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du clergé dans l'affaire de la fusion des trois ordres, et craignaient d'autant plus une semblable défection, qu'une multitude innombrable et mal intentionnée s'était emparée, dès le grand matin, de tous les abords de la salle, manifestant des dispositions haineuses qui lui avaient été inspirées par les discours violents de l'Assemblée nationale. On entendait sortir de cette foule des cris de sinistre présage, qui, un peu plus tard, devaient se traduire par des exécutions barbares : « Ces « scélérats de prêtres, disait-on, se présentent comme « des hommes qu'on dépouille, comme des apôtres « qu'on persécute; ils espèrent par là reprendre leur puissance, et surtout leurs biens, qu'ils devaient à << l'ignorance des peuples (1).

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Cette foule, comme il arrive toujours, était égarée et dupe des meneurs: elle ne comprenait guère que les biens de l'Église étaient le patrimoine des pauvres, et qu'on les avait yendus à leur détriment. Mais la haine contre le clergé avait été excitée par tous les moyens, même les plus vils. Outre les injures et les diatribes lancées du haut de la tribune nationale, on avait employé d'autres moyens perfides pour exaspérer le peuple contre les ecclésiastiques fidèles. Ainsi, en affichant sur les murs de Paris la loi qui obligeait au serment, on avait mis en tête : Déclarés perturbateurs du repos public les prétres qui ne préteront pas le serment. C'était les livrer à la fureur populaire. Mirabeau, soit par sentiment d'humanité, soit par peur d'une émeute, dénonça cette af

(1) Labaume, Hist. mon. et constit. de la Révol., t. V, p. 52. — Hist. parlem., t. IV, p. 337.

fiche à l'Assemblée, et en fit sentir les inconvénients. Bailly, maire de Paris, s'excusa en disant que cette affiche était une erreur de bureau; qu'il l'avait déjà fait arracher, pour la remplacer par une autre. Mais le mal était fait. Le peuple, qui avait lu cette affiche, s'en tenait à ses premières impressions. D'ailleurs, l'ancienne affiche était restée à côté de la nouvelle; le peuple la lisait encore. Les prêtres non jureurs étaient à ses yeux des ennemis de l'ordre public, coupables du crime de lèse-nation. Ce sont là les idées qui étaient sorties du sein de l'Assemblée nationale et qui s'étaient propagées parmi le peuple. Elles vont produire leur fruit (1).

La séance commença par une question d'une haute importance. Il s'agissait de savoir si on laisserait aux prêtres qui ne veulent pas prêter le serment, la faculté de s'expliquer et de motiver leur refus. L'affirmative ne devait pas souffrir la moindre difficulté. L'Assemblée avait accordé la liberté de parler à ceux qui s'étaient soumis, et elle ne pouvait pas la refuser à ceux à qui leur conscience ne permettait pas de se soumettre, sans montrer une partialité révoltante et sans commettre une grande injustice; car il s'agissait ici d'une affaire grave et personnelle, qui pouvait compromettre la vie du député. Or, dans toute assemblée publique, il est permis de s'expliquer sur une affaire personnelle jusque-là l'Assemblée n'avait refusé à personne cette liberté, qui, d'ailleurs, faisait partie de ses règlements. Puis, les prêtres qui n'avaient pas prêté le serment étaient accusés de vouloir troubler

(1) Moniteur, séance du 4 janvier 1791.

l'ordre public et d'être ennemis de la patrie : ils devaient donc avoir le droit de se justifier, droit qui n'est contesté ni refusé devant aucun tribunal. Eh bien, malgré toutes ces considérations, qui luttaient en faveur des ecclésiastiques, l'Assemblée décida, comme elle l'avait déjà fait deux jours auparavant pour l'évêque de Clermont, que le serment serait pur et simple, sans préambule, sans restriction et explication: exception odieuse, et indigne d'une grande assemblée.

La question avait été soulevée à l'occasion de deux curés, Thiriat et Perier. Le premier avait commencé par faire le serment selon la restriction de l'évêque de Clermont, qui exceptait les choses spirituelles; mais dès que l'Assemblée eut décidé que le serment serait pur et simple, il descendit précipitamment de la tribune sans prêter serment. Le second, Perier, n'était pas animé du même esprit : il prononça le serment selon la forme prescrite, et fut vivement applaudi (1).

Comme par le passé, si l'on refusait la parole à ceux qui ne se soumettaient pas, on accordait aux autres une entière liberté : on permettait de tromper et de séduire par d'astucieuses paroles, mais on ne permettait pas de rectifier l'erreur et de dissiper les illusions. L'abbé Thiriat, prêtre fidèle, n'a pu s'expliquer : on l'a réduit au silence, comme nous venons de le voir. L'abbé Grégoire, prêtre apostat, que son parti mettait toujours en avant; l'abbé Grégoire, qui était devenu l'ange séducteur et le chef de l'Église constitutionnelle, jouit d'une entière latitude; il peut parler tant qu'il veut, et en effet il ouvre les débats par un nouveau

(1) Moniteur, séance du 4 janvier 1791.

discours, où il cherche à prouver, comme il l'avait déjà fait le 27 décembre, que l'Assemblée n'a point touché aux choses purement spirituelles, qu'elle les regarde comme hors de sa compétence, et que pour ce motif le serment ne doit pas donner le moindre ombrage. Et, pour engager le clergé dans son parti, il prétend que l'Assemblée n'exige pas même un sentiment intérieur (1), et qu'on peut jurér d'obéir à une loi, tout en gardant son opinion. Cette morale singulière qui autorisait le parjure ayant excité des murmures, Mirabeau monta à la tribune pour lui donner plus de développement et de clarté (2).

Il était facile d'apercevoir le but de ces maximes: on voulait, à tout prix, faire entrer les prêtres retardataires dans l'Église constitutionnelle. << Faites le serment, disait-on; il ne s'étend pas aux choses spirituelles, l'Assemblée n'y a pas touché : ainsi il n'a pas de quoi effrayer vos consciences. D'ailleurs, vous pouvez jurer d'obéir extérieurement à la loi, et garder vos croyances catholiques. » C'est avec de pareils principes, qui répugnent à toute âme honnête, qu'on voulait vaincre la résistance des prêtres récalcitrants. Un seul se laissa séduire : ce fut l'abbé Choppier, je ne sais de quel diocèse. Il monta à la tribune, et prêta le serment non sans explications et commentaires, et fut couvert d'applaudissements. D'Éprémesnil voyant cette abjuration, et croyant sans doute qu'elle était l'effet de la séduction, s'écria que le discours de l'abbé Grégoire, développé par Mirabeau, était un monument de mau

(1) Moniteur, séance du 4 janvier 1791.

(2) Ibid. — Ferrières, Mémoires, t. II, p. 202.

mais on

vaise foi, un piége tendu à la simplicité de certains membres du clergé ; il demanda à le prouver, ne le laissa pas parler. L'abbé Maury, qui était du même avis, voulut aussi détruire l'effet produit par l'explication de Grégoire et de Mirabeau; mais à peine eut-il manifesté le but qui l'amenait à la tribune, qu'il fut accueilli par des menaces et des cris de fureur. Il avait beau vouloir se soutenir à la tribune, et s'écrier, Frappez, mais écoutez! on lui refusa la parole. Comme on le voit, on fermait la bouche à ceux qui voulaient défendre la religion, détruire l'erreur, montrer le piége tendu aux ecclésiastiques. Ce silence, si injustement imposé, souleva les plus vives réclamations du côté droit. Pourquoi avez-vous entendu, disait-on, l'explication de l'abbé Grégoire? Mirabeau, sans répondre à la question, s'attacha au principe de l'abbé Grégoire, et le confirma en disant que la puissance civile ne pouvait exiger que l'obéissance et la soumission extérieure à la loi, et que par conséquent l'Assemblée nationale laissait à chacun une entière liberté d'opinion et de conscience qui ne peut être ravie à personne : c'était toujours le même piége tendu aux ecclésiastiques. L'abbé Maury se leva pour répliquer, mais il n'obtint pas la parole. L'Assemblée, après ce premier orage, décida, sur la motion de Barnave, qu'on interpellerait les ecclésiastiques qui n'ont pas encore fait le serment; que chacun monterait, à son tour, à la tribune; et qu'on porterait au roi la liste de ceux qui ne l'auraient pas prêté, en le priant de les remplacer dans leurs fonctions (1).

(1) Moniteur, séance du 4 janvier 1791.

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