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habitants se réunirent pour demander en faveur des prêtres quelque adoucissement à leurs peines. On leur accorda alors la ville pour prison; mais de nouveaux incidents vinrent exalter les têtes; la noire calomnie agita les sociétés populaires, et même l'Assemblée nationale. De nouvelles impostures, forgées peut-être dans son sein, ramenèrent une nouvelle occasion de frapper l'innocence. On répandit, avec la malignité ordinaire, le bruit que les prêtres qui avaient échappé aux recherches du mois de juin mettaient le trouble et la division partout, qu'ils soulevaient les peuples et empêchaient la perception de l'impôt (1). »

On voit par ce trait qu'on accusait les prêtres de tout, même des désordres dont ils étaient victimes. On n'avait plus à leur égard ni justice ni humanité.

Ce qui se passait à Nantes se voyait dans bien d'autres départements. Dans la Mayenne, à Château-Gonthier, sur la demande de deux intrus d'accord avec le club des Jacobins, soixante ecclésiastiques sont enfermés dans les cellules d'un couvent de bénédictins traités avec la dernière indignité, et menacés de périr par les mains de la populace (2). Les meilleurs ecclésiastiques du diocèse de Vannes étaient envoyés à la citadelle de Mont-Louis. La même persécution s'exerçait dans le département de Maine-et-Loire. Cent vieillards vertueux gémissaient dans les cachots d'Angers, dont la garde, composée de scélérats, ajoutait encore aux tourments de la captivité. M. Volgérard, curé d'Athée, était enfermé depuis plusieurs mois, sans

(1) Hist. manuscr. de la Révol., par M. Chevalier, (2) Barruel, Hist. du Clergé, t. I, p. 136.

égard pour son âge avancé, dans les prisons de Craon. Son crime, comme celui de tous les prêtres fidèles, était d'avoir refusé le serment, et d'avoir maintenu la religion catholique dans sa paroisse. L'éminente piété de ce vieillard, la noblesse de ses traits, la douceur évangélique de ses paroles, commandaient les hommages de ses geôliers, mais ne pouvaient attendrir l'âme des fauteurs du schisme. Ses membres couverts de plaies ne pouvaient plus supporter le poids des fers: les médecins, émus de pitié, intéressèrent à son malheur le tribunal du district, qui lui fit ouvrir les portes de la prison. Mais le même jour, lorsqu'on apprit la nouvelle de l'évasion du roi, M. Volgérard fut replongé dans les cachots (1).

Dans le département du Finistère, on traitait les prêtres avec une brutalité digne des temps barbares. Nous avons déjà vu leur emprisonnement à Brest. Cette ville renfermait une populace extrêmement corrompue et exaltée. Quand on amenait un prêtre prisonnier, cette populace s'assemblait, et l'accompagnait jusqu'à la prison en poussant des cris féroces, demandant qu'on le pendît, et chantant Ah! ça ira! On ne tuait pas encore les prêtres, comme on le fera plus tard: cependant plusieurs eurent de la peine à éviter la mort. Le P. Élisée, supérieur des carmes déchaussés, homme recommandable par sa piété, ses vertus, et même par ses services rendus à la ville, avait failli plusieurs fois être immolé avec deux autres ecclésiastiques, dans le trajet qu'on leur fit faire pour aller à la

(1) Hist. du Clergé pendant la révol., par M. R..., t. I, p. 358. Barruel, Hist. du Clergé, t. I, p. 186.

prison. Le souvenir de M. de Squasen, curé de SaintPierre-Quilbignon, paroisse près de Brest, est encore vivant dans les traditions du pays. On le conduisait en prison lorsqu'une foule de curieux se jeta sur le cortége pour lui arracher le prisonnier. Déjà le cordon d'un réverbère était abaissé, on s'apprêtait à le passer au cou de la victime: la garde nationale accourut, et parvint avec beaucoup de peine à lui sauver la vie en le faisant entrer dans la prison (1). Mais la prison n'est bientôt plus un lieu sûr pour ces généreux confesseurs de la foi. La populace, excitée par les accusations les plus absurdes et les plus perfides, les y poursuivait par ses cris, voulant les immoler. Les magistrats de Brest mandèrent à l'administration départementale qu'ils ne pouvaient répondre de la vie des prêtres, et demandaient qu'on les transférât ailleurs. Les administrateurs eussent peut-être accueilli cette demande, qui était dans l'intérêt de l'ordre public; mais le faux évêque Expilly, qui se trouvait à Paris et qui était consulté, s'y opposa; trait de cruauté qui prouve que l'extinction de la foi avait éteint dans son cœur le sentiment d'humanité. Son avis l'emporta, et les prêtres fidèles restèrent exposés aux fureurs d'une populace égarée (2).

La position des anciens pasteurs n'était plus tenable, surtout dans certains départements. Un assez grand nombre s'exilèrent en Suisse, en Allemagne, en Angleterre. Les paroissiens, qui versaient des larmes en les voyant partir, leur envoyèrent leurs offrandes, et

(1) Tresvaux, Hist. de la Pers. révol., t. I, p. 292.- Barruel, Hist. du Clergé, t. I, p. 131, 132.

(2) Ibid.

dans bien des paroisses on se cotisait pour leur transmettre des secours, qu'on continua tant que les communications étaient ouvertes (1). D'autres, plus intrépides ou moins tourmentés, restèrent à leur place : ils en avaient le droit tant qu'ils n'étaient pas remplacés. Or, malgré tous les efforts des nouveaux évêques, le nombre des prêtres jureurs était insuffisant pour qu'on pût en donner à toutes les paroisses. Il y avait donc encore, pendant la majeure partie de l'année 1791, bien des paroisses desservies par les anciens curés. Les fidèles des paroisses voisines qui ne jouissaient pas du même avantage y venaient les jours de dimanche et fêtes, pour entendre la messe, et ne trouvaient pas trop pénible de faire deux ou trois lieues pour avoir ce bonheur. On cite, dans le district d'Angers, la commune de Soulaines, qui fut pendant assez longtemps le centre de la catholicité dans l'Anjou. On y avait nommé un prêtre constitutionnel, mais il n'avait pas osé s'y présenter; et M. Chatizel, pasteur légitime, y continua ses fonctions. Chaque dimanche, une multitude immense des endroits voisins s'y rendait aux offices, à la suite desquels les tables devenaient communes, comme chez les premiers chrétiens. Ce spectacle effaroucha les patriotes, amis et prôneurs de la liberté. La tête du curé fut mise à prix. En effet, le 29 juillet, une troupe de forcenés, armée de bâtons et de haches, se dirigea vers le presbytère, en enfonça les portes, et brisa les vitres et les meubles. C'était aux jours du curé qu'on en voulait : heureusement il avait fui,

(1) Hist. du Clergé pendant la révol., par M. R..., t. I ̧ p. 339.

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averti, quelques heures auparavant, du danger qui le menaçait. Le curé constitutionnel, s'étant présenté, fut mal accueilli personne ne voulait lui parler. Un aubergiste refusa de le loger et de le prendre en pension, disant que s'il recevait chez lui un prêtre jureur, son hôtel serait abandonné même par ses domestiques. Le prêtre constitutionnel se retira alors plein de confusion, et rendit compte au district départemental de l'accueil qu'il avait reçu. Le district ordonna l'emploi de la force pour s'opposer à ce que les habitants pussent communiquer avec le pasteur catholique. L'église, abandonnée par eux, fut envahie par le curé schismatique, qui vint y faire l'office sous la protection des baïonnettes (1). Telles sont les vexations qu'on exerçait contre les catholiques, sous le règne de la liberté.

Si l'on sévissait ainsi contre les prêtres, on peut s'imaginer facilement comment on traitait les évêques, qui étaient journellement dénoncés à la tribune nationale comme provocateurs de troubles. Aussi fut-ce contre eux qu'avaient été dirigés les premiers coups de la persécution. Déjà, au commencement du mois de mars, plusieurs évêques de la Bretagne avaient été obligés de s'exiler en pays étranger; d'autres, qui s'étaient décidés à rester près de leur troupeau, furent forcés de prendre le même parti, après avoir couru mille dangers. De Chaylus, évêque de Bayeux, revenant dans son diocèse, fut arrêté dans sa voiture, sur la route, par une populace furieuse, accourue pour le

(1) Hist. du Clergé pendant la Révolution, par M. R....., t. I, p. 355.

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