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chef du club des Cordeliers, qui était présent, fit avec timidité quelques observations sur le mot de scélératesse, peu parlementaire. Gorgnereau s'excusa en disant qu'il ne savait pas comment exprimer toute l'indignation que la pétition des Cordeliers lui avait inspirée. Le président exhorta les membres de l'Assemblée à conserver leur dignité, et ce fut ainsi que se termina la séance (1).

Le club des Jacobins s'était donc prononcé unanimement contre la république; mais, le lendemain (23 juin), Danton revint dans le même club, et présenta la proposition sous une autre forme. Voici quel était son langage, bien injurieux pour le roi :

« L'individu déclaré roi des Français, après avoir juré de maintenir la constitution, s'est enfui, et j'entends dire qu'il n'est pas déchu de sa couronne. Mais cet individu, déclaré roi des Français, a signé un écrit par lequel il déclare qu'il va chercher les moyens de détruire la constitution. L'Assemblée nationale doit déployer toute la force publique pour pourvoir à sa sûreté. Il faut ensuite qu'elle lui présente son écrit: s'il l'avoue, certes il est criminel, à moins qu'on ne le répute imbécile. Ce serait un spectacle horrible à présenter à l'univers, si, ayant la faculté de trouver ou un roi criminel, ou un roi imbécile, nous ne choisissions pas ce dernier parti.

<«< L'individu royal ne peut plus être roi dès qu'il est imbécile; et ce n'est pas un régent qu'il faut, c'est un conseil à l'interdiction. Ce conseil ne peut être pris dans le corps législatif; il faut que les départements

(1) Hist. parlem., t. V, p. 280,

s'assemblent, que chacun d'eux nomme un électeur ; qu'ils nomment ensuite les dix ou douze membres qui devront composer ce conseil, et qui seront changés, comme les membres de la législature, tous les deux ans (1).

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C'était proposer la république sans en prononcer le nom. Ce discours devrait servir d'éternelle leçon aux rois. Louis XVI était traité d'imbécile, précisément parce qu'il avait été trop bon à l'égard des révolutionnaires. Mais le club des Jacobins persista dans ses sentiments. Comme il avait été prévenu de la tentative que devait faire Danton, il avait invité à la séance les membres qu'il savait être les plus opposés à la république. La Fayette avait reçu une invitation de ce genre; mais il n'a pu se rendre au club (2).

L'idée de république est émise, elle va pénétrer dans le club des Jacobins, malgré la résistance de ses premiers membres; elle va s'infiltrer même dans l'Assemblée nationale, et devenir l'idée favorite du parti révolutionnaire : idée insensée pour l'époque où elle est éclose, car alors les premiers éléments d'une république n'existaient plus, on les avait détruits ou dispersés. Selon les philosophes anciens et nouveaux, selon Rousseau lui-même, le philosophe le plus démocratique, la république ne peut s'établir ni se maintenir sans la vertu (3), c'est-à-dire sans la crainte de Dieu. Mais pour inspirer la crainte de Dieu il faut la foi, et cette foi n'existait plus, du moins dans le parti

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qui voulait la république : l'Assemblée nationale et le parti révolutionnaire l'avaient détruite. Organiser une république avec l'athéisme, seul élément qu'ils avaient entre leurs mains, c'était une monstruosité qui devait faire naître d'incalculables malheurs. Tout le monde les prévoyait; les révolutionnaires étaient seuls aveugles.

L'idée républicaine avait des partisans dans l'Assemblée nationale, comme nous le voyons par ce qui se passa dans une réunion extra-parlementaire tenue chez M. de la Rochefoucauld. Celui-ci posa la question, et ne dissimula pas sa pensée, qui était républicaine. Dupont de Nemours se hâta de l'appuyer fortement. Mais la grande majorité de la réunion, qui était nombreuse, s'opposa à toute idée de ce genre (1). Il paraît que la discussion a été longue et vive; la question avait été posée en ces termes: Fera-t-on au roi son procès? La république sera-t-elle établie? La Fayette y mit un terme en disant, avec un ton animé : Si vous tuez le roi, je vous préviens que, le lendemain, la garde nationale et moi nous proclamons le prince royal (2). Comme la Fayette avait la force en main, personne n'osa répliquer. Le résultat de la conférence fut donc de conserver la monarchie, selon le vœu de la constitution.

Dans le même temps, la question avait été posée de nouveau devant le club des Jacobins; car on tenait à convertir ce club à l'idée républicaine, on savait quelle était sa puissance tant en province qu'à Paris. Le 26 et

(1) Mémoires de la Fayette, t. III, p. 96.

(2) Mémoire de Lally-Tollendal au roi de Prusse.

le 27 juin, on y tint des séances solennelles, et on avait pris soin de n'y laisser entrer aucun étranger. Dans la séance du 27, un nommé Antoine, le grand conspirateur du 10 août, vomit un tas d'injures contre le roi, qu'il traitait de parjure, de cruel, de láche, de traître, et dont il demandait la destitution. La reine n'était pas mieux traitée, car il l'appelait l'horreur de la nation. La conclusion de son discours fut que l'Assemblée nationale devait destituer le roi, et le garder après sa destitution. Cependant il ne voulait pas qu'on lui fit subir aucun supplice, ni à lui, ni à sa femme criminelle. « Nous les avons en notre puissance, dit-il, et dès «<lors tout désir de vengeance doit s'éteindre dans nos

«< cœurs. >>

Le discours d'Antoine excita de violents murmures, mais il eut aussi quelques applaudissements; preuve que dans le club des Jacobins l'idée républicaine avait déjà fait quelques progrès. Cependant, après de violents débats, l'ordre du jour fut invoqué de toutes parts, et l'on se sépara sans avoir pris aucune décision (1).

L'idée du club des Cordeliers avait trouvé de l'écho dans la presse, et même dans le public; le cri: Plus de roi! soyons républicains! s'était fait entendre au Palais-Royal et dans plusieurs sociétés populaires. Quelques écrivains vinrent en aide pour la populariser. Brissot, depuis longtemps républicain, discutait la question dans le Patriote français (25 juin). L'abbé Fauchet, évêque intrus du Calvados, disait dans son journal, intitulé la Bouche de fer: « Il n'y a plus à dé

(1) Hist. parlem., t. V, p. 340.

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libérer le peuple libre et souverain s'est couvert en regardant avec mépris le ci-devant roi. Voilà enfin un plébiscite, et la république est sanctionnée (1).

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L'idée républicaine fit tous les jours de nouveaux progrès. Les Cordeliers l'avaient fait adopter par la section du Théâtre-Français. Condorcet la soutenait au Cercle-Social, réunion alors fort nombreuse. Le 1er juillet, les murs de Paris furent couverts d'une affiche qui faisait un appel au peuple pour la même idée. Louis XVI. y était déclaré sans autorité, n'ayant plus droit à l'obéissance de ses sujets. On y annonçait l'apparition d'un nouveau journal, le Républicain, dont l'objet était d'éclairer les esprits sur le républicanisme, qu'on calomniait; sur l'inutilité, les vices et les abus de la royauté.

Cette affiche, dont la rédaction appartenait, selon les uns, à Condorcet, selon les autres, à Thomas Payne, aventurier anglais, était signée par le colonel Duchastelet, ancien aide de camp de la Fayette en Amérique. Comme ce colonel était lié avec de grands personnages, on croyait que l'idée républicaine avait des partisans dans les hautes régions de la société, et que la Fayette lui-même n'y était point étranger (2); ce qui était faux, du moins pour ce qui concernait la Fayette.

Malouet dénonça à l'Assemblée nationale cette affiche, comme un acte criminel, comme un outrage fait à la constitution, et demanda la poursuite des auteurs. Martineau proposa de les faire arrêter sur-le-champ. Mais, sur les observations de Péthion, de Chabroud et

(1) Hist. parlem., t. V, p. 337.

(2) Ibid., p. 353.

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