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de ce troisième Thibet. Les Jésuites reprennent leur bâton de missionnaire, ils arrivent, et ils prêchent.

D'autres, en sillonnant les mers, ont remarqué entre le tropique du Cancer et la ligne équinoxiale, à l'extrémité de l'Océan Pacifique, un groupe d'îles où, raconte-t-on, les indigènes vivent dans l'ignorance la plus absolue : c'est l'état de barbarie élevé à sa dernière puissance; car ils n'ont pour loi qu'un grossier instinct et pour moeurs qu'une corruption anticipée. Le Père Diego-Louis Sanvitores, qui a déjà évangélisé les Philippines, forme le projet de pénétrer dans cet archipel et d'y annoncer le Christianisme. Il part d'Acapulco avec les Pères Thomas Cardenoso, Louis de Médina, Pierre de Casanova, Louis de Moralez et Laurent Bustillos. Vers la fin de 1668 ils abordent aux îles Mariannes ou Larrones. Les habitants les accueillirent avec des démonstrations de joie. Une croix fut dressée sur le rivage, et les Jésuites s'empressèrent de parcourir le pays afin d'en prendre possession par le baptême administré aux petits enfants. Guam est la principale de ces îles. Sanvitores se chargea de l'instruire des mystères de la Foi, Cardenoso et Moralez se dirigèrent sur Tinian, Médina sur Saypan.

Les Missionnaires ne rencontraient aucun obstacle; ces peuples étaient doux, intelligents: ils comprenaient, ils goûtaient la morale chrétienne; ils se montraient disposés à favorablement accepter les principes d'ordre venant à la suite d'une Religion qui leur enseignait de nouveaux devoirs. L'idée de la famille n'existait pas parmi eux, et cependant ils se croyaient la seule nation qui fût au monde. Vivant dans un libertinage traditionnel, ils ignoraient ce que pouvait signifier le mot de vertu. Leur nudité était complète; et, par une étrange pensée de coquetterie, les femmes ne se croyaient réellement belles que lorsqu'elles étaient parvenues à noircir leurs dents et à blanchir leurs cheveux.

Sanvitores avait, comme tous les Jésuites, placé ses plus chères espérances dans les enfants: il les forma avec un soin particulier. Il jeta les fondements d'un collége, afin de développer par l'éducation le germe des vertus et de le faire entrer dans les familles par les jeunes gens. L'influence du Christia

nisme et l'attrait de la nouveauté avaient suspendu les vieilles querelles mais peu à peu elles se réveillèrent. Malgré les prières et les menaces des Jésuites, la guerre éclata. Elle rendit aux insulaires leur férocité native, et le 29 janvier 1670 Louis de Médina périt à Saypan sous les coups d'une multitude égarée. Le sang montait à la tête des Mariannais : Sanvitores et ses compagnons jugèrent que le sort de Médina leur était réservé ; ils s'y préparèrent avec joie. Ils continuèrent leur apostolat, vivifiant la Foi dans le cœur de leurs Catéchumènes et leur apprenant à être chastes et humains. Le 2 avril 1672 Sanvitores expirait martyr. En peu d'années il avait créé dans ces îles huit églises et trois colléges, il avait baptisé plus de cinquante mille sauvages. Médina et Sanvitores tombaient sous la lance des insulaires, le Père Solano mourait d'épuisement à quelques mois d'intervalle. Le 2 février 1674 le sang d'un autre Jésuite fécondait ce sol inculte le Père Ezquerra, Louis de Vera-Picaço et ses catéchistes subirent le supplice que leurs vœux appelaient. Les indigènes massacrèrent tous les Missionnaires qu'ils purent saisir Pierre Diaz, coadjuteur temporel; les Pères de SaintBasile, Sébastien de Maurov, Strobach, Charles Boranga et Comans trouvèrent le martyre. Leur mort, que l'Église et la civilisation glorifiaient, fut un stimulant pour l'Ordre de Jésus. Sanvitores et ses compagnons n'avaient ouvert à la Croix qu'un champ restreint, et la perfidie superstitieuse de quelques indigènes avait étouffé leur voix dans les tourments; mais en 1697 les Pères Antoine Fuccio, Basile Leroulx et Paul Clain virent se multiplier sous leurs yeux la moisson que le sang faisait germer. Les Mariannais embrassèrent le Christianisme, et il se propagea dans ces archipels.

L'œuvre des Jésuites prenait une rapide extension: de Rome et de Goa1, ses deux centres d'action, elle étendait ses rameaux par tout l'univers. Elle fondait de nouvelles résidences sans jamais abandonner les anciennes. Le Christianisme volait à la conquête des mondes inconnus. Dans ce perpétuel combat de

La province de Goa comptait plusieurs colléges et plusieurs séminaires chargés d'alimenter les Missions de l'Indostan : le College de Sainte-Foi, établi par saint François-Xavier; celui de Saint-Paul et la Residence de Bandoughor; le Noviciat de Goa; le College de Rachour, ceux de Baçaim, de Daman, de Tanah, de Diu, de Chaul, d'Agrah et de Delhy.

la civilisation chrétienne contre le fanatisme ou l'ignorance, les Jésuites, toujours au premier rang, ne se laissèrent jamais endormir par le succès ou abattre par la défaite. Engagés dans cette lutte sans fin, que François-Xavier avait ouverte, ils marchaient à leur but sans se préoccuper des obstacles. Les guerres, les révolutions dont tant de royaumes étaient le théâtre pouvaient bien modifier leurs plans, renverser leurs espérances ou leur arracher la vie; ils avaient prévu ces éventualités de l'apostolat, ils s'y soumettaient avec bonheur. On les proscrivait, on les tuait sur un point, ils reparaissaient sur un autre. Le sacrifice de leur existence était consommé en idée lorsqu'ils posaient le pied sur le vaisseau français, espagnol ou portugais, cinglant vers les régions orientales. Ils savaient qu'une mort prématurée les attendait cette destinée ne fit qu'enflammer les courages. C'est ainsi que, sans autre secours qu'une ardente charité, ils réalisèrent la conquête des Indes, de l'Asie et des deux Amériques. Dans ces Missions, dont il serait peut-être impossible de reconstruire l'ensemble, ils eurent de cruelles alternatives, de bons et de mauvais jours; mais, par une persévérance à toute épreuve, ils se montrèrent plus forts que les événements combinés avec les passions des hommes. Ils virent plus d'un triomphateur, comme Thamas Kouli-Kan, tenir le monde attentif au bruit de ses exploits, et ils surent obtenir de lui la protection que le guerrier n'accordait même pas aux miministres de son culte.

Ils avaient des ennemis puissants, d'implacables rivaux, qui grossissaient leurs fautes, qui transformaient leurs erreurs en crimes. On les chargeait, au Brésil, au Pérou, au Mexique, dans le Maduré et en Chine, des imputations les plus contradictoires. Quelquefois même les Évêques, à l'exemple de Juan de Palafox et de Bernardin de Cardenas, se prenaient à maudire cette activité dévorante qui poussait les Jésuites sur tous les continents. La guerre intestine ne les effrayait pas plus que la guerre aux idoles ou aux vices de l'humanité, et souvent les Prélats du Nouveau-Monde réparèrent, comme Ernand Guerrero, archevêque de Manille, l'injustice que de fausses allégations leur avaient fait commettre envers la Société de Jésus. Guerrero avait, dans un moment d'irritation, privé les Mission

naires du droit d'évangéliser les Philippines, il revint à des sentiments plus modérés et il rétracta lui-même son interdit.

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« Par ce présent acte, lit-on dans l'Histoire des Philippines 1, nous annulons, en général comme en particulier, le décret que nous avons publié le 16 octobre dernier, et par lequel nous interdisions aux Religieux de la Compagnie de Jésus de prêcher hors de leurs églises dans toute l'étendue de notre archevêché. De plus nous annulons l'acte publié le 19 octobre, et nous déclarons que les motifs que nous appelions justes, et qui nous déterminaient à défendre auxdits Religieux de prêcher hors de leurs églises, n'étaient de leur part ni une doctrine erronée, ni de mauvais exemples, ni aucune autre cause déshonorante pour la Compagnie de Jésus ou pour quelqu'un de ses membres. C'était uniquement la peine que nous éprouvions de ce que lesdits Pères ne s'étaient pas rendus à l'assemblée convoquée par nous le 19 octobre afin d'y traiter d'affaires importantes, et qu'ils s'étaient excusés en disant qu'ils avaient pour le faire de justes motifs, dont nous avons été informé. En foi de quoi nous déclarons que lesdits Pères de la Compagnie de Jésus peuvent librement prêcher dans toute l'étendue de notre archevêché, hors de leurs églises et en quelque lieu que ce soit. >>>

Quand la persécution ne venait pas de la part des peuples, elle naissait dans le palais des rois. Au gré de leurs caprices, ils accordaient ou retiraient l'autorisation de propager le Christianisme. D'amis des Jésuites, ils s'en faisaient sans transition les geôliers ou les bourreaux. Vers le milieu du dix-septième siècle, Jéhangire, empereur du Mogol, donna subitement un de ces exemples. Akebar, son père, avait accueilli les disciples de Loyola; mais, excité par les brachmanes, dont l'autorité s'affaiblissait de jour en jour, intimidé par leurs menaces, il enjoint aux Missionnaires de se retirer du Mogol et à ses sujets de renoncer à la Foi nouvelle. Quelques Jésuites périssent, et parmi eux le Père Fiaillio. Leurs églises de Lahore, de Dehly et d'Agrah sont détruites; les Catéchumènes se voient condamnés au bannissement ou à la mort. On les prive de leurs dignités, on les dépouille de leurs biens. Ils se résignent à tous ces 1 Historia delle Philippine, p. 220.

maux pour ne pas blasphémer le Dieu qu'ils ont reçu d'Occident. Au milieu de tant de tribulations, les Jésuites ne perdent ni espérance ni courage. Ils comptent des partisans avoués ou secrets dans l'intimité et jusque dans la famille de l'empereur : ils les font agir avec discrétion. Mirza Fulkarnem, le frère de lait de Jéhangire, élève la voix du fond de l'exil. Cette voix est entendue, et les Jésuites peuvent enfin continuer leur mission.

A Agrah, les Anglais et les Hollandais avaient obtenu l'établissement de quelques comptoirs dépendants de Surate. Les`marchands hérétiques se sont fait un jeu cruel d'animer l'Empereur et les habitants du Mogol; mais des discussions d'intérêt, des rivalités de commerce ont promptement divisé ces hommes, toujours prêts à se coaliser contre le Catholicisme. La dissension qui se manifeste peut devenir fatale à l'Angleterre et à la Hollande. Les consuls des deux nations, résidant à Surate, épuisent pour les réconcilier toutes les prières et toutes les menaces. Ils ne savent plus de quelle manière terminer ce différend ils en appellent à la justice des Pères de la Compagnie de Jésus, ils les nomment arbitres suprêmes dans une cause qui leur est complétement étrangère. Les Jésuites prononcent leur jugement avec tant d'équité que les deux parties l'acceptent comme la base de leurs transactions futures. Ainsi se trouva vengé le sang de cette multitude de Missionnaires que les Anglicans et les Hollandais avaient répandu, et qu'ils ne cessaient encore de répandre.

Depuis que le Père Alexandre de Rhodes s'était introduit dans le Tonquin et dans la Cochinchine1, le Christianisme y avait été exposé à des chances diverses. Ainsi que partout, les Jésuites y subissaient le contre-coup du fanatisme et des colères locales; mais, tantôt comme médecins, tantôt comme mathématiciens du Roi, ils purent conjurer l'orage. Le 14 mai 1698,

Lorsque la Foi catholique fut proscrite au Japon, les Jésuites qui appartenaient à cette province continuèrent a dépendre d'un Provincial, qui fixa sa résidence à Macao, et qui gouverna les Missionnaires de Siam, du Tong King, de la Cochinchine et de plusieurs stations dans le Céleste Empire. Le nom de la province du Japon, conservé jusqu'à l'extinction de l'Ordre de Jésus, en 1773, révèle dans les Pères le même esprit qui inspire à l'Eglise de conserver les titres des anciens évêchés aujourd'hui situés dans les pays de gentilité. Les évêchés in partibus indiquent l'espoir que le Saint-Siége n'a jamais perdu de voir le vieux culte chrétien se ranimer là où il brilla d'un si vif éclat. Le rétablissement du siége d'Alger prouve que cette espérance n'est pas chimérique.

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