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L'Assemblée nationale, en ordonnant des poursuites contre Marat, semblait être convaincue de la nécessité de prendre des mesures rigoureuses contre les provocateurs de troubles. La cour, ou plutôt le ministère, crut devoir profiter de ces dispositions pour faire punir les auteurs de l'attentat des 5 et 6 octobre à Versailles; il pressa donc la procédure que l'Assemblée nationale avait confiée au tribunal du Châtelet, et qui traînait depuis plus de dix mois, par l'effet de diverses intrigues. Le 7 août, le Châtelet présenta son rapport à l'Assemblée nationale, par l'organe de Boucher d'Argis qui en était le rédacteur. Ce rapport ne contenait aucune charge contre les insurgés de bas étage, soit parce qu'on ne les avait pas découverts, soit parce qu'on voulait punir seulement les instigateurs de ces scènes, parmi lesquels on plaçait deux notables députés de l'Assemblée, Mirabeau et le duc d'Orléans. Comme ces députés étaient inviolables d'après un décret du 26 juin, rendu à la demande de Péthion et de Robespierre, le Châtelet demanda à l'Assemblée l'autorisation de les poursuivre. Cette demande éprouva une vive opposition, mais elle fut fortement appuyée par Maury et Cazalès, qui firent sentir la nécessité de punir de pareils crimes pour l'honneur de la France et de l'Assemblée, quel que soit le rang des coupables.

<< Si les auteurs d'un forfait abominable, s'écria Cazalès, dont il n'est pas au pouvoir des hommes d'accorder le pardon, ne sont découverts et punis, que dira la France, que dira l'Europe entière? L'asile des rois a été violé, les marches du trône ensanglantées, ses défenseurs égorgés; d'infâmes assassins ont mis en péril les jours de la fille de Marie-Thérèse, de la reine

des Français (il s'élève des murmures)... et le crime resterait sans vengeance! >>

L'Assemblée, peu touchée de ces raisons, renvoya le rapport du Châtelet à son comité de recherches, où il va rester encore pendant près de deux mois (1).

Le même jour (7 août), le procureur du roi présenta devant le tribunal du Châtelet son réquisitoire contre le mandement de l'évêque de Tréguier. Le vénérable prélat, qui était arrivé à Paris pour être entendu, subit deux jours après un interrogatoire. Il se disculpa en faisant observer à ses juges que son ouvrage était tiré en partie des Pères de l'Église, et en partie de l'Écriture sainte; que s'il a parlé contre la vente des biens ecclésiastiques, il n'avait pas entendu parler de sacrifices volontaires; que son intention était seulement d'attaquer les sacrifices forcés. Il cita, pour se justifier, le passage suivant de son mandement : « Si << l'on ravit les antiques propriétés de vos seigneurs et « de vos pasteurs, qui vous garantira les vôtres ? >>

Il produisit ensuite plus de trente certificats de municipalités et de districts qui attestaient que son mandement n'a pas produit le mauvais effet qu'on lui attribuait. Malgré ces témoignages, la compagnie du Châtelet assemblée rendit, le 13 août, un jugement forçant l'évêque de Tréguier à se présenter à l'audience. Son affaire fut plaidée le 14 septembre, juste un an après la publication du mandement, et l'évêque fut déchargé d'accusation (2).

Les chefs des clubs et les rédacteurs des journaux

(1) Moniteur, séance du 7 août 1790.

(2) Tresvaux, Hist. de la Persécut. révol., t. I, p. 90.

populaires continuèrent d'entretenir ou de ranimer l'agitation et la fièvre révolutionnaire. Le peuple avait besoin de se tenir en repos pour faire renaître la confiance publique et avoir du travail et du pain. Mais les agitateurs ne le laissèrent pas respirer; peu leur importait sa misère, pourvu que leur ambition fût satisfaite. N'ayant pu ruer la population de Paris sur Saint-Cloud pour prendre le roi prisonnier et le tenir sous bonne garde, ils s'appliquèrent à l'affaiblir, et à lui ôter cette autorité morale qu'il semblait avoir acquise à la fête de la Fédération; ils attaquèrent pour cela les ministres, et cherchèrent à mettre la dissolution dans l'armée, deux moyens qu'on a souvent employés depuis pour renverser les gouvernements et les monarchies. En attaquant les ministres, ils trouvaient de l'écho dans l'Assemblée nationale, même parmi les défenseurs du trône constitutionnel. Ceux-ci ne savaient pas encore que l'attaque contre les ministres finit par aboutir à la personne de leur maître. Les ministres de Louis XVI, qui n'avaient qu'un seul reproche à se faire, celui d'avoir montré trop de faiblesse et de complaisance envers les révolutionnaires, avaient déjà été obligés souvent de rendre compte de leur conduite; mais ils furent poursuivis avec plus d'acharnement depuis la procédure du Châtelet. Tous les jours on articulait des griefs contre eux, tous les jours on excitait le peuple à demander leur renvoi, parce qu'on voulait les perdre. Un militaire, nommé Bonne-Savardin, avait été arrêté pour avoir formé, comme on le croyait, de concert avec le général de Maillebois, le projet de faire rentrer en France le comte d'Artois (Charles X) avec des troupes piémontaises. Il s'était

évadé de l'Abbaye, et l'on accusait les ministres d'avoir favorisé sa fuite. Le comte de Saint-Priest, à qui on en voulait plus spécialement, fut dénoncé comme ayant trempé dans la conspiration, et comme coupable du crime de lèse-nation. On demandait qu'il fût révoqué, et jugé par le Châtelet. Saint-Priest se justifia par une lettre au président de l'Assemblée, et dans un mémoire rédigé par le célèbre avocat Desèze. Mais ces justifications, qui l'absolvaient aux yeux mêmes de l'Assemblée et des hommes modérés du parti, ne désarmaient pas la haine des factieux. Chaque jour les mêmes calomnies, reproduites dans les journaux et d'autres libelles, venaient le dépopulariser, lui et ses collègues, afin de forcer le roi à s'en séparer (1).

Pendant que les chefs de clubs travaillaient à rendre les ministres odieux, d'autres cherchaient à désorganiser l'armée, dernier appui du pouvoir, ainsi que le dernier objet de leur crainte. Des émissaires furent envoyés partout pour distribuer des journaux aux soldats et les exciter à l'insubordination. Les circonstances leur étaient favorables. L'esprit de révolte courait dans l'air, et se communiquait à toutes les conditions. Les soldats, quoique tenus par les règles de la discipline, n'échappèrent pas à l'influence contagieuse, d'autant moins qu'ils voyaient l'insubordination dans tous les rangs. Les émissaires stimulaient les sous-officiers par l'espérance de l'avancement, que l'ancien régime leur avait fermé; aux soldats ils promettaient plus de liberté et une plus haute paye. Par

(1) Biog. univ., art. Saint-Priest.- Degalmer, Hist. de l'Ass. constit., t. II, p. 121.

ces espérances et ces promesses ils parvenaient facilement à les exciter à la révolte contre leurs officiers, qui, en général, étaient mal disposés pour la révolution. Aussi vit-on éclater des insurrections dans presque toutes les garnisons du royaume; les plus graves eurent lieu à Metz et à Nancy. Un des régiments de la garnison de Metz, s'étant révolté, voulut enlever le drapeau et la caisse militaire, déposés chez le colonel. Le marquis de Bouillé, qui commandait à Metz, et qui s'était toujours fait aimer du soldat par l'énergie de son caractère et par une conduite loyale et pleine d'équité, accourut au premier bruit, se mit devant les insurgés l'épée à la main, et leur barra le passage; mais ce ne fut qu'à l'aide de la municipalité qu'il parvint à les faire rentrer dans l'ordre. Il avait couru de grands dangers : les insurgés avaient eu les armes chargées, et plusieurs l'avaient couché en joue. La révolte de la garnison de Nancy fut plus sérieuse, car elle ne se termina qu'après une longue lutte et une grande effusion de sang. Elle avait été excitée par des régiments suisses, auxquels s'était jointe la populace de la ville. L'Assemblée nationale en était fort inquiète. Elle envoya à Nancy le général Malseigne, muni d'un décret qu'elle avait porté précédemment, qui défendait toute association délibérante, et déclarait traîtres à la patrie les instigateurs, les fauteurs ou participants d'insurrections militaires. Le général fut mal reçu, exposé à de grands dangers, enfin arrêté et mis en prison avec d'autres officiers. Le marquis de Bouillé reçut ordre de marcher sur Nancy. Il n'avait que peu de soldats sur qui il pût compter : heureusement les troupes naguère révoltées à Metz, humiliées de ce

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