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De l'autre côté se trouvait la petite paroisse de Saint-Hippolyte, dont le clergé a montré une admirable fidélité: menacé par l'émeute, il a mieux aimé se retirer que de se prêter aux volontés municipales (1).

La Sorbonne, si voisine de Saint-Étienne du Mont, ne se borna pas à refuser le serment. Ses professeurs, employés à l'enseignement, firent une déclaration solide et tranchante sur la constitution civile du clergé, qu'ils envoyèrent aux administrateurs du district, et qu'ils répandirent dans Paris et dans tous les départements. Ils montrèrent en peu de mots que la constitution civile, pour laquelle on exigeait le serment, était hérétique, schismatique, et visiblement opposée à l'esprit du christianisme. « Et nous jurerions, disaientils, à la face des autels, de maintenir cette constitution! Loin de nous un tel serment, qui ne serait à nos yeux qu'un affreux parjure et une véritable apostasie! nous trouverions dans les annales de cette école, et jusque dans nos leçons méme, l'arrét flétrissant de notre condamnation. » Ils envoyèrent leur écrit à l'archevêque de Paris, en lui assurant qu'ils ne reconnaîtront jamais d'autre évêque que lui (1). Ce langage ferme et décidé avait de quoi confondre les apostats d'une église voisine.

Cet écrit ne fut pas le seul que publia la Sorbonne. On compta jusqu'à quatre-vingts brochures écrites et publiées par elle sur la constitution civile, toutes remarquables par l'érudition, la clarté, la force et la sagesse. Aussi éprouva-t-elle peu de défections. Sur dixhuit cents docteurs dont la faculté de théologie était

(1) Hist. du Serment, p. 50, 101, 155. (2) Mémoires d'Auribeau, t. II, p. 491.

composée, on en compta à peine une trentaine qui eussent prêté le serment. C'était peu de chose pour un corps aussi nombreux. La révolution ne leur pardonna pas leur noble résistance. La municipalité de Paris leur défendit d'abord de tenir aucune espèce d'assemblée, ensuite suspendit leurs cours, leur retira leurs revenus, et détruisit ainsi (en 1791) la plus belle école de l'univers, celle à laquelle la France devait une partie de son illustration (1).

Pour finir l'histoire du serment à Paris, je dirai, d'après les pièces authentiques et officielles, que, sur six cent soixante-six prêtres employés au ministère de cette grande cité, quatre cent trente, dont vingt-six curés et quatre-vingt-dix vicaires, honorèrent l'Église par leur inébranlable fidélité. Mais deux cent trente-six prêtres, dont vingt-trois curés et trente-quatre vicaires, la déshonorèrent par leur apostasie ou leur faiblesse (2).

Ceux qui avaient succombé par surprise ou faiblesse eurent bientôt la force de se relever. Le curé du Temple abjura presque aussitôt ses erreurs, et revint dans le sein de la véritable Église.

Un autre ecclésiastique, l'abbé Bouvet, licencié en droit, donna, quelques jours après, le 24 janvier,

(1) Mémoires d'Auribeau, t. II, p. 491.

(1) Hist. du Serment, p. 208. Les principales paroisses où les curés ont fait défection sont celles de Saint-Étienne du Mont, de la Madeleine en la Cité, de Saint-André des Arcs, du Temple, de la Sainte-Chapelle, de Chaillot, de Saint-Germain le Vieux, de Saint-Laurent, de Saint-Jean de Latran, de Saint-Barthélemy, de Saint-Médard, de Saint-Merry, de Saint-Martin du Cloître, de Saint-Josse, de Sainte-Croix, de Saint-Jacques la Boucherie, de Saint-Sauveur, de Saint-Louis en l'Ile, de Saint-Victor, de Saint-Philippe du Roule, et du Gros-Caillou.

l'exemple d'une rétractation bien édifiante, et en rendit compte à un de ses amis.

« Le serment, dit-il, était précipité et décisif : la crainte m'a troublé. Je me suis vu inondé dans un instant d'une quantité de brochures pour et contre, qui m'ont tenu indécis jusqu'au dernier moment, où j'ai franchi le pas sans savoir.trop comment. Puisqu'en morale il faut toujours prendre le parti le plus sûr, j'ai donc eu tort de jurer avant que l'Église eût parlé dans une matière qui la regarde essentiellement. Il est de l'homme de se tromper, mais il est diabolique de persévérer.

« Je rétracte donc mon serment jusqu'à ce que l'Église ait parlé. Je vois aujourd'hui, à ma honte, que la plus grande et la plus saine partie du clergé de Paris a mérité dans un instant la plus grande gloire, en sacrifiant à l'autorité de l'Église ses plus grands intérêts temporels. J'aurai toute ma vie à rougir de n'avoir pas été du nombre. Mais, hélas! le besoin, l'intérêt, la passion et les autres préjugés nous aveuglent: on ne voit jamais mieux sa faute que quand le mal est consommé; c'est alors que le masque tombe, et l'homme reste. Cette réflexion bien naturelle, que l'intérêt doit guider les uns et le plus généreux désintéressement doit animer les autres dans la circonstance, et le raisonnement suivant que je viens de lire dans une brochure du jour, me font ouvrir les yeux, et me rendent à la vérité et à la persécution même, s'il le faut. J'invite tous ceux qui ont juré à le méditer comme moi, afin de se soumettre à l'autorité de l'Église, plutôt que de s'exposer à tomber dans le schisme. C'est, dit l'auteur, qu'une autorité temporelle, quelque étendue qu'on

la suppose, et quoi quen dise M. Camus, ne peut étendre ni restreindre une juridiction purement spirituelle, par le principe évident qu'on ne donne pas ce qu'on n'a pas... J'ai cependant juré, sans penser à toutes ces conséquences. C'est aussi ce qui me fait rétracter mon serment, en confessant publiquement que la juridiction des évêques est de droit divin, que leur autorité est supérieure à celle des prêtres... Je suis tombé dans le cas de ces premiers chrétiens qui furent condamnés à une pénitence publique, comme traditeurs des livres saints... C'est dans la religion catholique, apostolique et romaine, et dans le sein de l'Église qui est une, que je veux vivre et mourir avec la grâce du Seigneur, quoi qu'il m'en coûte (1). »

Cette rétractation n'a sûrement pas été sans effet.

La scission qui s'était déclarée dans les églises de Paris se continua dans la presse. On vit paraître sur la place publique une foule de brochures pour et contre la constitution civile du clergé. Les défenseurs de l'Église firent réimprimer à un très-grand nombre d'exemplaires les discours prononcés à l'Assemblée nationale contre la constitution, et les refus motivés de serments. Les évêques adressèrent des mandements au clergé et aux fidèles de leurs diocèses. Le marquis de Ferrières, membre de l'Assemblée nationale, rend un compte assez exact des événements de cette époque. Le lecteur se souviendra que c'est un philosophe, un disciple de Locke, qui parle.

« Le clergé, dit-il, ne s'oublia point dans cette lutte si intéressante pour lui. Les évêques refusèrent d'abandonner leurs fonctions, publièrent des mandements,

(1) Mémoires d'Auribeau, t. II, p. 485.

des lettres pastorales; ils déclarèrent que les ordinations que pouvaient faire les prêtres qui oseraient les remplacer seraient nulles; qu'ils leur retiraient le pouvoir de confesser et d'absoudre. Ils défendirent aux fidèles de communiquer avec eux, sous peine d'excommunication, et ne négligèrent aucun des moyens autrefois si puissants sur les peuples, mais devenus bien faibles depuis que la philosophie et les lumières ont éclairé les esprits (belles lumières en effet!). On alla dire jusqu'aux jeunes filles qui étaient sur le point de se marier, que si elles consentaient à recevoir la béné– diction nuptiale des prêtres jureurs, elles ne recevraient point le sacrement de l'Église; qu'elles seraient les concubines et non les femmes légitimes de leurs époux; que leurs enfants, lors du rétablissement de l'ordre, seraient déclarés bâtards.

« Les révolutionnaires opposèrent moyens à moyens, intrigues à intrigues (comme s'il y avait intrigue à défendre les intérêts de la religion!). Une foule de jeunes écrivains dévoués au parti composèrent des ouvrages à la portée du peuple, et propres à balancer l'impression que l'on craignait que fissent sur lui les mandements des évêques et les discours des partisans du clergé. On s'efforçait, dans ces écrits, d'avilir le sacerdoce et même la religion; car les révolutionnaires, décidés à vaincre tous les obstacles, du moment qu'ils reconnurent qu'ils ne pouvaient allier le christianisme avec la constitution, abjurèrent, dans le secret de leur une religion qui entravait leur marche.

cœur,

<< On distribua ces écrits à des hommes doués d'une voix sonore, et d'un talent pour la déclamation proportionné au grossier auditoire qui leur était destiné.

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