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termine pas ce chapitre sans faire d'injurieux et d'humiliants reproches aux évêques qui n'avaient pas fait le

serment.

<«< Parmi les plus implacables détracteurs du rétablissement des élections, dit-il, combien en est-il à qui nous pourrions faire cette terrible réponse : Est-ce à vous d'emprunter l'accent de la piété pour condamner une loi qui vous assigne des successeurs dignes de l'estime et de la vénération de ce peuple, qui n'a cessé de conjurer le ciel d'accorder à ses enfants un pasteur qui les console et les édifie? Est-ce à vous d'invoquer la religion contre la stabilité d'une constitution qui doit en être le plus inébranlable appui, vous qui ne pourriez soutenir un seul instant la vue de ce que vous êtes, si tout à coup l'austère vérité venait à manifester au grand jour les ténébreuses et lâches intrigues qui ont déterminé votre élévation à l'épiscopat; vous qui êtes les créatures de la plus perverse administration; vous qui êtes le fruit de cette iniquité effrayante qui appelait aux premiers emplois du sacerdoce ceux qui croupissaient dans l'oisiveté et l'ignorance, qui fermait impitoyablement les portes du sanctuaire à la portion sage et laborieuse de l'ordre ecclésiastique?» (Vive agitation et murmures du côté droit. Un membre du côté gauche s'écrie: Ce sont des vérités! Et il est applaudi par une grande partie de l'Assemblée.)

Mirabeau porte encore l'outrage plus loin: il va jusqu'à dire que depuis longtemps les évêques auraient dû provoquer eux-mêmes un autre mode de nomination, et que s'ils ne l'ont pas fait, c'est parce qu'ils auraient été obligés de condamner trop ouvertement leur création anticanonique, et de s'avouer, à la face

de la nation, pour des intrus qu'il fallait destituer et remplacer. Après avoir brisé toutes les convenances, et versé à pleines mains le mépris et l'outrage sur les respectables prélats fidèles à leur devoir, il les signale au peuple comme des conspirateurs:

Voyez ces prélats et ces prêtres, dit-il, qui soufflent dans toutes les contrées du royaume l'esprit de soulèvement et de fureur; voyez ces protestations perfides, où l'on menace de l'enfer ceux qui reçoivent la liberté; voyez cette affectation de prêter aux régénérateurs de l'empire le caractère atroce des anciens persécuteurs des chrétiens; voyez ce sacerdoce méditant sans cesse des moyens pour s'emparer de la force publique, pour la déployer contre ceux qui l'ont dépouillé de ses anciennes usurpations, pour remonter sur le trône de son orgueil, pour faire refluer dans ses palais un or qui en était le scandale et la honte; voyez avec quelle ardeur il égare les consciencés, alarme la piété des simples, effraye la timidité des faibles, et comme il s'attache à faire croire au peuple que la révolution et la religion ne peuvent subsister ensemble! »

Ces paroles n'ont pas besoin de commentaire; Mirabeau voulait rendre le clergé odieux, et exciter la haine populaire contre lui. Il porta l'audace jusqu'à lui attribuer la destruction du christianisme, qu'il prévoyait dans un temps plus ou moins rapproché, et qui était d'ailleurs dans ses vœux. Il eut l'impudence de l'imputer au clergé, et d'en faire un sujet d'accusation.

<< Or le peuple finira, dit-il, par le croire en effet; et, balancé dans l'alternative d'être chrétien ou libre, il prendra le parti qui coûtera le moins à son besoin de

respirer de ses anciens malheurs; il abjurera son christianisme, il maudirà ses pasteurs; il ne voudra plus connaître que le Dieu créateur de la nature et de la liberté, et alors tout ce qui lui retracera le souvenir du Dieu de l'Évangile lui sera odieux; il ne voudra plus sacrifier que sur l'autel de la patrie; il ne verra ses anciens temples que comme des monuments qui ne sauraient plus servir qu'à attester combien il fut longtemps le jouet de l'imposture et la victime du mensonge. » (Des murmures partent de différentes parties de la salle; l'impiété de Mirabeau était trop révoltante.) « Il (le peuple), continua l'òrateur, ne pourra donc plus souffrir que le prix de sa sueur et de son sang soit appliqué aux dépenses d'un culte qu'il rejette, et qu'une portion immense de la ressource publique soit attribuée à un sacerdoce conspirateur. »

L'orateur philosophe semblait déjà avoir oublié les biens qu'on avait pris au clergé. Après quelques autres passages du même genre, l'abbé Maury salua l'Assemblée, et sortit de la salle; plusieurs ecclésiastiques sortirent avec lui, d'autres le suivirent séparément et successivement. Ils ne pouvaient pas se résoudre à entendre plus longtemps un langage aussi impie. Mirabeau continua; mais, au moment où il s'adressait aux évêques pour leur dire: Calmez donc, ah! calmez vos craintes, ministres du Dieu de paix et de vérité! rougissez de vos exagérations incendiaires, et ne voyez plus notre ouvrage au travers de vos passions, on entendit des cris partir du côté droit : C'est sonner le tocsin! Mirabeau, sans se déconcerter, renchérit encore sur ce qu'il venait de dire; mais quand il arriva à ces mots : « Les chrétiens éclairés demandaient où s'était

réfugiée la religion de leurs pèrés, et la vraie religion de l'Évangile ne se retrouvait nulle part (Murmures à droite, applaudissements à gauche); nous étions une nation sans patrie, un peuple sans gouvernement, et une Église sans caractère et sans régime... » un des membres du parti de Mirabeau, Camus, qui avait le plus contribué à l'établissement de l'Église constitutionnelle, s'écria : « On ne peut pas entendre cela; on << a mis là des abominations qu'on ne peut pas écouter «de sang-froid. Je demande l'ajournement et le renvoi • au comité... Il faut lever la séance. >>

L'interruption inattendue de Camus jeta l'Assemblée dans un grand étonnement, et excita la plus vive agitation. Les membres du côté droit se confondirent dans la salle, se dirigèrent vers le bureau; les membres du côté gauche se levèrent spontanément; plusieurs voulaient prendre la parole, mais l'agitation était au comble; personne ne pouvait se faire entendre. On reprocha vivement à Mirabeau d'avoir fait des changements à son instruction depuis la dernière lecture au comité. Mirabeau protesta avec chaleur qu'il n'y avait pas changé un seul mot, ni une seule virgule. Enfin, après un grand vacarme, on ordonna le renvoi de l'adresse au comité pour une nouvelle rédaction ; Mirabeau ne put achever sa lecture. Le représentant Foucault, qui lançait de temps en temps des traits foudroyants à l'Assemblée, s'écria : « Je demande

qu'on fasse mention dans le procès-verbal de l'exemple « de patience que nous a inspiré notre religion (1). » Telle est l'instruction que Mirabeau avait préparée

(1) Moniteur, séance du 14 janvier 1791.

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en faveur de la nouvelle Église, et qu'on ne lui a pas permis de lire en entier. L'orateur, dont l'orgueil avait été blessé, était furieux contre les gens de son parti, et surtout contre Camus; il fit imprimer son instruction avec une petite préface, où il montra tout son dépit (1).

Mirabeau était confondu, non plus par des évêques, mais par des gens de son propre parti. Était-ce parce qu'il avait émis des sentiments différents de ceux de l'Assemblée? Non, Mirabeau avait exprimé la vraie pensée de l'Assemblée sur le sens de la constitution, et la haine qu'elle nourrissait contre le clergé catholique. Camus lui-même n'avait pas une manière différente de voir. L'instruction de Mirabeau était comme un monument ou plutôt comme un thermomètre du degré d'irréligion et d'impiété auquel était parvenue la majorité de l'Assemblée nationale; mais l'auteur avait été trop franc, il n'avait pas assez déguisé sa pensée, et son œuvre trop franchement impie aurait soulevé les peuples contre l'Église constitutionnelle, au lieu de les y rallier. Elle manquait donc le but qu'on s'était proposé, et c'est pourquoi on ne l'a pas laissé lire en entier.

Le comité ecclésiastique, chargé de la révision, mit de côté le travail de Mirabeau, et composa une autre instruction aussi impie que la première, mais plus astucieuse, plus dissimulée, et par conséquent plus propre à séduire les fidèles (2).

Elle commençait, comme celle de Mirabeau, par

(1) Discours de Mirabeau.

(2) Moniteur, séance du 14 janvier 1791.

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