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soumission, et de combattre les novateurs. Il n'était déjà plus temps. Le char révolutionnaire était prêt à être lancé dans l'arène, et ce ne sera pas d'Éprémesnil qui l'arrêtera. Ces inquiétudes avaient arrêté le commerce et anéanti l'industrie, qui, pour prospérer, a besoin non-seulement de la paix du présent, mais encore de la sécurité de l'avenir. Les éléments semblaient avoir voulu aussi conspirer. La récolte de 1788 avait été presque entièrement détruite, dans un grand nombre de localités, par une grêle qui était venue ravager les champs le 13 juillet, au moment de la moisson. Survint un cruel hiver qui augmenta encore la misère publique. La noblesse, dans cette circonstance, ne manqua pas à ses habitudes traditionnelles : elle rivalisa de zèle pour soulager les pauvres. Le clergé ne ménagea aucune de ses ressources; et l'archevêque de Paris (de Juigné) vendit sa vaisselle, engagea son patrimoine et fit de gros emprunts, pour la garantie desquels son frère aîné s'obligea jusqu'à la somme de cent mille écus. La famille royale se dépouilla de tout pour concourir au même but. Enfin, la charité chrétienne éclata de la manière la plus touchante (1). Mais ces ressources étaient insuffisantes pour adoucir toutes les misères. Les pauvres, mécontents, presque sans ouvrage ou mal rétribués (car l'incertitude des événements avait arrêté toutes les affaires), oubliaient facilement ces bienfaits, payaient même d'ingratitude ceux qui les répandaient. << On donne, disait-on, parce qu'on est riche; mais on pourrait et on devrait donner davantage. » Derrière eux étaient des hommes malveillants qui soufflaient le

(1) Thiers, Hist. de la Revol., t. I, p. 36.

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feu de la révolte, en disant que la richesse était une usurpation sur le pauvre, et que le temps était venu de se faire justice (1). Ainsi les abondantes aumônes, au lieu d'exciter la reconnaissance du pauvre, ne faisaient que réveiller sa jalousie et sa cupidité. D'un autre côté, elles attiraient, de tous les points de la France, une multitude de vagabonds, de gens désœuvrés qui étalaient, de Paris à Versailles, leur misère et leur nudité. C'était autant de gens empressés d'accourir au moindre bruit, pour profiter des chances que pouvait offrir un bouleversement (2).

On en vit un exemple le 27 avril (1789), peu de jours avant l'ouverture des états généraux. Un fabricant de papiers peints, Réveillon, qui de simple ouvrier était parvenu à établir, au faubourg Saint-Antoine, de vastes ateliers où il employait jusqu'à 300 ouvriers, fut accusé d'avoir voulu réduire les salaires à moitié prix. Le peuple, sans s'informer si le bruit était fondé ou non, se rassembla; une bande de 1,200 hommes ramassés dans les rues, étrangers à la fabrique, traînèrent le mannequin de Réveillon sur la place de Grève. Là, après un simulacre de jugement, ils condamnèrent Réveillon à être pendu en effigie. La sentence fut exécutée. Le lendemain, une foule plus considérable se porta sur sa maison, qui fut envahie, pillée et saccagée, avec deux maisons voisines; les meubles furent jetés par les fenêtres et brûlés. Réveillon, qui n'était pas connu de cette foule, put s'échapper. L'autorité, qui ne s'était pas montrée la veille, agit alors avec une

(1) Degalmer, Hist. de l'Ass. constit., t. I, p. 39. (2) Thiers, Hist. de la Révol., t. I, p. 36.

grande rigueur. Il y eut une lutte opiniâtre, où environ deux cents insurgés perdirent la vie. La troupe avait perdu douze soldats, et eut quatre-vingts blessés. Mais force resta à la loi (1).

On voit, par ce trait, combien le peuple est aveugle dans sa colère. Il se plaignait du manque d'ouvrage et de la diminution des salaires, et il alla détruire une fabrique qui faisait honneur à notre industrie, et qui donnait du pain à trois cents ouvriers. Le peuple était moins coupable que ses meneurs, ses chefs, qui voulaient autre chose que le maintien des salaires. On avait vu distribuer de l'argent; on en trouva d'ailleurs dans la poche de ceux qui avaient été tués (2). D'où venaitil? Quels étaient les instigateurs de l'émeute? C'est ce qui est resté dans l'obscurité : chaque parti en faisait peser la responsabilité sur ses ennemis. La noblesse en accusait les partisans du tiers état; ceux-ci y voyaient une vengeance des nobles. La cour en attribuait l'instigation au duc d'Orléans; les amis de ce prince en incriminaient la cour. Cette dernière conjecture trouva le plus de crédit; car déjà, à cette époque, on était disposé à croire tout ce qui était contre la première autorité de l'État, et à faire retomber sur la cour tous les malheurs qu'on avait à déplorer. On lui imputait jusqu'aux crimes de ses ennemis.

Louis XVI, homme d'honneur et de conscience, était loin de ces intrigues, et de celles qu'on lui imputera plus tard, dans le but d'avilir son autorité.

(1) Degalmer, Hist. de l'Ass. const., t. I, p. 42. - Gabourd, Hist. de la Révol., t. I, p. 116. Hist. parlem., t. I, p. 241. (2) Hist. parlem., ibid.

Tout le monde convient qu'il n'était pas de caractère à résister à la lutte qui se préparait contre lui; mais l'historien mentirait s'il méconnaissait ses vertus, ses lumières et ses intentions. Il était né avec les dispositions les plus heureuses pour la vertu et toutes les connaissances utiles. Il avait reçu une éducation conforme à son rang; mais on dit, et, je crois, avec raison, que ses instituteurs lui avaient trop appris à modérer le pouvoir, et pas assez à le maintenir (1). Louis XVI avait une instruction solide sur tout ce qui concernait l'art de régner. Il était doué d'un esprit droit, juste, et d'un discernement exquis: rarement il se trompait sur les hommes et les choses, et il est à regretter qu'avec trop de défiance pour lui-même, il ait souvent préféré le jugement des autres au sien. Appelé au trône à l'âge de vingt ans (1774), il choisit toujours pour ministres, et surtout pour premier ministre, les hommes les plus capables et les plus habiles de son temps. Aussi son règne nous offre-t-il une série d'hommes dont personne ne peut contester la capacité. Il n'était point étranger aux progrès du siècle; il n'aimait pas les philosophes, et il avait raison de s'en défier; mais personne mieux que lui n'avait compris la nécessité des réformes. Bien loin de s'y opposer, il commença par les effectuer luimême dans l'intérêt de ses peuples, aux dépens même de ses intérêts personnels. Ainsi, il retrancha de ses dépenses, fit au peuple la remise du droit de joyeux avénement; il établit pour Paris le mont-de-piété et la caisse d'escompte; il abolit bien des corvées, qu'il convertit en impôt pécuniaire; il adoucit les lois pénales;

(1) Biogr. univ., art. Louis XVI.

il rendit l'état civil aux protestants, malgré l'opposition du parlement; et nous avons vu combien il a résisté au même corps pour l'égale répartition de l'impôt territorial, projet qu'il avait concerté avec ses ministres, et qu'il voulait exécuter pour soulager la classe pauvre. Louis XVI désirait ardemment le bonheur du peuple; aucun sacrifice, aucune concession ne lui coûtait, lorsqu'il croyait pouvoir contribuer au bienêtre de la France. Si les députés du tiers état s'en étaient tenus aux cahiers des électeurs, s'ils avaient établi la constitution sur les vœux qui y étaient exprimés, ils n'auraient pas trouvé une ombre d'opposition dans la personne du roi. Il aurait suffi à celui-ci de savoir que le gouvernement constitutionnel convenait à son peuple et faisait son bonheur, pour qu'il y donnât son entière approbation. Sa parole n'eût pas été vaine; car le roi était un scrupuleux observateur des traités il ne se serait jamais écarté des conditions acceptées par lui et désirées par la nation. Mais Louis XVI, avec une âme franche et généreuse, avec un cœur plein d'affection et de dévouement, avec des connaissances solides et un coup d'œil juste, avait de grands défauts pour le temps où il a vécu. Il se défiait trop de ses propres lumières, croyant toujours que le plan des autres était meilleur que le sien. Il n'avait pas assez de conviction. Mille fois on l'a vu saisir parfaitement l'état des choses, en indiquer le remède; puis renoncer tout à coup à ses idées, pour se livrer aux chercheurs d'aventures politiques, aux philosophes, aux utopistes, et à quiconque passait dans le public pour habile dans l'administration. Ensuite, il était d'une excessive bonté. Sous des dehors froids, brus

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