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les excitations des Grecs schismatiques; mais les Pères ne se découragent pas : ils savent que la persécution les attend dans le succès, ils marchent toujours. Scio est catholique, ils rêvent de pénétrer dans les îles de Metelin et de Samos. Les musulmans détruisent le collége; un vice-consul français leur est donné comme protecteur. Les Pères Albertin, Cttaviani et Gorré succombent dans la lutte : ils sont remplacés par deux autres Jésuites, Antoine Grimaldi et Stanislas d'Andria. Leur maison a été mise à sac, les Pères en ouvrent deux autres où les enfants sont reçus sans distinction de culte et de patrie. Les uns travaillent à émanciper l'Orient par le Christianisme, les autres, comme le Père François Richard, s'élancent sur le mont Athos, tantôt pour y vérifier des observations scientifiques, tantôt pour étudier les vieux manuscrits ou appeler à l'unité les six mille moines qui, dans ces déserts, vivent de superstition et d'igno

rance.

Sous la protection de Louis XIV, qui sait faire honorer le drapeau de la France à tous ces peuples, le Père Braconnier a maintenu la Foi parmi les Chrétiens de Constantinople; il a pu même ramener à l'Église catholique le fameux comte Éméric Tékéli, ce héros que le Lutheranisme et l'ambition poussèrent dans les rangs de l'armée ottomane 1. Braconnier était missionnaire avant tout; mais son apostolat ne l'empêchait pas de chercher à instruire l'Europe, tout en évangélisant les Orientaux. Il détermine la position de l'ancienne Philippes, capitale de la Macédoine; puis, sur les lieux mêmes, le 29 janvier 1706, il établit une résidence à Thessalonique. Deux Jésuites, Vincent et Pipéri, l'accompagnent; pour les mettre à l'abri des insultes, le roi de France et son ambassadeur. le marquis de Fériol, leur ont accordé des brevets diplomatiques. Ils travaillent avec tant d'ardeur à la propagation de la Foi romaine et de l'archéologie, qu'ils ont bientôt visité toutes les Chrétientés voisines, et déchiffré les inscriptions gravées sur les vieux monuments contemporains d'Alexandre. Braconnier a entrepris une œuvre aussi difficile que périlleuse. Il est au milieu des Grecs, et leur prêche l'unité. Il a gagné l'estime de Michel Paléologue, l'un des adeptes de l'erreur; en 1709, Paléologue revient à 1 Relation manuscrite du Père Jean-Baptiste Souciet.

il

l'Église; il consacre une maison pour servir de lieu de prières et de collége aux familles que les Jésuites ont faites Catholiques. Elles étaient encore peu nombreuses; mais Braconnier, dont l'éloquence est presque aussi grande que la charité, ne connaissait pas d'obstacles. La contagion ne l'effrayait pas plus que les mauvais traitements. Le bâton des Turcs se levait souvent sur sa tête; ici on le frappait, là on le mutilait; le Père n'en continue pas moins son entreprise. La guerre et la peste déciment incessamment ces populations; les premiers soins du Jésuite sont pour ceux qui l'ont meurtri ou persécuté. Il est au bagne des esclaves encore plus souvent que dans la demeure des riches, et lorsqu'en 1716 la mort couronna une vie si pleine de travaux, la Mission de Thessalonique n'avait plus besoin que d'ouvriers. Les Pères Souciet, Tarillon et Gresset lui succédèrent.

La Société de Jésus avait en Orient une multitude de résidences, dont les principales étaient à Constantinopie, Smyrne, Thessalonique, Scio, Naxos, Sidon, Eubée, Trébizonde, Santorin et Damas, l'œil de l'Orient, ainsi que Julien surnommait cette ville. De là, ils se dispersaient dans le Levant et portaient partout les lumières de l'Évangile. La conviction ne se faisait jamais jour dans les âmes qu'après de pénibles discussions. Ils n'avaient point, dans ces climats, de sauvages à dompter et de tribus barbares à conduire peu à peu à la civilisation. Le Schismatique grec et l'Arménien ne se laissaient pas facilement convaincre; depuis de longs siècles, ils professaient leur culte, ils en avaient sucé avec le lait les erreurs et les préjugés. Enfants dégénérés d'un grand peuple, ils vivaient en mendiants orgueilleux sur une gloire qu'ils ne pouvaient raviver, et au milieu des débris de la Grèce, dont ils ne comprenaient ni la poésie ni les splendeurs mortes. C'était cette opiniâtreté qu'il importait de déraciner. Les Jésuites se firent une loi de la patience; et, dans une lettre du Père Tarillon au comte de Pontchartrain, le Missionnaire explique au secrétaire d'État la marche adoptée. « Quant au rit grec, qui en soi n'a rien de mauvais, écrit-il en 1713, nous n'obligeons personne à le quitter pour passer au latin. Lorsqu'il se trouve des curés ou autres ecclésiastiques qui errent dans quelques articles de la Foi, les Orthodoxes ont sur ce'a les règles du Saint-Siége, selon lesquelles ils peuvent com

muniquer avec eux en ce qu'ils ont de bon et d'utile, et doivent constamment rejeter le reste. C'est sur ces règles que nous nous conduisons et que nous conduisons les autres. Ceux qui refusent de s'y conformer ne reçoivent de nous aucune absolution; nous ne les excluons pas pourtant des églises latines, quand il viennent implorer le secours de Dieu, nous proposer leurs difficultés et prendre l'estime et le goût de nos cérémonies. Cette condescendance gagne les esprits, et nous avons l'expérience que c'est la voie la plus efficace pour les faire rentrer dans le sein de l'Église. »

La dialectique du controversiste remplaçait donc l'entraînement du missionnaire; les éclats de l'enthousiasme s'effaçaient dans ces luttes incessantes; il fallait être armé de démonstrations et de syllogismes historiques pour réduire au silence ces esprits de rhéteurs toujours amants de la dispute. La position était ainsi faité aux Jésuites, ils l'acceptèrent. Pour rapprocher les Grecs de l'Unité, plusieurs Missions furent établies dans l'Archipel; les îles de Siphanto, de Serpho, de Therasia et de Paros en recueillirent les premiers bienfaits. Les Jésuites apprenaient à ces insulaires le secret de la charité; puis, dans le même temps, ils développaient en Syrie l'œuvre de leurs devanciers. Le champ était immense; ils avaient d'abord à conserver dans la Foi les Catholiques; ils devaient ensuite agir sur des Maronites, des Arméniens, des Chaldéens et des Coptes, qui pratiquaient leur religion en payant tribut à la SublimePorte. Ces différents cultes avaient leurs Patriarches, leurs Évêques, leurs Prêtres; à chaque pas ils suscitaient des obstacles aux Missionnaires. Il était humainement impossible de vaincre toutes les répugnances; les Jésuites ne se roidirent pas contre la difficulté, ils essayèrent de la tourner. Les Grecs euxmêmes les regardaient comme les seuls instituteurs de la jeunesse; ils leur envoyaient les enfants à élever avec ceux des Européens et des Arméniens. La Compagnie de Jésus sentit que l'éducation devait, dans un temps donné, accomplir sur les générations naissantes le changement que les hommes faits n'acceptaient qu'individuellement. A Tripoli et à Damas, ils se placèrent ainsi en embuscade contre le schisme. En 1717, leur Mission grandissait: et les patriarches d'Alep et d'Alexandrie,

convaincus de la suprématie du Pontife romain, ne craignirent pas d'adresser à Clément XI leur profession d'orthodoxie.

Six années s'étaient écoulées depuis ce jour; l'exemple des deux Patriarches avait ébranlé les convictions et décidé un certain nombre de Chrétiens à saluer la Chaire apostolique comme la règle de leur foi, lorsque les Patriarches de Constantinople, de Jérusalem, d'Antioche et de Damas se réunirent en synode, afin d'arrêter l'élan vers le Catholicisme. La désertion se mettait dans leur troupeau; les pasteurs en confièrent la garde aux janissaires du sérail. A force d'argent, ils obtinrent du GrandSeigneur des ordres de persécution que la France alors ne pouvait pas conjurer; car la régence de Philippe avait affaibli son ascendant. L'édit rendu à la prière du synode défendait aux Chrétiens d'embrasser la Religion catholique, il enjoignait à ceux qui déjà s'unissaient à la communion romaine d'y renoncer sur-le-champ, et il était interdit aux Jésuites de communiquer avec les Grecs, les Arméniens et les Syriens, sous prétexte de les instruire. Les Jésuites n'abandonnèrent pas la partie; on emprisonnait, on menaçait de mort les Patriarches et les Orientaux catholiques; ils crurent qu'il leur appartenait de conjurer la tempête que l'or des Schismatiques soulevait. Le consul de France à Alep recule devant une généreuse initiative, les Pères de l'Institut s'adressent au marquis de Bonnac, ambassadeur de Louis XV. Bonnac menace, il invoque le nom de la France, et les Jésuites peuvent en toute sécurité se livrer à leurs travaux.

Une autre Mission avait été formée à Antourah; elle se propageait sur le Liban, lorsque, le 30 septembre 1736, un synode s'assemble dans la montagne. Trois évêques catholiques et quatorze maronites, conduits par leur Patriarche, viennent avec l'élite de la noblesse du pays traiter de leur réunion à l'Église sous la présidence de Joseph Assemani, ablégat du Saint-Siége. Les Jésuites étaient les promoteurs de cette assemblée ; les Chrétiens du Liban en recueillirent les fruits, car, à la demande des Pères, douze femmes pieuses furent autorisées à créer, près d'Antourah, un couvent de la Visitation, destiné à recevoir ou à élever les veuves et les filles des Catholiques. Le Père Fromage, supérieur de la Mission d'Alep, dont le mérite était si honoré dans la montagne, ne consentit pas à perdre les avan

tages que ce synode devait procurer De concert avec les Pères Venturi, de Busly et le Frère Richard, il établit des Congrégations chez les Arméniens, les Grecs et les Maronites. Ces institutions de jeunes gens aidaient au développement de la Foi; elles acclimataient l'Europe au sein du Liban.

En 1682, les Pères Longeau et Pothier, chargés des riches présents que Louis XIV adressait au Schah de Perse, se mettent en route pour suivre le plan que le Père Alexandre de Rhodes a tracé. Ils sont les ambassadeurs du grand Roi, la Perse les accueille avec respect. Il y avait déjà des Jésuites à Ispahan et à Chamakhi; le prince en autorise un nouvel établissement à Érivan. Leur ambition du salut des âmes ne se contente pas de ces résidences, dans lesquelles il faut commencer par se dévouer à toutes les misères; une autre est obtenue pour eux à Erzerum; les Pères Roche et Beauvollier en prennent possession. Comme à Érivan, ils meurent de la peste ou sous le fer des fanatiques; mais le Dieu que, du fond de l'Europe, ils accourent prêcher, trouve des adorateurs; mais leur sang versé, leur vie consacrée aux pauvres, sont un excitant pour les Jésuites. Vingt-cinq ans après, ces Missions, ouvertes sous de si funestes auspices, comptaient chacune plus de cent mille Fidèles. La Perse était affaiblie, un grand homme paraît à sa tête ; tout à coup elle se révèle la plus puissante des nations. SchahNodir, dont le nom de Thamas-Kouli-Kan a immortalisé les exploits, venait d'usurper le trône, et, dans sa soif de conquêtes, il poussait ses armées sur l'Indostan. La dévastation et l'incendie étaient les compagnes de sa gloire militaire. L'Alexandre de la barbarie ne connaissait pas d'autres raisons que le fer et le feu. Les Jésuites se glissèrent sous sa tente, et, en face de co guerrier au caractère indomptable, à la taille athlétique, à l'esprit plein de cruauté et d'élévation, les hommes de paix ne se sentirent point intimidés. Les Schismatiques demandaient à Kouli-Kan de disperser les bergers et le troupeau orthodoxes; les Jésuites lui font comprendre qu'il est placé trop haut pour ne pas avoir des idées de justice. Kouli-Kan, qui a porté ses armes victorieuses par toutes les Indes, rend hommage au Christ que les Jésuites annoncent; il publie un édit par lequel la liberté de prêcher leur est accordée; mais ce terrible Schal

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