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vez envoyés, il y en a deux qui m'ont fait un plaisir singulier ce sont le supplément des Mémoires pour Rome et l'Histoire apologétique de la conduite des Jésuites de la Chine. Dans cette histoire, ce qui est dit à la page 6 me paraît bien digne de remarque; à savoir que les Mahométans, qui sont reconnus pour ennemis déclarés de l'idolâtrie, ne se montrent pas contraires aux cérémonies chinoises, et que, par un décret d'un Empereur de la Chine de l'an de Jésus-Christ 1384, il fit défendre d'accorder à Confucius les honneurs divins. J'ai vu aussi avec plaisir que l'Archevêque de Manille et l'Évêque de Zébut, qui avaient écrit au Pape contre les Jésuites du temps d'Urbain VIII, si je ne me trompe, avaient plus tard, lorsqu'ils furent mieux instruits des choses, écrit de nouveau pour retirer leurs plaintes.

» Mais le supplément nous donne des renseignements non moins curieux. Le récit de la conduite qu'a tenue à Péking le Cardinal, fait par un homme d'opinion contraire, et qui assurément n'est pas Jésuite, et cependant de grande autorité, présente beaucoup de vraisemblance. Je crois que l'Évêque de Conon lui-même ne peut pas nier que le Cardinal n'ait point agi avec assez de circonspection et de respect dans ses rapports avec l'Empereur de la Chine. Je regarde en outre les deux décrets impériaux comme d'un très-grand poids, et je ne vois pas comment on peut récuser son témoignage ainsi que celui des principaux de la nation, lorsqu'il s'agit de la valeur des mots. En admettant donc que jusqu'alors on y eût attaché communément un autre sens, toujours est-il évident que cela n'a plus lieu aujourd'hui, que l'Empereur a donné la signification propre des cérémonies et le sens qu'on doit y chercher. »

Les Jésuites en Chine pensaient comme le philosophe allemand; ils avaient conçu un plan hardi que l'unité d'action pouvait seule faire réussir; ils tentaient une réforme insensible et graduelle dans les habitudes les plus intimes de ces peuples; ils aspiraient à les régénérer sans violence, sans secousse, par la force même du principe chrétien. Des rivalités d'apostolat, des influences contradictoires se jetèrent à la traverse. La division se glissa parmi les Missionnaires, elle produisit dans le Céleste Empire de funestes conséquences; en Europe, elle fit

accuser l'Église universelle de s'engager dans une voie superstitieuse. L'Église, entre ces deux écueils, n'avait pas à hésiter elle devait courir les chances d'une ruine plus ou moins prochaine des Chrétientés chinoises, ou accepter le double scandale né de ces querelles. Elle sacrifia l'incertain, et, le 25 septembre 1710, Clément XI condamna quelques-unes des cérémonies que les Jésuites regardaient comme indifférentes. A Rome, on ne jugeait pas les choses du même point de vue qu'à l'éking. Le Général de la Société et les Pères de toutes les provinces, assemblés au mois de novembre 1711, se rendirent au Vatican pour protester, aux genoux de Clément, de leur inal érable fidélité au Saint-Siége, et, en présence du Pontife, Michel-Ange Tamburini termina ainsi la déclaration de l'Ordre de Jésus : « Si cependant il se trouvait à l'avenir quelqu'un parmi nous, en quelque endroit du monde que ce fût, ce qu'à Dieu ne plaise, qui eût d'autres sentiments, ou qui tînt un autre langage, car la prudence des hommes ne peut assez i prévenir ni empêcher de semblables événements dans. une si grande multitude de sujets, le Général déclare, assure et proteste au nom de la Compagnie, qu'elle le réprouve dès à présent et le répudie; qu'il est digne de châtiment, et ne peut être reconnu pour véritable et légitime enfant de la Compagnie de Jésus. >>

Rien n'était plus explicite que ces paroles. Les Missionnaires auraient dû les adopter comme règle de conduite; ils cherchèrent à éluder par des subtilités la décision pontificale. Elle ne blâmait que certaines pratiques; ils se crurent autorisés à ne pas rejeter les autres. Quoique attachés du fond des entrailles à la Chaire de saint Pierre, on sent à leur résistance qu'il leur en coûte de renoncer à ces Chrétientés que leurs sueurs ont fécondées; ils désobéissent plutôt dans la forme que dans le fond. C'était une condition de vie ou de mort, et ils n'osaient pas abandonner aux ténèbres de l'idolâtrie les peuples qu'ils avaient eu l'espérance de ramener à l'Unité catholique. Le Pape ne prononçait pas sur toutes les cérémonies: ils se rattachèrent à cette dernière branche de salut. Ils pensèrent que leurs écrits, que leurs larmes convaincraient ou fléchiraient le Saint-Siége. Il semblait leur entr'ouvrir une porte d'appel, ils

s'y précipitèrent à corps perdu. Ce combat entre l'obéissance et l'accomplissement d'un devoir impérieux a sans doute quelque chose de respectable; mais les Jésuites, en s'efforçant de faire triompher leurs idées, oublièrent trop qu'il eût été plus glorieux de donner au monde un exemple de soumission aveugle que de raisonner ainsi leur dévouement. Ils se trouvaient en face d'une autorité qui a droit de faire incliner toutes les intelligences, et qui trace aux volontés humaines des bornes qu'il ne faut jamais franchir; ils lui disputèrent pied à pied le terrain.

Cependant Kang-Hi, en prince habile, refusa de laisser éterniser ces discussions. Dès 1706 il avait enjoint à tous les Missionnaires de ne rien enseigner contre les coutumes chinoises. Les uns obéirent à ce décret, les autres refusèrent de s'y soumettre, et prirent le parti de se cacher tout en poursuivant l'œuvre de leur apostolat. L'Empereur avait des instincts catholiques: il était à même de comparer les vertus et la science des Missionnaires avec les vices et l'ignorance superstitieuse des Bonzes; mais il ne voulait pas sacrifier la paix de son royaume au Christianisme. Il se contenta de fermer les yeux et de vivre dans l'intimité des Jésuites. Ces derniers entrevoyaient des calamités prochaines; ils espéraient les conjurer; mais la mort du Cardinal de Tournon, les moyens dilatoires qu'ils ne cessaient de mettre en œuvre portèrent le Pape à frapper un coup décisif. Le 19 mars 1715 la bulle Ex illa die aplanissait toutes les difficultés, elle allait au-devant de tous les subterfuges, et, en imposant un serment solennel aux Missionnaires, elle les forçait de rompre avec les cérémonies chinoises. Les Jésuites savaient qu'en adhérant à la formule prescrite par Clément XI ils signaient la ruine de la nouvelle Église : ils ne reculèrent pas devant ce sacrifice. Ils furent héroïques d'obéissance après avoir épuisé tous les palliatifs. Mais, à une semblable distance, le Saint-Siége désirait se rendre un compte exact de la position: Ambroise de Mezzabarba fut nommé Légat dans le Céleste Empire. Ce titre et cette mission devaient inquiéter Kang-Hi. Personne n'osait ouvrir à l'envoyé pontifical la route de Péking; le Père Lauréati, visiteur de la Chine, prend sur lui d'affronter la colère impériale. A force d'adresse,

il obtint des mandarins de Canton de laisser passer Mezzabarba. Il le recommande au Père Joseph Pereyra, et le Nonce arrive dans la capitale. A cette nouvelle, Kang-Hi fait jeter dans les fers Lauréati et les mandarins qu'il a séduits. Mais le Légat demandait son audience: il fallait la lui accorder ce fut Joseph Pereyra qui le présenta à l'Empereur. Le 30 mars 1721 Lauréati écrivait au Pape, et ce document est d'un haut intérêt dans la question. Le Jésuite s'exprime ainsi : « J'ose paraître une seconde fois prosterné aux pieds de Votre Sainteté pour lui rendre compte de l'accomplissement de mes devoirs et de l'état actuel des Missions dans ce pays; compte dont Votre Sainteté est peut-être déjà instruite par le Père Gianpriamo, que l'Empereur a envoyé à Votre Sainteté par la voie de Russie.

» Après beaucoup de sollicitations de má part, les mandarins permirent à Monseigneur le Légat apostolique de partir de Canton et d'avancer vers Péking sans attendre le consentement de l'Empereur et n'ayant été interrogé que fort superficiellement sur le but de son voyage. C'est par un effet de la divine Providence que les choses se sont passées ainsi; car, si les questions et les réponses qui ont été faites à Péking eussent été faites à Canton, tout le monde convient que Monseigneur le Légat n'aurait jamais obtenu la permission d'entrer à Péking, et que les Missionnaires auraient reçu ordre de se retirer.

» Votre Légat, ayant été retenu auprès de Peking, n'oublia rien pour obtenir la permission de faire mettre à exécution les ordonnances apostoliques. Il fit les prières les plus instantes, il gémit beaucoup, il eut aussi beaucoup à souffrir, et il ne put rien obtenir, pas même par sa présence. Ses prières furent regardées comme un crime, ses larmes comme une injure et un mépris pour les lois et l'Empereur. S'il eût persévéré encore un jour à faire les mêmes demandes, ce jour aurait été le dernier pour la Mission. Nos Pères de Péking prièrent alors M. l'abbé Ripa de se joindre à eux pour aller tous ensemble chez l'Empereur, et le prier de concert de permettre que l'ordonnance de Votre Sainteté fût exécutée. M. l'abbé Ripa répondit, comme aurait répondu tout homme qui aurait connu le génie de cette cour, que cette démarche serait déplacée et ne convenait en

aucune façon, parce qu'il ne la croyait propre qu'à irriter l'Empereur de plus en plus. Outre cela, Sa Majesté avait absolument défendu à nos Pères de se mêler de cette affaire, prétendant qu'elle ne pouvait être terminée que par elle-même et Votre Sainteté.

» Monseigneur votre Légat, voyant enfin l'état déplorable des affaires, qu'une ruine entière et très-prochaine menaçait, se servit d'un expédient très-prudent: il commença par exposer devant l'Empereur les articles que Votre Sainteté avait la bonté de permettre, en l'assurant que tout ce qu'il pouvait faire de plus, c'était de retourner vers Votre Sainteté pour lui rendre compte de ce que Sa Majesté voudrait bien lui dire touchant la véritable signification des rites, et de ce qu'il avait vu lui-même de la ferme résolution où était Sa Majesté de les soutenir, promettant de revenir ensuite en Chine avec les dernières réponses de Votre Sainteté.

» Ce moyen, employé à propos par Monseigneur le Légat, fit changer tout à coup la face des affaires, et on rendit alors tant d'honneurs à Votre Sainteté et à Monseigneur le Légat, qu'on en fut étonné à la cour et dans l'Empire. La modestie ne me permet pas de parler des mouvements que les Jésuites se donnèrent pour procurer ces grands honneurs.

» Monseigneur le Légat et les Missionnaires de sa suite se sont convaincus qu'il n'était pas vrai, comme ils l'avaient cru, que l'Empereur ne prît aucun intérêt aux rites du pays. Ils l'ont entendu parler sur ce sujet de la manière la plus claire et la plus précise, d'un ton et dans des termes si forts et si absolus qu'il paraissait être dans une espèce de frémissement de tout le corps; disposition, pour ce prince, absolument opposée à cette gravité qu'on voit toujours en lui, et qui lui est naturelle. Ils ont connu qu'il n'était point vrai que les Chrétiens pussent vivre tranquillement dans la Chine sans se conformer aux rites du pays. Ils savent que cet obstacle arrête tout. Il y a actuellement neuf personnes du sang royal et plusieurs centaines d'hommes dans Péking qui désirent ardemment de recevoir le baptême, et un bien plus grand nombre encore qui voudraient s'approcher des Sacrements de Pénitence et d'Eucharistie; et ils n'osent le faire ni les uns ni les autres, parce qu'il leur est impossible, disent

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