صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

gné de la ville, avec les paysans des alentours, dans le but de pourvoir à la sûreté de l'évêque, et de protester contre l'Assemblée nationale et ses décrets. Dans une délibération rédigée en ce lieu, ils donnent au directoire deux jours pour répondre; et si, passé ce délai, la réponse n'était point arrivée, ils iraient la chercher eux-mêmes. Le directoire eut peur, et demanda à la ville de Lorient quatre pièces de canon et cinquante hommes. Cette ville fit plus qu'on n'avait demandé : elle envoya quinze cents hommes armés, qui, d'après la dernière nouvelle, étaient en marche sur Vannes. Vieillard termine son rapport en proposant un décret qui ordonne d'envoyer des troupes dans ce département et trois commissaires, pour y rétablir la tranquillité; de traduire devant les tribunaux les auteurs et les instigateurs des troubles, ainsi que les officiers municipaux de Sarzeau, que l'on doit suspendre de leurs fonctions; et de mander à la barre de l'Assemblée les ci-devant évêques de Tréguier, de Saint-Pol-de-Léon et de Vannes. Cazalès eut beau faire observer que dans cette correspondance rien n'était prouvé contre les évêques, le décret fut adopté avec toutes ses dispositions (1).

L'observation de Cazalès était extrêmement juste. Les faits que je viens d'exposer et les pièces que l'on a lues à la tribune ne fournissent aucune preuve, ni contre les prêtres, ni contre les évêques. On ne les voit figurer nulle part dans ces troubles.

Les paysans arrivèrent le 13 février (1791), armés, à Vannes, comme ils l'avaient annoncé, pour recevoir la réponse du directoire. Délivrer leur évêque et veil

(1) Moniteur, séance du 14 février 1791.

ler à sa sûreté, telle paraît avoir été leur première intention. On prétend qu'un prêtre nommé Lebait, curé de la succursale de la Vraie-Croix, dans la paroisse de Salviac, diocèse de Vannes, a dit la messe paroissiale (le 13 était un dimanche) au point du jour; qu'il a donné le crucifix à baiser à ceux qui partaient pour l'expédition; et que, pour enflammer leur ardeur, il a appelé la superstition au secours du fanatisme, en affirmant qu'un morceau de la vraie croix était enchâssé dans le crucifix qu'il leur présentait (1). Le fait, fût-il vrai, ne prouverait pas que le curé ait eu de mauvaises intentions; car les paysans ne manifestaient pas d'autre but que celui de délivrer l'évêque et de veiller à sa sûreté. Ils furent fort mal reçus à Vannes: la garde nationale, secondée par les quinze cents hommes de troupes venus de Lorient, les attaqua sur la route de Rennes, en blessa onze ou douze, et fit trente et un prisonniers, y compris les blessés. Mais la collision allait recommencer; un autre corps de paysans se dirigeait sur Vannes en armes, pour se joindre aux autres ; ils s'étaient arrêtés à Theix; les prêtres du lieu firent tous leurs efforts pour les dissuader de poursuivre leur entreprise, et ils les décidèrent, non sans peine, à retourner chez eux (2). Telle est la seule part que le clergé ait prise dans ces troubles. Eh bien! malgré cette démarche toute dans l'intérêt de la paix, on trouva encore à accuser le clergé du lieu d'avoir excité les paysans à la révolte; et le vicaire de Theix, M. Dorso, fut appelé devant le tri

(1) Moniteur, 3 mars 1791.

;

(2) Tresvaux, Hist. de la Perséc. révol. en Bretagne, t. I, p. 191.

bunal de Vannes, pour y rendre compte de sa conduite (1). Il ne lui fut pas difficile de se disculper; ce qui n'empêcha pas la municipalité de Vannes d'écrire contre le clergé une lettre furibonde qu'elle adressa aux députés du Morbihan, et qui fut lue dans la séance du 19 février:

« Nous vous adressons, dit la municipalité, une copie des procès-verbaux qui constate les fatigues, les peines et les chagrins que nous avons essuyés. Nous avons encore le cœur déchiré d'avoir vu couler le sang de nos concitoyens. Le fanatisme des prêtres aurait voulu en faire couler des flots, et leurs vœux se sont en partie accomplis. Ils ont des âmes de bronze, tout sentiment d'humanité leur est étranger, et leur seul désir est de nous plonger dans toutes les horreurs d'une guerre civile. Il serait trop long de vous détailler les perfides moyens qu'ils mettent en usage. Ces prêtres fanatiques et sanguinaires cherchent à renouveler les forfaits du cardinal de Lorraine, en prêchant le meurtre et le carnage au nom du Dieu de paix. »

Ce qu'on voit dans cette lettre, c'est une haine exaspérée qui s'exhale par le mépris, l'injure et l'outrage, et accuse sans alléguer de preuves. Le fanatisme et la fureur de ces prêtres sanguinaires sont des allégations vagues qui ne sont attestées par aucun fait juridique; l'écrivain municipal emprunte ses traits à la tragédie de Charles IX, fort connue alors, puisqu'il cité le cardinal de Lorraine bénissant les poignards à Paris, tandis qu'au moment de la Saint-Barthélemy ce cardinal était à Rome. L'écrivain cite ensuite le fait

(1) Tresvaux, Hist. de la Pers. révol. en Bret., t. I, p. 193.

mentionné plus haut; voici comment il le représente : « Il y a quelques jours que, dans le village de..., un ministre dit la messe avant le jour; il donna ensuite à ses paroissiens le crucifix à baiser, en les engageant à venir nous égorger. Il persuadait à ce peuple égaré qu'il devait aller venger le ciel offensé, et qu'il pouvait nous assassiner sans pécher. Heureusement que le zèle des bons citoyens a fait échouer ces tentatives. On informe contre les criminels (1).

Il y a de la haine, et par conséquent de l'exagération, dans l'exposé de ce fait. Ce curé, contre lequel on a informé, a-t-il été trouvé coupable? a-t-il été puni? L'histoire ne le rapporte pas. Les lettres adressées à l'Assemblée nationale par le commissaire du roi et le directoire du département, rendant compte des événements, ne parlent pas du clergé, sinon que, dans le canton où se sont passés les désordres, un curé a déclaré en chaire que si ses paroissiens prenaient part à la sédition, il serait le premier à les dénoncer; ce qui prouve évidemment que le clergé était étranger à ces sortes de désordres.

Conformément au décret de l'Assemblée nationale, on envoya trois commissaires dans le Morbihan, et l'on confia aux gendarmes le soin d'arrêter les trois prélats pour les conduire à la barre de l'Assemblée. Les évêques de Tréguier et de Saint-Pol-de-Léon étaient absents lors des événements, et ne pouvaient en répondre. Le seul crime qu'on eût à leur reprocher, était d'avoir gouverné leur diocèse avec zèle, et veillé sur leurs troupeaux dans des circonstances si

(1) Moniteur, séance du 19 février 1791.

alarmantes pour la foi. L'évêque de Tréguier et celui de Saint-Pol-de-Léon se dérobèrent aux recherches des gendarmes. M. Amelot, évêque de Vannes, fut seul arrêté et conduit à Paris, comme un criminel, par deux gardes nationaux de Lorient. Son arrivée fut annoncée à l'Assemblée nationale le 5 mars

mais on ne trouve nulle part qu'il ait été mandé à la barre, où il lui eût été trop facile de se justifier. Ses mandements mêmes, qu'on traitait d'incendiaires, auraient démontré son innocence. L'affaire en resta là; mais l'opposition n'était pas éteinte, elle devint chaque jour plus vive et plus opiniâtre. A la Rochelle, le peuple tenta de mettre le feu à la maison d'un chanoine qui avait prêté le serment (2). L'histoire ecclésiastique rappellera toujours la déclaration de la paroisse de Champoron, diocèse de Séez. Au moment où il était question du serment, les habitants se réunirent, et prirent la résolution suivante, de concert avec l'autorité:

« Nous, soussignés, maire, officiers municipaux et autres paroissiens de Champoron, déclarons que, voulant vivre et mourir dans la religion catholique, apostolique et romaine, que nous ont transmise nos pères, nous ne suivrons jamais d'autre pasteur que celui que l'Église nous a donné, et que nous chasserons nousmémes de notre paroisse celui qui aurait la faiblesse de se souiller par un serment schismatique (3). »

(1) Moniteur, séance du 5 mars 1791.

(2) Moniteur, 11 février 1791.

-

(3) Hist. du Clergé pendant la révol., par M. R. - Barruel, Hist. du Clergé, t. I, p. 77.

« السابقةمتابعة »