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lumières de la Foi. Ce peuple se montra docile à leurs le

çons.

Machoni et Yegros avaient apprivoisé les Lulles; Cavallero, exténué de lassitude, poursuivait son apostolat. De bourgade en bourgade et de Mission en Mission, il arrivait sur le territoire des Puizocas. Le 17 septembre 1711, il expire avec ses compagnons sous les coups de leurs macanas. Ce premier martyre n'était que le prélude de beaucoup d'autres. Le Père de Zéa prêchait le Christianisme aux Quiez, tandis que Yegros et le Frère Albert Roméro s'occupaient de convertir les Zamucos. Tout à coup ces derniers changent de disposition: hier ils paraissaient pleins de bonne volonté, aujourd'hui ils sont en révolte ouverte contre les Missionnaires. Les Missionnaires n'avaient pour eux que la force morale, le Frère Roméro et douze Néophytes sont massacrés. Vers la même époque, en 1717, les Pères de Arcé, de Blende, Sylva et Maco périssent sous le fer des Payaguas. Le sang des Jésuites pouvait monter à la tête des Catéchumènes non encore formés, on leur cachait ces meurtres, pour ne pas leur faire naître l'idée d'en commettre d'autres; on les accoutumait peu à peu au travail; mais la paresse native du sauvage ne se prêtait point à des labeurs dont il ne comprenait pas le but. Les Pères Yegros, Machoni et Montigo se firent laboureurs pour leur offrir l'exemple. Les Zamucos, après avoir tué le Frère Roméro, avaient pris la fuite; ils se croyaient à l'abri des vengeances du ciel et de la prédication des Jésuites. Les Pères d'Aguilar et Castanerez ne consentent pas à laisser cette désertion impunie. Ils savent que, dans ces natures légères, le souvenir du crime s'efface aussi vite que la trace du sang, et que, par une volonté plus tenace que leur insouciance, on parvient toujours à les dominer. D'Aguilar et Castanerez ont, ainsi que tous les Jésuites, fait cette expérience. Les Zamucos se vantent d'être pour jamais délivrés des Pères, au moment même ils en voient deux s'introduire sous leurs tentes. Entraînés par leur douceur, ils les suivent à la réduction de Saint-Raphaël, où ils reprirent avec bonheur les exercices des Catéchumènes.

Ce n'était plus de la part des Indiens, en guerre avec la civilisation, que les Jésuites avaient à redouter de nouveaux

désastres. Ces massacres partiels ne modifiaient point le plan tracé; le trépas de quelques-uns n'arrêtait point l'essor imprimé aux autres. Les réductions s'organisaient, et, sous la main des Pères, elles arrivaient à un haut degré de prospérité morale et matérielle. Néanmoins des événements politiques, des rivalités de personnes avaient apporté le trouble dans ces provinces jusqu'alors si paisibles. Don Diego de Los Reyes était gouverneur du Paraguay. Sa naissance ne répondait pas à la dignité dont le monarque l'honorait; il crut que, par l'indulgence et par l'équité, il désarmerait l'opposition. Il voulut être juste, il prit le parti du faible et de l'opprimé. Il froissait ainsi des cupidités, il dérangeait des calculs que les Missionnaires avaient souvent comprimés. Il osait faire emprisonner ceux qui cherchaient à affaiblir son pouvoir ou à dénaturer ses intentions. Los Reyes n'avait que sa conscience pour lui; tous les Européens lui étaient hostiles; la haine fit si rapidement marcher les choses, que le gouverneur se vit accusé, et qu'un membre de l'Audience royale de Charcas fut envoyé à l'Assomption pour informer. Il se nommait don Joseph de Antequera. Impétueux, dévoré d'ambition, toujours prêt à seconder une intrigue ou à l'ourdir, Antequera était aussi insatiable de fortune que d'autorité. De magistrat instructeur, il se fit juge; de juge, il s'improvisa gouverneur à la place de sa victime. Don Joseph avait été élevé par les Jésuites de la Plata et de Lima; mais il n'ignorait point que ses iniquités et son usurpation évoqueraient peu d'approbateurs dans la Compagnie; il savait même que Los Reyes s'était retiré sur le Parana, afin de se mettre en rapport, soit avec les Jésuites, soit avec les Réductions; il vint camper au delà du Tabiquari. Les Missionnaires virent une provocation dans cette démarche; toutefois, ils se gardèrent bien de témoigner de l'inquiétude, et, pour ne pas engager une lutte funeste, ils écrivirent à Antequera de prévenir ce malheur par une retraite volontaire. Le gouverneur, dont les pouvoirs n'étaient pas réguliers, craignit que les Néophytes ne prissent fait et cause en faveur de la loi violée. Les Pères François de Roblez et Antoine de Ribera conduisirent à son camp les alcades et les officiers des réductions; ils lui déclarèrent qu'au

cun mouvement militaire ne se ferait sans un ordre exprès du Roi.

Tranquille de ce côté, don Joseph s'occupe de réaliser ses plans. Il espère n'avoir rien à redouter des Néophytes; il va, pour donner plus de consistance à son projet, bannir de l'Assomption tous les Pères de la Société de Jésus. De là, il prétend occuper les réductions, et peut-être s'en déclarer le chef, après les avoir soustraites à la couronne d'Espagne. Par ce qui se passait à l'Assomption, les Missionnaires comprirent quels étaient les desseins d'Antequera ; ils résolurent de déjouer ses intrigues. Ce magistrat avait apporté la guerre civile, elle éclatait; Antequera la commence en calomniant les Jésuites. Il s'imagine qu'il doit les perdre, s'il veut triompher; il n'épargne rien pour arriver à son but. Mais les Jésuites avaient eu le temps de se prémunir contre une pareille agression; les Catéchumènes leur étaient aussi dévoués qu'au roi d'Espagne, et déjà le parti d'Antequera allait en s'affaiblissant; car chacun s'avouait que le Conseil royal des Indes ne tolérerait jamais de semblables abus.

Antequera se vit peu à peu abandonné par l'armée qu'il avait recrutée; sa voix prêcha la révolte, il succomba cependant; mais, à l'aspect de l'échafaud qui l'attend, cet homme, jusqu'alors si fier, n'ose pas rester sans amis, sans consolateurs; il a persécuté les Jésuites, il les appelle dans sa prison. Les Pères Thomas Cavero et Manuel de Galezan se rendent à sa prière: il se jette à leurs genoux, il témoigne un vif repentir des crimes que l'ambition lui fit commettre ; il demande même à s'entretenir avec plusieurs de ses anciens professeurs ou de ses condisciples, membres de la Société de Jésus. Cette réparation n'arrêtait point le mal que tant de passions mises en jeu enfantèrent. On avait abandonné le traître qui levait l'étendard de la rébellion; on plaignit, on admira le prétendu martyr de la liberté. Antequera avait rêvé qu'il travaillait à l'affranchissement du Paraguay; ses complices ou ses dupes ne pouvaient excuser leur lâcheté ou se faire pardonner leur désertion qu'en se disant victimes des Jésuites. Les exécutions d'Antequera et de Juan de Mena, alguazil major, réchauffèrent le parti qu'ils avaient formé. Ce fut le 5 juillet 1731 qu'Antequera expia ses

fautes par une mort tragique. Un mois après, la junte rebelle de l'Assomption proscrivit encore les disciples de Loyola, et l'évêque don Joseph Paloz écrivait au Père Jérôme Herran, provincial du Paraguay :

« Voici, mon Révérend Père, le plus malheureux jour de ma vie, et je regarde comme un miracle qu'il n'en ait point été le dernier. Je devais mourir de l'excès de ma douleur à la vue de mes très-chers Frères et de mes respectables Pères chassés par la Commune, dont je n'ai pu vaincre l'opiniâtreté par trois monitions consécutives de l'excommunication portée par la bulle In cœnâ Domini, et qui ont été faites à tous ceux qui conseillèrent, favorisèrent ou exécutèrent un crime si énorme, par l'interdit général et personnel que j'ai jeté sur la ville et sur toute la province, quoique l'on ait mis des soldats à la tour de ma cathédrale, et défendu, sous peine de la vie, de sonner les cloches. Au premier avis que j'eus de leur dessein, je fis avertir le Père recteur de fermer toutes les portes du collége, mais ces sacriléges les ont enfoncées et rompues à coups de hache. J'étais moi-même investi de soldats dans ma maison, sans avoir la liberté de me montrer à la porte, et j'aurais exposé mon caractère, si j'avais voulu suivre mon penchant, qui était d'accompagner mes chers Pères, de secouer la poussière de mes sandales et de laisser pour toujours ces excommuniés. »

L'autorité royale était méconnue comme celle de l'Église; l'insurrection allait faire de rapides progrès. Le vice roi du Pérou, marquis de Castel-Fuerte, convoque les principaux officiers de la couronne, et, le 24 juin 1732, le conseil prend la détermination de repousser la force par la force. Pour réaliser ce plan, des soldats braves et fidèles étaient nécessaires; le conseil s'adresse aux Jésuites des réductions; on lit dans son rapport : « Lecture faite de différentes pièces et papiers concernant les troubles de la province du Paraguay; après de mûres délibérations sur l'importance des événements, il a été résolu de prier Son Excellence d'enjoindre au Père provincial de la Compagnie de Jésus au Paraguay ou, en son absence, à celui qui gouverne les Missions de ladite province du Paraguay, de fournir promptement au seigneur don Bruno Maurice de Zavala ou à don Augustin de Ruiloba, gouverneur du Para

guay, le nombre d'Indiens Tapès et des autres peuplades, bien armés, qu'ils demanderont pour contraindre les rebelles à rentrer dans l'obéissance qu'ils doivent à Sa Majesté. »

Les Espagnols et les naturels du pays s'insurgeaient contre la métropole; le pouvoir ne trouvait d'autres moyens pour les dompter que de faire appel aux Néophytes. Le Père d'Aguilar, supérieur des réductions du Parana, se mit à la tête de sept mille Chrétiens; le Provincial ordonna de faire prendre les armes à toute la population. La révolte fut comprimée; mais cette victoire du bon droit leur coûta cher. Le service militaire les avait tenus éloignés de leurs travaux habituels, et la famine, traînant à sa suite toutes les maladies contagieuses, ne tarda pas à sévir dans les réductions.

Tandis que le gouverneur du Paraguay rétablissait dans les villes et dans les campagnes l'autorité dont tant de commotions successives avait ébranlé la base, les Guaycurus et les Mocobis mettent à profit les discordes du Paraguay; ils portent le ravage jusqu'au sein de la capitale. Il ne fallait plus combattre les séditieux, mais les préserver des désastres d'une invasion. Le gouverneur a recours aux milices des Catéchumènes; les Jésuites leur annoncent qu'ils doivent marcher à la défense de leurs frères épuisés par des luttes intestines; ces Chrétiens se dévouent encore au salut de tous. Ils repoussent les Guaycurus, ils battent les Mocobis, et, partout vainqueurs, ils rentrent sous la conduite des Pères dans les paroisses d'où ils ne sortaient que pour défendre la religion et la patrie commune.

Ces guerres, nées à la suite d'une révolution, n'avaient point comprimé l'élan des Missionnaires. La couronne d'Espagne sentit enfin que ce serait dans les réductions qu'elle trouverait ses plus fidèles sujets; elle excita les Pères à entreprendre de nouvelles courses. Pour accroître l'industrie des Néophytes et les ressources de la Mission, Philippe décida même qu'à l'avenir le Général de l'Ordre aurait la faculté d'envoyer au Paraguay un certain nombre de Jésuites non espagnols. La ville de Tarija était plus que jamais exposée aux insultes des Chiriguanes; le vice-roi projette de la délivrer en soumettant ces tribus, qui lui permettront ainsi de s'étendre dans le Chaco. L'intervention apostolique était plus efficace que les armées: le vice-roi de

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