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la tempête éclata. Les Pères Arnedo, Belmonte, Pélisson et Condonné se trouvent en butte aux outrages des Païens. Les idoles ont été brisées pendant une nuit, et leurs prêtres accusent les Jésuites d'un crime que, dans les jours les plus heureux, ils ne songèrent pas à commettre. Il faut fouler aux pieds l'image du Sauveur mourant sur la croix ou expirer dans les tourments. Là encore le martyre est l'unique consolation des Missionnaires; Joseph Condonné, l'un d'eux, périt dans les cachots; les autres, captifs ou errants de retraite en retraite, soutinrent l'ardeur des néophytes. Ils succombèrent à la peine; mais de nouveaux Jésuites accoururent pour prendre leur place. Dix avaient perdu la vie dans ces combats de la Foi; vingt se présentent sous la conduite des Pères Moleyzo, Kofler, Laurezzo et Monteiro.

Jusqu'à l'année 1630, les Jésuites n'avaient fait que des excursions passagères dans le royaume de Siam. A cette époque, les Pères Morejonio, Cardin et Ninscio y pénétrèrent comme envoyés du gouverneur des Philippines, chargés du rachat des Chrétiens esclaves. Le Roi savait que les Missionnaires d'Occident possédaient le secret d'une vie plus fortunée et des dictames pour tous les maux du corps et de l'esprit. En témoignage de sa bienveillance, il délivra, sans rançon, les Espagnols, et voulut conserver auprès de lui deux de ces hommes apostoliques, dont la renommée retentissait jusqu'au pied de son trône. Les Jésuites profitèrent de l'affection du Prince, et le Père Margici vint à leur aide. Des néophytes se formèrent ; on commença à élever des églises, à travailler à l'éducation de la jeunesse. Le Christianisme s'établissait sans lutte sur les rives fécondes du Meinan, lorsqu'un corsaire espagnol attaqua et brûla un navire du Roi, chargé des plus riches marchandises. Le corsaire sortait des Philippines, on accusa les Missionnaires d'être d'intelligence avec lui: les esprits s'enflamment; le Père Margici est jeté dans un cachot, il y meurt empoisonné. Quelques années plus tard la Religion et les Jésuites rentraient triomphants à Siam, sous les auspices de Louis XIV et des belles-lettres.

Un aventurier de l'île de Céphalonie, nommé Constance Phaulkon, gouvernait les États du roi de Siam, sous le titre

de vizir. Dans une cour si féconde en révolutions de palais, Constance, schismatique grec converti par un Père de l'Institut, cherche à donner à son autorité un appui extérieur. Catholique fervent, il engage le monarque siamois à faire alliance avec le grand roi d'Occident; et deux ambassadeurs, chargés de présents, se dirigent vers la France, afin de proposer, au nom de leur maître, un traité de commerce et une espérance de Christianisme. Cette ambassade extraordinaire, partie du fond de l'Orient pour saluer Louis XIV, périt dans la traversée; mais l'idée flattait ses goûts d'ostentation, elle entrait dans ses vues de propagation catholique et française. Il saisit avidement les ouvertures de Constance, et il se décida à répondre aux avances qui lui étaient faites.

Le 28 janvier 1685, le Roi, par un décret contresigné Colbert, accordait à six Jésuites le titre de ses mathématiciens à la Chine et aux Indes; ces six Jésuites étaient les Pères de Fontaney, Tachard, Lecomte, Bouvet, Gerbillon et Visdelou. L'ordonnance nominative pour chacun des Missionnaires contenait la déclaration suivante: « Étant bien aise de contribuer de notre part à tout ce qui peut de plus en plus établir la sûreté de la navigation et perfectionner les sciences et les arts, nous avons cru que, pour y parvenir plus sûrement, il étoit nécessaire d'envoyer dans les Indes et à la Chine quelques personnes savantes et capables de faire des observations d'Europe; et jugeant que, pour cet effet, nous ne pouvions faire un meilleur choix que du Père de Fontaney, Jésuite, par la connoissance particulière que nous avons de son extraordinaire capacité, à ces causes et autres à ce nous mouvans, de notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, avons ledit Père de Fontaney ordonné et établi et par ces présentes, signées de notre main, ordonnons et établissons notre mathématicien. »

Les cinq autres Jésuites reçurent un acte semblable. Ils allaient, au nom de la religion et de l'humanité, répandre le germe de l'Évangile sur des terres inconnues, et étudier sous d'autres cieux les rapports de l'homme et de la nature. L'Académie des sciences désira, elle aussi, faire honneur à ces humbles Missionnaires; elle les admit dans son sein; elle les pria de songer au perfectionnement des arts, de recueillir les

- observations astronomiques, de déterminer les longitudes, d'approfondir et de lever plusieurs difficultés, alors insolubles, sur la géométrie, la physique, l'anatomie et les plantes. Chaque savant fit d'un de ces six Jésuites le délégué de ses études particulières. Les uns leur donnèrent à examiner dans les Indes les éclipses de soleil et de lune, les autres les chargèrent de faire des expériences sur le vide; tous sollicitèrent d'eux des renseignements sur les arts utiles. L'Académie se scindait; les six Jésuites partaient pour les Indes, les autres membres restaient à Paris; mais il fut convenu que, de loin comme de près, ils seraient frères par la science, comme ils l'étaient déjà par la patrie et par le culte. Les Jésuites s'embarquèrent à Brest avec le chevalier de Chaumont, nommé ambassadeur à Siam; le 22 septembre 1686, ils mouillaient dans le Meinan.

Cette mission devait avoir pour eux quelque chose d'insolite, ils n'avaient aucun péril à affronter. Sous la protection d'un roi dont le nom retentissait glorieusement dans l'univers, ils marchaient à la conquête d'un peuple que son souverain semblait d'avance destiner à la religion des savants d'Europe; mais le luxe diplomatique et guerrier dont ils étaient entourés dépouillait leur apostolat de son prestige. Les souffrances et le martyre ne se trouvaient pas suspendus sur leurs têtes; les Jésuites se conformèrent à la position qui leur était faite. Le roi de Siam les comblait d'honneurs ; il les fit admettre à voir l'éléphant blanc, qui, comme le cheval-consul de Caligula, était servi dans des vases d'or; ils visitèrent la riche pagode et tous les monuments; puis le prince, qui vénérait les astronomes et les mathématiciens, leur demanda douze autres Jésuites, afin d'ériger dans ses États un observatoire comme ceux de Paris et de Pékin. La conversion du roi de Siam se traitait par plénipotentiaires; les enfants de Loyola s'occupèrent des intérêts de la science, bien persuadés que c'était le chemin le plus direct pour ébranler les croyances païennes. Ils firent devant lui des observations astronomiques; et le Père Tachard se remit en route pour la France avec les ambassadeurs siamois, qui allaient à Rome et à Versailles remplir les intentions de leur prince.

Il sollicitait des Jésuites plutôt comme savants que comme missionnaires; mais tout faisait espérer que la connaissance des secrets de la nature l'amènerait insensiblement à proclamer la nécessité d'un seul Dieu et d'une seule Foi. Louis XIV et le Général de la Compagnie accédèrent à ce vœu. Les Pères Le Royer, de Bèze, Thionville, Dolu, Richaud, Colusson, Bouchet, Comilh, d'Espagnac, de Saint-Martin, Le Blanc, Du Chez, Rochette et de La Breuille furent choisis dans les provinces de Paris, de Guienne, de Languedoc, de Champagne et de Lyon, pour développer le germe de Christianisme qui se manifestait dans cette partie des Indes. Louis XIV avait voulu les voir tous réunis; il leur dit de travailler pour la gloire de Dieu et pour l'honneur de la France. Les Jésuites allaient tenir parole; et, afin de les accréditer auprès du souverain siamois, le Roi lui écrivit le 20 janvier 1687 :

« Nous nous sentons encore obligé de témoigner à Votre Majesté que nous avons d'autant plus agréable la demande qu'elle nous a fait faire par ses ambassadeurs et par le Père de Lachaise, notre confesseur, de douze Pères Jésuites, mathématiciens françois, pour les établir dans les deux villes royales de Siam et de Louvo; qu'ayant toujours éprouvé le zèle, la sagesse et la capacité de ces religieux, nous espérons que les services qu'ils rendront à Votre Majesté et à vos sujets contribueront encore beaucoup à affermir de plus en plus notre alliance royale et à unir les deux nations par le soin qu'ils auront de leur inspirer le même esprit et les mêmes connoissances. Nous les recommandons aussi à Votre Majesté comme des personnes qui nous sont chères, et pour lesquelles nous avons une considération particulière. »

L'escadre française, aux ordres de Vaudricourt, arriva dans les eaux de Siam au mois d'octobre 1687; elle avait à bord un nombreux état-major et quelques régiments. Le déploiement de ces forces, les haines de cour que la haute fortune de Constance entretenait, les rivalités de religion que les talapoins et les docteurs de Siam suscitaient aux Jésuites, tout présageait des calamités prochaines; un événement intérieur les décida. Le monarque avait pour favorite une sœur de Pitracha, l'un des principaux mandarins. Cette femme trahit

l'amour du Roi en faveur de son frère, plus jeune que lui; le Roi la fit jeter aux tigres. Pitracha saisit cette occasion, et, de concert avec les talapoins, il conspira tout à la fois contre le vizir, contre les Jésuites et contre les Français qui prenaient position à Bankok et à Merguy. Pitracha possédait au plus hant degré l'astuce indienne; il parvint à diviser les Européens et à provoquer des soupçons dans l'esprit de quelques-uns sur le pouvoir réel de Constance. Le Roi s'affaiblissait chaque jour; sa mort était prévue, et le mandarin conspirateur faisait déjà pressentir qu'il serait bientôt le maître. Il s'était emparé des sceaux de l'Etat, il disposait de la multitude; l'étiquette siamoise ne permettait à aucun étranger de voir le Roi dans sa maladie; Pitracha sut hab lement tirer parti de toutes ces circonstances. Malgré les conseils des Jésuites, l'abbé de Lyonne, évêque de Rosalie, et un certain nombre d'officiers ajoutaient foi aux bruits de complot que le mandarin mettait en circulation contre le vizir; ils l'abandonnaient, croyant ainsi se ménager un ami dans Pitracha. Le 6 juin 1688, Constance fut condamné et exécuté comme coupable d'un crime tramé par ses accusateurs et par ses juges. Cette mort est le signal de la persécution; les Catéchumènes sont proscrits ou emprisonnés ; les Jésuites eux-mêmes se voient exposés aux mauvais traitements, et, le 9 juin, le Père Saint-Martin écrivait : « Grâce à Dieu ! il paraît que notre fin est proche; nous avons à chaque heure de plus grandes espérances, et nous nous voyons aujourd'hui réduits à de plus dures extrémités que jamais. Si c'est la volonté de Dieu, qu'elle s'accomplisse.

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Les Jésuites rentraient dans leur condition normale; ils en acceptaient avec joie les périls. Les investigations de la science. ne les avaient point détournés de leur but; en remplissant les vues des lettrés de France, en donnant une solution à toutes les difficultés astronomiques, maritimes et géologiques que l'Académie leur soumettait, ils n'avaient pas oublié qu'avant tout ils étaient missionnaires. Tous ensemble, ils avaient uni leurs efforts pour mettre à profit la bienveillance du Roi. Le Christianisme s'était introduit par eux dans un grand nombre de familles; ces familles, devenues françaises par l'adoption chrétienne, ne voulaient ni trahir leur Dieu, ni l'amité qu'elles

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