas le droit de renoncer à leurs diocèses : en recevant l'épiscopat,

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