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ils, de mettre en pratique l'ordonnance de Votre Sainteté. Ils ont connu que tous les Pères de la Société ne peuvent rien dans cette affaire, parce que l'Empire peut se passer d'eux, mais ne peut pas également se passer de ses lois fondamentales. Ils attestent que tant s'en faut que l'Empereur soit athée, comme on a osé l'assurer par la plus imprudente des calomnies; ils l'ont entendu raisonner d'une manière très-juste et très-exacte sur l'immortalité de l'âme, sur l'existence des Anges et sur l'essence et l'Unité du véritable Dieu. Ils avoueront qu'ils lui ont entendu dire qu'il adorait avec le plus profond respect le même Dieu qu'on adore en Europe, et que c'était de ce même Dieu qu'il avait reçu le trône sur lequel il était assis. Ils ont connu ses pieuses dispositions à l'égard du bois sacré de la Croix, qu'il a demandé à Monseigneur le Légat; et ils savent que, voulant rendre à ce pieux trésor, qu'il a obtenu, le respect qui lui est dû, il désire de tout son cœur d'être instruit du culte précis dont il faut honorer cet instrument de notre salut.

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» Qu'il me soit cependant permis de former ici, avec toute la modestie possible, quelques plaintes contre cet excellent Prélat. A quoi ont abouti toutes les connaissances qu'il avait acquises, et dont je viens de parler; puisqu'il a refusé d'appliquer aux maux qu'il connaissait le souverain remède qui était absolument nécessaire? Il a promis d'aller à Rome, d'y rapporter fidèlement ce qu'il avait vu et entendu; mais, en temporisant ainsi, les affaires dépérissent. Il demeure néanmoins; mais l'Empereur fait de nouvelles défenses, plus pressantes que les premières, d'exercer les fonctions apostoliques; les oppositions de la part des mandarins sont toujours les mêmes; la haine des Gentils contre les Missionnaires se fortifie de plus en plus, et les difficultés de la part des Chrétiens ne font que se multiplier. Plusieurs d'entre eux retournent en arrière, il ne s'en fait que très-peu de nouveaux; et on peut dire que la Mission est entre les bras de la mort, abandonnée aux prises avec elle. Monseigneur le Légat craint, il dit qu'il a les mains liées; il assure qu'il mettrait la Mission en état de remplir ses fonctions s'il croyait pouvoir le faire. Ce n'est donc que de Votre Sainteté, très-Saint-Père, que nous devons attendre notre salut; car ce

serait inutilement qu'on l'attendrait de tout autre que qui tiennent la place du Sauveur même.

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de ceux

>> Monseigneur le Légat priait l'Empereur d'avoir pitié des Missionnaires. Et pourquoi êtes-vous sans compassion vousmême pour mes sujets chinois ? lui répondit l'Empereur. Cette réponse de Sa Majesté fit couler les larmes de bien des gens; mais ces larmes furent inutiles et sans fruit. Mais celles que Votre Sainteté répandra, qui seront l'expression de votre tendresse et de votre compassion, auront plus d'effet : semblables à celles que Jésus-Christ répandit pour ressusciter le Lazare, elles produiront la vie et le salut. »

La mission pacificatrice de Mezzabarba, les concessions que, sur les lieux, il avait cru devoir faire en dehors du décret pontifical, concessions que, par la bulle Ex quo singulari, Benoît XIV annula en 1642, tout tendait à raviver les querelles. Le Légat autorisait ce que le Pape avait prohibé, on se retrancha derrière ce rempart inespéré; les Missionnaires reprirent les hostilités et leur apostolat. Le 20 décembre 1722, Kang-Hi mourut; le premier soin de Yong-Tching, son héritier, fut de proscrire de tout l'Empire les lois et le culte de l'Église catholique. Les Pères Parrenin, Gaubil, Maillac, Bouvet, Jartoux, Régis, du Tartre, Henderer, Domange, d'Entrecolles, Jacques Suarez, Kogler, Magailhens, Slavischek, de Rezende, Contancin, Chalier, Hervieu, Prémare, Staidlin et Porquet, qui, comme les autres Jesuites, étaient protégés par leur savoir, essaient d'adoucir les ordres de persécution; l'Empereur déclare que ces mesures rigoureuses lui sont imposées par les exigences des mandarins de ses provinces et par le peuple, qui croit sa religion en péril. Pendant dix ans, les disciples de Loyola, dont, ainsi que son père Kang-Hi, il respecte les talents, luttent pour faire casser les décrets d'intolérance; l'Empereur résiste à leurs supplications. Il a des princes de sa famille qui ont embrassé le Christianisme et qui ne transigent pas avec leur Foi-; il les exile, il les dépouille de leurs dignités, il les menace de la mort la plus cruelle. Les Néophytes de sang impérial acceptent, ainsi que les autres Catéchumènes, toutes les conséquences du principe chrétien, et, sans se plaindre, ils subissent la destinée qu'ils ont conquise. Les Missionnaires de

tous les Ordres sont relégués à Macao, les Jésuites seuls trouvent grâce aux yeux de Yong-Tching; mais ce n'est pas leur qualité de prêtres qui a suspendu sa colère. L'Empereur estime l'érudition, il aime la personne des Jésuites; ils dressent la carte géographique de la Chine; ils développent l'amour des sciences exactes; ils lui rendent d'importants services dans la législation et dans l'astronomie; ils sont ses négociateurs avec le czar Pierre Ier. Yong-Tching les comble d'honneurs en public; lui et ses mandarins mettent en secret toutes sortes d'entraves à leur ministère. Dans les villes principales, à Péking, à Canton, à Nankin, les Pères ont fondé des maisons pour recueillir les enfants chinois exposés. Ces enfants sont abandonnés par leurs familles, ils en rencontrent une dans la Compagnie de Jésus. La Compagnie les arrache à la mort, elles les élève, elle les instruit, et les Chinois, qui ne peuvent s'expliquer un pareil dévouement, se prennent à l'admirer, tout en laissant à la loi le soin de poursuivre une humanité qui accuse leur barbarie. Cette singulière position est ainsi appréciée par le Père Gaubil; le 6 octobre 1726 il mande de Péking, au Père Maignan, à Paris :

« Les Jésuites ont ici trois grandes églises; ils baptisent par an trois mille petits enfants exposés. Autant que je puis conjecturer par les confessions et les communions, il y a ici trois mille Chrétiens, qui fréquentent les Sacrements, et il y a bien quatre mille Chrétiennes. Dans ce nombre, il n'y a que quatre ou cinq petits mandarins, deux ou trois lettrés, le reste est composé de pauvres gens. Je ne sais pas bien le nombre des lettrés et des mandarins qui, étant Chrétiens, ne fréquentent pas les Sacrements, et je ne vois pas trop comment, dans ces circonstances, un mandarin ou un lettré peut le faire et observer les décrets de Notre Saint-Père le Pape. Les princes chrétiens dont vous avez su la ferveur et les malheurs, deux autres princes qui sont ici ont renoncé à leurs charges et à leurs emplois pour vivre en Chrétiens. Ainsi on ne baptise que de pauvres gens; les lettrés et gens en place qui voudraient se faire Chrétiens nous quittent dès que nous leur publions les décrets, même avec les permissions que laissa M. le patriarche Mezzabarba. L'Empereur n'aime pas la Religion; les grands et

les princes nous fuient par cette raison. Nous ne paraissons au palais que rarement. L'Empereur a besoin de nous pour le tribunal des mathématiques, pour les affaires des Voscovites et pour les instruments et autres choses qui viennent d'Europe. Il appréhende que, s'il nous chasse d'ici et de Canton, les marchands ne viennent plus à Canton; voilà pourquoi il nous souffre encore ici et à (anton, et nous fait même de temps en temps quelques grâces et honneurs extraordinaires. En un mot, nous lui sommes suspects, mille ennemis secrets lui parlent contre nous. Les disputes passées, les légations des deux patriarches, l'idée généralement répandue que nous n'avons point d'obéissance filiale, et que nous n'avons rien de fixe dans nos lois, tout cela rend aujourd'hui les Missionnaires méprisables; et si nous sommes dans cet état trois ou quatre ans de suite, c'en est fait, mon Révérend Père, la Religion est ici perdue, et perdue sans

ressource.

» Tandis que nous serons ici et à Canton on pourra secourir les Chrétiens de ces deux provinces. Dans les seules villes de Chang-Nan et de Song-Kiang il y a plus de cent mille Chrétiens, c'est dans la province de Nanking; ces Chrétiens font des efforts, et ils ont obtenu secrètement des mandarins de laisser encore deux ou trois Jésuites portugais : outre cela deux Jésuites-Prêtres chinois courent les chrétientés de Nanking. Les Pères Henderer, Porquet et Jacquemin soutiennent encore les chrétientés qu'ils ont dans le Tsiang-Lang, dans le Nanking et dans l'île de Tsim-Kim. Si ces Pères pourront long-temps les soutenir, c'est, mon Révérend Père, ce qu'il est difficile de savoir. Les chrétientés de Chamsi et Cherosi sont secourues par un Jésuite chinois et quatre Franciscains cachés, celles du Hou-Kang par un ecclésiastique chinois et un Jésuite portugais cachés, et nous y allons prendre des mesures sûres pour secou rir la belle Mission du Père Domange, Jésuite français, dans le Hou-Ang et le Hou-Kang. Les chrétientés de Kiang Si ont jusqu'ici été secourues. Cinq Dominicains sont cachés dans le FoKien. On espère pouvoir secourir les Chrétiens du Chang-Lang. Les chrétientés de Tartarie sont et seront sans secours, et on ne voit aucun jour pour y remédier. Les Propagandistes se disposent à secourir le Suen-Hoa. Mais, hélas! mon Révérend Père,

une seule accusation portée à l'Empereur contre un Missionnaire caché est capable de perdre tout; si on nous chasse de Péking, tout est perdu. Dans le Kang-Si, il n'y a que très-peu de Chrétiens. Dans le Yunnan et le Queih-Lan, il n'y a point de chrétientés formées. Je ne crois pas qu'en Chine et en Tartarie il y ait plus de trois cent mille Chrétiens. En Tartarie, il n'y en pas plus de cinq à six mille. Il est inutile de vous remplir le cœur d'amertume en vous assurant que, sans les disputes passées, il y aurait bien quatre à cinq millions de Chrétiens en Chine.

>> Les Jésuites français ont entrepris d'établir à Canton la bonne œuvre de baptiser les petits enfants exposés. Le Père du Bodin, saint Missionnaire, avance bien cette bonne œuvre, et je crois bien que, depuis deux ans, on a baptisé là deux mille cinq cents enfants qui sont allés au ciel. Sans la persécution on aurait établi cette bonne œuvre dans plusieurs grandes villes, et, dans peu d'années, on aurait envoyé par an dans le ciel plus de vingt mille petits enfants. »

Gaubil entre ici dans le détail des persécutions qui attendent les Missionnaires et leurs Néophytes, il proteste surtout contre les inculpations dont la Compagnie de Jésus est l'objet relativement aux cérémonies chinoises; puis il termine ainsi sa lettre : « Pardonnez-moi, mon Révérend Père, ces points mal digérés qu'une mauvaise plume écrit. J'ai mille choses à faire, et je suis accable de la plus vive douleur. Du reste, je suis plein de santé et de force. Outre le chinois, j'ai assez appris de tartare, et, avec un peu d'exercice, j'espère être utile de ce côté-là. Selon l'ordre de mes supérieurs, je communique à messieurs de l'Académie plusieurs observations astronomiques, et à d'autres savants ce que je trouve de plus curieux et de plus important dans l'histoire chinoise et dans la vieille astronomie de cette nation. Mais, dans le fond, je ne fais tout cela que par obéissance et à contre-cœur, et j'abandonne tout cela avec plaisir pour baptiser, confesser et communier, et surtout pour instruire les Fidèles et les Gentils. On fait peu de chose, mais il s'agit de se mettre en état de bien faire. »

C'était par obéissance, à contre-cœur, que le Jésuite correspondait avec l'Académie des sciences de Paris et celle de Pé

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