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eussent prêté le serment. Le souvenir du vénérable M. de Juigné, qui avait répandu tant d'aumônes à Paris, était encore si vif dans l'esprit des évêques que personne n'osait lui donner un successeur. Gobel, suivant la voie indiquée par les décrets de l'Assemblée, fit constater le refus de ces prélats, et présenta requête en appel comme d'abus au tribunal du district, séant à Sainte-Geneviève. Le tribunal se garda bien de poursuivre les deux prélats; la poursuite n'aurait servi qu'à rendre le refus plus éclatant il se contenta de rendre une sentence qui mettait l'évêque de Paris en possession du temporel de son église, et lui enjoignait de se retirer par devers l'ancien évêque d'Autun, pour en recevoir l'institution canonique. La sentence était assez singulière, car Talleyrand, étranger au diocèse de Paris, n'avait aucun pouvoir quelconque pour donner l'institution canonique. Mais Gobel, pressé de devenir évêque de Paris, dignité qu'il n'aurait pas osé espérer dans un rêve, eu égard à sa médiocrité, se contenta des pouvoirs conférés par l'évêque d'Autun, et fit les préparatifs de son installation, qui eut lieu le 27 mars (1791), à l'église de Notre-Dame (1). La description qu'en fait le Moniteur nous donne une idée bien nette de l'état des esprits à cette époque.

« On avait élevé, dit-il, dans la nef de l'église métropolitaine un autel simple. Des grenadiers de la garde nationale étaient rangés en haie sur les degrés de cet autel. Une députation de l'Assemblée nationale, une autre du corps municipal, et le corps électoral du

(1) Hist. du Clergé de France depuis la convocation des états généraux, t. III, p. 203.

département, se sont réunis à dix heures, et le nouvel évêque a prêté le serment. Une salve d'artillerie (1) et toutes les cloches des églises de Paris ont annoncé le moment de l'installation. La métropole était remplie d'une foule innombrable de citoyens qui ont fait retentir les voûtes du temple d'acclamations au moment de la prestation du serment. Ces acclamations se sont renouvelées dans toutes les rues par où a passé la procession qu'on a faite dans la cité (2). »

Tels sont les honneurs qu'on rendait à un intrus, lorsqu'on traitait les vrais évêques avec tant de sévérité et d'ignominie. Il était facile maintenant d'avoir de nouveaux prélats. Gobel en devint le grand consécrateur. Il en avait consacré neuf d'un seul coup à la messe de son installation. On en rendit grâces à Dieu par un Te Deum solennel; ce Te Deum était alors bien profané.

Le vrai archevêque de Paris, M. de Juigné, n'était pas resté muet dans cette circonstance: il avait envoyé une protestation, avec une lettre particulière pour l'intrus. On trouva moyen de rendre la protestation publique. Gobel la déféra, avec la lettre adressée à lui, au procureur général syndic, pour servir aux poursuites qui devaient être faites en conséquence, mais qui n'eurent aucun résultat (3).

A cette époque, l'épiscopat constitutionnel se trouvait presque au complet. Les prétendus évêques s'é

(1) Ce qui a fait dire à de mauvais plaisants que son institution était très-canonique.

(2) Moniteur, 30 mars 1791.

(3) Mémoires d'Auribeau, t. II, p. 209. Hist. parlem., t. IV, p. 443.

taient consacrés les uns les autres, et s'étaient donné mutuellement l'institution canonique, en vertu des décrets de l'Assemblée. Leur organisation avait été l'affaire des trois premiers mois de l'an 1791. Ils furent installés avec l'appareil de la force, qui, dans certaines villes, était nécessaire. A Meaux, l'orgue joua pendant la messe, et même au moment de l'élévation, le Ça ira! qui fut suivi du Te Deum (1).

Après leur installation, les évêques écrivaient au souverain pontife en signe de communion, comme le voulait la constitution civile. Plusieurs de ces lettres sont parvenues jusqu'à nous; je n'en citerai qu'une seule, pour donner au lecteur un modèle de ce genre d'écrits. Elle est de M. de Villeneuve, curé du diocèse de Riez, élu au siége de Digne.

« Très-saint père, appelé par les suffrages des électeurs du département des Basses-Alpes au siége épiscopal de Digne, j'ai été confirmé par l'évêque métropolitain des Côtes-de-la-Méditerranée, qui m'a consacré avec l'assistance des évêques de Nîmes et d'Embrun. J'ai la confiance que cette élection et cette consécration ne vous seront point désagréables, car je m'unis de communion à la chaire de Pierre. Parfaitement attaché au siége catholique, apostolique et romain, la fidélité et l'obéissance que les canons m'imposent envers vous qui êtes le chef de l'Église, et qui y tenez la primauté, ne cesseront jamais d'être l'objet de mes vœux et la règle de ma conduite. Ne pensez pas, je vous en prie, très-saint Père, que la demande que je vous fais de votre communion soit une simple céré

(1) Mémoires d'Auribeau, t. II, p. 796.

monie loin de moi la dissimulation et le manque de respect! A la vérité, je ne vous dis rien de la confirmation de mon élection, que je devrais obtenir de vous, parce que j'ai pu y suppléer sans que la paix en soit troublée. Que mon silence à ce sujet ne vous empêche donc pas de m'accorder, comme un gage de votre tendresse paternelle, votre bénédiction apostolique, que je demande avec instance. Si je ne l'obtiens pas, je mourrai à votre porte (1). »

Ces évêques, une fois installés, s'occupèrent activement à organiser leur conseil et leur clergé constitutionnel. Ils le recrutaient dans le rebut des couvents, dans cette foule de prêtres de peu de foi qui étaient entrés dans le sanctuaire sans vocation, pour avoir rang dans un corps que d'autres rendaient honorable. Le peuple, ou plutôt le parti révolutionnaire, les choisissait parmi ces prêtres suspects et interdits qui, las de la surveillance de leurs supérieurs, s'étaient jetés dans le schisme pour avoir plus de liberté, ou parmi les ignorants qui, tourmentés par leur ambition et repoussés des cures qui se donnaient ordinairement au concours, espéraient avoir de l'avancement dans l'Église constitutionnelle; ou dans la classe des esprits timides qui s'étaient laissé effrayer par la menace et la perspective de la misère, ou entraîner à contre-cœur par les prières de leurs parents et de leurs amis. Tel était ce clergé qui sortait des élections populaires, qui devait ramener la primitive Église, et prendre la place de ces évêques vénérables, de ces savants docteurs qui faisaient la gloire de la France, et de cette foule de

(1) Quod si non impetro, hic morior ante postes tuos.- Mémoires d'Auribeau, t. II, p. 697.

prêtres vertueux, hommes de cœur, de foi, de conscience, dont rien n'avait pu ébranler la fidélité. Les cures de Paris, occupées par un clergé en général respectable, furent données à des moines apostats, à des vicaires assermentés, à des curés du voisinage, et à d'autres prêtres obscurs qui n'étaient connus que pour avoir prêté le serment. Ils furent installes le dimanche 3 avril (1791) par des officiers municipaux, avec grande solennité, et conduits processionnellement autour de leur paroisse, au milieu de soldats en armes, et au son des instruments guerriers (1). Ce fut la fin des communautés paroissiales. Celle de Saint-Sulpice ne devait pas avoir lieu sans de nouvelles avanies. Le jeudi 31 mars au soir, le curé commençait à faire démeubler le presbytère, lorsqu'il se vit menacé tout à coup par une vile populace rassemblée devant la maison, qui lui reprochait à grands cris d'enlever ce qui ne lui appartenait pas. Les marguilliers avaient beau protester au milieu de la foule, ils ne purent la convaincre que les meubles appartenaient au curé et à ses vicaires. On menaçait d'enfoncer les portes, et de livrer la maison au pillage. M. de Pansemont fut obligé de tout abandonner. Il se retira à l'église, où se forma un nouvel attroupement. Averti à temps, il parvint à s'échapper; mais il ne rentra plus dans sa communauté. Le samedi 2 avril, dernier jour du ministère public dans sa paroisse, les administrateurs du district arrivèrent dans la communauté avant la fin du repas, et enlevèrent jusqu'au linge de table, comme appartenant au presbytère nouveau. C'est là que finit

(1) Hist. parlem., t. IV, p. 443.

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