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CARPENTIER

AMBORIAD

v.5

DE LA

COMPAGNIE DE JÉSUS.

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CHAPITRE PREMIER.

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Le Père

Différence des Missions d'Orient d'avec celles des deux Amériques. Resteau en Palestine. Résidence à Andrinople. La peste et les Jésuites. Le Père Cachod et les bagnes de Constantinople. - Le Père Richard au mont Athos. Le Père Braconnier et le co nte Tékéli. - Braconnier à Thessalonique. Travaux des Jésuites en Orient. Lettre du Père Tarillon au comte de Pontchartrain. Les Jésuites et les Arméniens. - Les Maronites et les Coptes. -Les patriarches de l'Eglise grecque se réunissent en concile pour s'opposer aux progrès du Catholicisme par les Jésuites. - Assemblée des Maronites dans le Liban, en faveur des Missionnaires. Les Pères Longeau et Pothier en Perse.Heureux effets de la mission de Perse. -- Thamas Kouli-Kan et le Frère Bazin. - Le Pere Duban en Crimée. Ses travaux. Le Père Sicard en Egypte. Ses courses apostoliques. - Ses découvertes scientifiques Sicard se dévoue pour les pestiférés du Caire. Sa mort. Les Jésuites en Abyssinie. -Guerres de religion. -Situation de l'Abyssinie et de l'Ethiopie. Le Sultan Seghed II et les Catholiques. Persécution contre les Jésuites. Lettre de Sela-Christos, oncie de l'empereur, aux princes et aux peuples catholiques. Les Pères Brèvedent et Du Bernat. - Le Thibet et les Pères Désidéri et Freyre. Leurs fatigues et leurs dangers. Le Père Sanvitores aux iles Mariannes. Son zèle et son martyre. Guerrero, archevêque de Manille, rétracte ses mandements contre les Missionnaires de la Compagnie. - L'empereur du Mogol se fait leur ennemi. Les Jésuites médiateurs entre les marchands anglais et hollandais d'Agrah et de Surate. Les Jésuites poursuivis en Cochinchine. Ils entrent dans le royaume de Siam. Le Père Margici et le grand-vizir de Siam, Constance Phaulkon.- Ambassade de Louis XIV à Siam. - Les Pères de Fontanay, Tachard, Bouvet, Gerbillon, Lecomte et Visdelou. - Mission religieuse et scientifique de ces Pères. L'Académie des sciences et les Jésuites. Le roi de Siam et ses dispositions. - Révolution à Siam. - Mort de Constance. Politique de Louis XIV développée par les Missions. — Il en crée à Pondichéry et dans l'Indostan. Les Jésuites au Maduré. - Le Père Beschi, grand-viramamouni. Son luxe et ses travaux. — Le Père Bouchet dans les Missions. Elles s'étendent partout. -Les Jésuites brahmes et pariahs. Leur plan pour réunir les castes divisées. - Guerre des Français et des Anglais dans l'Inde. Difficultés ecclésiastiques sur les rites malabares. En quoi consistaient ces difficultés. - Légation du patriarche Maillard de Tournon à Pondichéry. Deux Jésuites l'aident à résoudre les cas épineux. - Pénible situation des Jésuites entre l'obéissance au Légat et leurs convictions sur les rites malabares.- Tournon arrive en Chine.- L'empereur Kanz-Hi protége les Catholiques. -Son amitié pour les Jésuites. Le Père Verbiest, président des mathématiques. Le Pape Clément XI et Louis XIV favorisent les Missionnaires chinois. Verbiest fond des canons par ordre de l'empereur. - Les Pères français suspects aux Portugais. Les Pères Gerbillon et Pereyra, ambassadeurs en Russie. - L'empereur revêt Gerbillon de son costume impérial. - Les Frères Rhodes et Frapperie, médecins de Kang-Hi. - Le Père Bouvet, envoyé de Chine à Paris. Le Père de Goville missionnaire, et les Jésuites

V.

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astronomes ou géographes. - Discussions sur les cérémonies chinoises. - Point de départ des deux partis. Différence entre les croyances des grands et du peuple en Chine. — Proposition des Jésuites au Pape de s'en rapporter à l'empereur. -Tournon arrive à Péking par l'entremise des Jésuites. Kang-Hi s'inquiète de ce voyage et des difficultés religieuses qu'il provoque. Mandement du Légat, qui proscrit les cérémonies chinoises du culte catholique. Colère de l'empereur. Tournon livré aux Portugais, ses ennemis. Il est emprisonné à Macao. Il meurt. Accusations contre les Jésuites. Leurs fautes et leur désobéissance aux ordres du Saint-Siége -Mort du Père Gerbillon. Le Père Parrenin. - Opinion de Leibnitz sur la politique des Jésuites dans l'affaire des cérémonies. Commencement de la persécution. - Légation de Mezzabarba. Les Jésuites la favorisent. - Le Père Lauréati facilite son arrivée à Péking. Mort de Kang-Hi. Yong-Tching, son successeur, cède à la violence des mandarins et des bonzes contre le Christianisme. Les Jésuites sont, à cause de leur science, exceptés des mesures de proscription. Le Père Gaubil et les enfants exposés. Jugement d'Abel de Rémusat sur Gaubil. Le Père Parrenis grand-mandarin. - Il est choisi pour médiateur entre les Busses et les Chinois. Travaux de Bouvet, de Parrenin et de Gaubil. Les Freres Castiglione et Attiret peintres de l'empereur. Mort de Parrenin.Les Bulles de Benoît XIV mettent fin aux discussions. - Soumission de tous les Jésuites. Décadence de la Chrétienté chinoise.

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Les Missions d'Orient n'offraient pas, comme celles des deux Amériques, l'attrait de la nouveauté et le contact de ces populations vierges que la voix des Jésuites entraînait de la barbarie à la civilisation. Dans le Levant, c'était un monde peu à peu dégradé qu'il fallait reconstituer; mais ce monde avait de vagues souvenirs de son ancienne splendeur, des préjugés enracinés, qui, pour lui, remplaçaient la liberté et le Christianisme. Sous le sabre des Ottomans, il courbait la tête en essayant de se faire un bouclier de sa duplicité. Dans ce climat brûlant, où la peste et des fièvres pernicieuses semblaient se naturaliser, les Jésuites avaient poursuivi l'œuvre de réparation; leur sainte opiniâtreté triomphait à la fin de l'apathie des Grecs schismatiques et du fatalisme des Turcs. Souvent la mort interrompait leur carrière à peine commencée; ce trépas prématuré, loin de la patrie et de la famille, sur une terre désolée, fut un dernier stimulant pour les Pères. Dans l'année 1673, Nicolas de Caulmont et François Richard expirèrent pleins de jours, l'un à Saïde, l'autre à Négrepont. En 1684, Antoine Resteau, le missionnaire de la Palestine, périt au pied même du Calvaire, en se dévouant pour les pestiférés. Le marquis de Châteauneuf, ambassadeur de Louis XIV, a compris quel puissant levier la Religion mettait aux mains de la France dans l'Orient dégénéré. Il veut le faire mouvor, ct les Jésuites, en 1680, fondent une Mission à Andrinople, dans la résidence habituelle du Sultan. Les travaux et les maladies contractées au service des pauvres ou des esclaves

eurent bientôt emporté les disciples de l'Institut de Loyola. Un seul leur survivait, c'était le Père Pierre Bernard; il disparut à son tour. Les prêtres arméniens eurent des larmes et des prières à verser pendant sept jours sur ce tombeau, puis toute la nation écrivit1 à ses frères de Constantinople:

« Dieu soit béni de ce qu'il a frappé notre tête et de ce qu'il nous a laissés sans yeux et sans lumière. Nous n'avions qu'un pasteur, et il a plu à Dieu de nous l'enlever; nous n'avions qu'un vigneron, et nous l'avons perdu. Nous sommes des orphelins abandonnés à la fureur des Hérétiques, contre lesquels notre ange et notre apôtre, le feu Père Bernard, nous défendait. Peut-être les eût-il convertis, s'il eût vécu plus long-temps, car nul de notre nation ne pouvait résister à la douceur et à la force de son zèle, qui le faisait travailler infatigablement pour nous; mais il est dans le ciel, et il ne nous oubliera pas. »

Pierre Bernard ne fut pas le dernier Jésuite martyr de sa charité dans le Levant 2. C'était un tribut que chaque année ils payaient à la mort; ce tribut n'arrêta jamais leur course. Il y avait au bagne du Grand-Seigneur de nombreux Chrétiens dont il fallait soutenir la foi, afin de leur rendre moins affreuse leur misérable condition. Ce fut le privilége exclusif des Jésuites, celui qu'ils réclamèrent toujours avec les plus vives instances. Dans cette enceinte, où toutes les calamités découlaient de la

1 Relation adressée au Clergé de France assemblé en 1695, p. 105.

2 Dans le cimetière public de Constantinople, sur la pierre tumulaire qui recouvre les restes des Pères de la Compagnie de Jésus morts au service des pestiférés, on lit l'inscription suivante, qui serait beaucoup plus longue si on eût réuni dans la même tombe tous les missionnaires frappés par le fléau.

† IHS

HIC IACENT

PATRES SOCIETATIS IESU

PESTE INTEREMPTI.

P. LUDOVICUS CHIZOLA, MDLXXXV.

P. CAROLUS GOBIN, 1612.

P. LUDOVICUS GRANGIER, 1615.

P. FRANCISCUS MARTIN, 1662.

P. NICOLAUS DE STE-GENEVIÈVE, 1680.

P. PETRUS BERNARD, 1685.

P. NICOLAUS VABOIS, 1686.

P. HENRICUS VANDERMAN, 1696.

P. JACOBUS CACHOD, 1719.

P. FRANCISCUS RANGEART, 1726.

P. MARCUS CHAROT, 1751.

P. ANSELMUS BAYLE, 1726.

P. PETRUS CLERGET, 1756.

servitude, la première de toutes, ils ne trouvaient à remplir que de pénibles devoirs ; ils ne se mettaient en contact qu'avec les maux du corps et de l'âme. Ils se condamnaient à toutes les souffrances pour adoucir celles des esclaves; ils les suivaient dans leurs rudes travaux ou sur les galères ottomanes; ils mendiaient pour les soulager; ils mouraient pour les encourager à supporter la vie. Ce dévouement était de tous les jours et de toutes les heures; et, dans l'année 1707, le Père Jacques Cachod, l'un de ces héros dont l'histoire dédaigne la sublimité ignorée, écrivait de Constantinople: « Maintenant je me suis mis au-dessus de toutes les craintes que donnent les maladies contagieuses, et, s'il plaît à Dieu, je ne mourrai plus de ce mal après les hasards que je viens de courir. Je sors du bagne, où j'ai donné les derniers sacrements et fermé les yeux à quatrevingt-dix personnes, les seules qui soient mortes en trois semaines dans ce lieu si décrié, pendant qu'à la ville et au grand air les hommes mouraient à milliers. Durant le jour, je n'étais, ce me semble, étonné de rien; il n'y avait que la nuit, pendant le peu de sommeil qu'on me laissait prendre, que je me sentais. l'esprit tout rempli d'idées effrayantes. Le plus grand péril que j'aie couru et que je courrai peut-être de ma vie, a été à fond de cale d'une sultane de quatre-vingt-deux canons. Les esclaves, de concert avec les gardiens, m'y avaient fait entrer sur le soir pour les confesser toute la nuit et leur dire la messe de grand matin. Nous fûmes enfermés à double cadenas, comme c'est la coutume. De cinquante-deux esclaves que je confessai et communiai, douze étaient malades et trois moururent avant que je fusse sorti. Jugez quel air je pouvais respirer dans ce lieu renfermé et sans la moindre ouverture. Dieu qui, par sa bonté, m'a sauvé de ce pas-là, me sauvera de bien d'autres. »

Douze ans plus tard, en 1719, Jacques Cachod, que les esclaves surnommaient leur père, périt au milieu de ces douleurs qu'il a tant de fois soulagées; d'autres Jésuites lui succédèrent. A Scio, ils ont créé un collége où ils forment à la vertu et à l'étude des belles-lettres plus de trois cents élèves. La Mission a tellement prospéré qu'en 1695 onze Jésuites indigènes gouvernent cette Chrétienté, dépassant le chiffre de quatre-vingt mille. Ils sont en butte aux avanies des Turcs, qu'alimentent

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