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misère du peuple. La fête du 14 juillet leur fournit le même contraste aussi le font-ils vivement ressortir, dans le but de soulever les flots populaires. Écoutons l'Ami du peuple, rédigé par Marat :

« Je ne m'amuserai pas, dit-il, à épiloguer la description des fêtes, ce serait peine perdue... Que les administrateurs de la ville, Bailly et tous les fripons qui manient les grandes affaires, ne rêvent que prospérité et bonheur, il n'y a là rien d'étonnant, ils nagent dans l'opulence; mais qu'après le dépérissement des manufactures et du commerce, après l'interruption de tous les travaux, après la suspension des payements des rentes publiques, après sept mois de famine, on ose tenir un pareil langage à un peuple ruiné, à des infortunés qui meurent de faim, assurément il faut avoir un front qui ne sait plus rougir. Au milieu de cette misère universelle, huit jours entiers, dit-on, doivent être consacrés aux fêtes, aux festins, aux joutes..... Pensent-ils en imposer par cette fausse image de la félicité publique?... Au milieu des cris d'allégresse qui retentissaient de toutes parts, quel spectacle plus humiliant pour la nation que de voir, sur une chaise mesquine, le président du sénat qui la représente, tandis que le roi, qui n'est que le premier serviteur du peuple, occupait un trône magnifique, décoré de tous les symboles d'un triomphateur !... C'est au moment où nous gémissons sous la tyrannie municipale armée de la force publique, et sous la tyrannie de l'Assemblée nationale...., qu'on a eu l'impudence d'afficher cette platitude: Vous chérissez cette liberté, vous la possédez maintenant; montrez-vous dignes de la conserver! Mais allez à la Conciergerie, au Châtelet, à la Force;

interrogez les infortunés qu'on y fait gémir pour s'être montrés patriotes, et dites-nous comment vous trouvez cette liberté dont on nous félicite (1).

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En se rappelant ce qui s'est passé avant les 5 et 6 octobre, on trouve ici l'application du même système. Les anarchistes jettent le peuple dans la misère, qu'ils exploitent ensuite pour l'exciter à la révolte contre l'autorité, et réaliser leurs affreux desseins. Mais s'ils suivent la même méthode, c'est qu'ils veulent arriver au même résultat, c'est-à-dire prendre le roi captif, le tenir sous bonne garde, renverser toutes les autorités, l'Assemblée nationale comme la municipalité de Paris, et s'installer à l'hôtel de ville pour y régner en souverains. Leurs premiers efforts sont dirigés contre la personne du roi ils savent que ce bastion étant une fois emporté, ils se rendront facilement maîtres de la place.

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Camille Desmoulins, après avoir censuré la fête du Champ-de-Mars, ne reconnaît d'autre fête vraiment nationale que celle du triomphe de Paul-Émile, où un roi, les mains liées derrière le dos, suivait dans l'humiliation le char du triomphateur, et il oppose ce trait historique à la conduite des fédérés: l'allusion est claire, elle n'a pas besoin d'explication. Marat, qui appartenait au même parti, veut réaliser à l'instant la pensée de Camille Desmoulins, et renouveler les journées des 5 et 6 octobre. Nous allons voir combien il est pressant dans un article de l'Ami du peuple, et qui a pour titre C'en est fait de nous!

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Citoyens de tout âge et de tout rang, dit-il, les mesures prises par l'Assemblée ne sauraient vous empê

(1) Hist. parlem., t. III, p. 278.

cher de périr c'en est fait de vous pour toujours, si vous ne courez pas aux armes ; si vous ne retrouvez cette valeur héroïque qui, le 14 juillet et le 5 octobre, sauva deux fois la France. Volez à Saint-Cloud, s'il en est temps encore; ramenez le roi et le Dauphin dans vos murs; tenez-les sous bonne garde, et qu'ils vous répondent des événements; renfermez l'Autrichienne et son beau-frère; qu'ils ne puissent plus conspirer; saisissez-vous de tous les ministres et de leurs commis, mettez-les aux fers; assurez-vous du chef de la municipalité et des lieutenants de maire; gardez à vue le général, arrêtez l'état-major, enlevez le poste d'artillerie de la rue Verte; emparez-vous de tous les magasins et des moulins à poudre; que les canons soient répartis entre tous les districts, et que tous les districts se rétablissent et restent à jamais permanents; qu'ils fassent révoquer ces décrets funestes. Courez, courez, s'il en est temps encore; ou bientôt de nombreuses légions ennemies fondront sur vous; bientôt vous verrez les ordres privilégiés se relever ; le despotisme, l'affreux despotisme, paraîtra plus formidable que jamais. Cinq à six cents têtes abattues vous auraient assuré repos, liberté et bonheur (Marat les avait demandées); une fausse humanité a retenu vos bras et suspendu vos coups: elle va coûter la vie à des millions de vos frères. Que vos ennemis triomphent un instant, et le sang va couler à grands flots; ils vous égorgeront sans pitié, ils éventreront vos femmes; et, pour éteindre à jamais parmi vous l'amour de la liberté, leurs mains sanguinaires chercheront le cœur dans les entrailles de vos enfants (1).

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(1) Moniteur, séance du 31 juillet.

Le plan des jacobins est clairement manifesté dans cet article; mais le peuple ne s'empressa pas de l'exécuter, et resta sourd aux provocations de Marat. Malouet dénonça ces articles à la tribune (le 31 juillet), et fit ressortir tout ce qu'ils avaient de menaçant. L'Assemblée, vivement impressionnée, décréta, malgré l'opposition du côté gauche, que le procureur du roi au Châtelet poursuivrait, comme criminels de lèsenation, les auteurs, imprimeurs et colporteurs d'écrits excitant le peuple à l'insurrection contre les lois, à l'effusion du sang et au renversement de la constitution. Le décret était motivé sur la dénonciation qu'on venait de lui faire contre l'Ami du peuple et les Révolutions de France et de Brabant. Ce dernier journal était de Camille Desmoulins. Mais, sur la réflexion que la loi ne devait pas avoir une force rétroactive, Péthion obtint grâce pour son ami Camille Desmoulins. Marat seul devait être poursuivi; comme on ne prit aucune mesure pour découvrir la retraite où il se tenait caché, le décret de l'Assemblée ne fut suivi d'aucun effet. L'impunité était la sauvegarde des révolutionnaires.

Il fallait être apostat comme Talleyrand et ceux qui ont paru avec lui à l'autel du Champ-de-Mars, pour prendre part aux fêtes que faisait célébrer la révolution à l'occasion du jour anniversaire de la prise de la Bastille. Les évêques et les prêtres fidèles à Dieu étaient profondément affligés de tous les coups qu'on venait de porter à la religion, et n'étaient point disposés à célébrer des fêtes. D'ailleurs le serment que l'on faisait de maintenir de tout son pouvoir la constitution, sans dire laquelle, répugnait à leur conscience. Un évêque de France, celui de Léon, se montra d'une manière

noble dans cette circonstance. La ville de Brest lui avait demandé la permission de faire célébrer une messe solennelle en l'honneur de cette fête : « S'il ne s'agissait, répondit-il à la municipalité en date du 9 juillet, que de la fédération des troupes nationales avec les troupes de ligne pour maintenir la paix, la liberté, et l'inviolabilité des propriétés et des personnes ; que de resserrer entre tous les citoyens les noeuds de la fraternité, je voudrais pouvoir me multiplier, et remplir les premières fonctions à toutes les fêtes religieuses. Mais il s'agit de se liguer par un serment pour maintenir une constitution qui renferme des dispositions entièrement contraires à la religion, en détruisant le régime constitutionnel que lui a donné Jésus-Christ. Je vous déclare que je ne puis, sous aucun rapport, concourir à ce serment. L'Église est infaillible sur le dogme, les mœurs et la discipline générale; les évêques en sont les juges et les dépositaires (1). »

La révolution ne lui pardonnera pas ce refus; l'évêque de Léon sera un des premiers persécutés. Mais, plein de courage et de piété, il ne craignait pas les persécutions; il remplit son devoir jusqu'au bout. Plusieurs curés l'avaient consulté sur la constitution civile du clergé; il leur répondit avec empressement, et leur exposa, dans une circulaire, d'une manière claire et nette, les vices radicaux de cette constitution, en les exhortant en même temps à régler leur zèle par la prudence, et à concourir de tout leur pouvoir au maintien de la paix publique (2).

(1) Tresvaux, Hist. de la persécut. révolut., t. I, p. 84. (2) Idem, ibid., p. 88.

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