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il devint un de ses ennemis les plus acharnés, et, dans son délire, il se promettait d'anéantir la doctrine chrétienne. — Vous n'en viendrez pas à bout, lui disait un jour le lieutenant de police. C'est ce que nous verrons, lui répondit fièrement Voltaire. Je suis las d'entendre répéter, disait-il, que douze hommes ont suffi pour établir le Christianisme; j'ai envie de leur prouver qu'il n'en faut qu'un pour le détruire. Sans doute Voltaire, en prononçant ces paroles, présumait trop de ses forces; il ne savait pas que le Christianisme est une œuvre divine et indestructible, qui durera autant que le monde; mais toujours est-il vrai qu'il employa toutes les forces de son génie (et il en avait beaucoup) pour accomplir son funeste dessein. Il est peu de ses ouvrages, dit son biographe, où la religion ne reçoive quelque atteinte; et l'on pourrait dire, de ceux où elle est épargnée, que ce sont des distractions ou des armistices. Sa première attaque se trouve dans ses Lettres philosophiques, ouvrage où, non content de faire connaître à la France la philosophie et la littérature, la religion et le gouvernement de l'Angleterre, il discutait avec une hardiesse peu commune les questions les plus délicates de la métaphysique, de la théologie même, et commençait ses agressions. contre Pascal, ce génie incommode à tous les adversaires de la révélation. Mais ce fut surtout après son retour de la Prusse qu'il ne garda plus aucun ménagement. Voltaire avait été fêté par le grand Frédéric, et il revenait en France encore tout fier des honneurs qu'il en avait reçus. Paris, par ordre du gouvernement, lui ferma ses portes; et il est

permis de croire que l'épiscopat et le clergé n'y étaient pas étrangers. Il serait difficile de dire si cette mesure était sage et politique. Peut-être, en usant de condescendance, en caressant ce génie par quelques distinctions flatteuses, l'aurait-on renfermé dans certaines bornes de modération. Marmontel prétend que si on l'avait souffert à Versailles, au lieu de l'exiler, le courtisan aurait en lui tué le philosophe. Car Voltaire n'était pas insensible aux caresses du pouvoir : il en avait donné des preuves à la cour de Berlin. Quoi qu'il en soit, Voltaire s'éloigna de Paris et s'établit à Ferney, dont il fit une espèce de place forte pour désoler impunément le pays. C'est là qu'il ourdit sa vaste conspiration contre l'Évangile, et qu'il fit entendre cet horrible blasphème Écrasez l'infáme! C'est de là que pendant vingt-trois ans, loin du pouvoir dont il redoutait moins les atteintes, et de la société dont il perdait de vue les bienséances, il versa sur le royaume ces flots d'écrits scandaleux qui portèrent le mépris de la religion jusque dans les derniers rangs de la société. Ses attaques étaient de tous les jours et de tous les instants. Les traités et les pamphlets, les dissertations et les facéties, la poésie et la prose, les écrits qu'il livrait à la presse, les lettres qu'il confiait à la poste, tout lui servait d'arme, tout était employé par lui pour avilir et ruiner la religion. Voltaire ne soutint pas seul la guerre qu'il avait entreprise. Il y enrôla tout ce qu'il pouvait trouver d'hommes puissants, sans dédaigner même les talents médiocres, dont les ouvrages étaient prônés par lui dès qu'ils s'attaquaient à la religion. Il serait difficile

de citer les noms de tous ceux qui se distinguèrent dans cette guerre. Après Voltaire, les principaux chefs étaient d'Alembert, Diderot, le marquis d'Argens, Helvétius, Marmontel, de la Mettrie, d'Holbach, de Prades, etc. L'armée qui combattait sous leurs ordres ou sous leur direction était innombrable. Voltaire, qui en était le commandant général, en réglait la discipline et en indiquait le but. Écrasons l'infáme! tels étaient son mot d'ordre et son unique pensée. Écraser l'infáme, c'est-à-dire la religion chrétienne, qui n'était plus connue que sous ce nom (1). C'est là qu'il dirigeait tous les efforts de ses associés. Il était toujours le premier à l'attaque; c'était lui qui ordinairement donnait le signal, et montrait de quelle manière il fallait battre en brèche. Tous les moyens étaient bons dès qu'ils arrivaient à son but. «Mentez, mes amis, mentez! s'écriait-il le mensonge est un vice quand il fait du mal; il est une très-grande vertu quand il fait du bien. Soyez donc plus vertueux que jamais. >> Après avoir mis en avant ce principe, il montrait comment il fallait s'en servir. « Il faut mentir, dit-il, comme un diable; non pas timidement, non pas pour un temps, mais hardiment et toujours (2). »

Le principe de la nouvelle morale fut suivi. De là ces mensonges impudents et effrontés; de là cet amas monstrueux d'erreurs, d'ignorances, d'altérations en histoire, en religion, en philosophie, etc., répandues dans quantité de livres qu'on donnait gratis et qu'on

(1) Il est des personnes qui prétendent que par l'infàme, Voltaire entendait la superstition: mais il faut savoir que superstition et religion étaient synonymes dans la langue philosophique.

(2) Lettre à M. Thiriot, du 21 octobre 1736.

colportait jusque dans les hameaux. On en faisait à la portée de tout le monde. On écrivait des romans, on faisait des contes pour ceux qui n'auraient pu supporter quelque chose de plus solide; on composait des pièces de théâtre pour ceux qui ne lisaient pas: l'Encyclopédie, espèce de gouffre où l'on jetait pêlemêle les choses bonnes et mauvaises, toujours incohérentes et disparates, était pour les savants. Il y avait concert et émulation pour détruire. Bientôt plus rien ne restait debout; l'athéisme était proclamé comme un principe régénérateur.

Pour le coup, Voltaire trouvait que son armée était allée trop loin, et il donna l'ordre de battre en retraite, et de s'arrêter devant le dogme de l'existence de Dieu. Il avait peur des athées. « Si le monde, disait-il, était gouverné par des athées, il vaudrait autant être sous l'empire de ces êtres infernaux qu'on nous peint acharnés contre leurs victimes (1).» «Non, s'écriait-il, je veux que les princes et leurs ministres reconnaissent un Dieu, et même un Dieu qui punisse et pardonne: sans ce frein, je les regarderai comme des animaux féroces, qui certainement me mangeront quand ils auront faim (2). » Mais le philosophe avait beau faire, la brèche était faite : le point de l'existence de Dieu ne sera point épargné, et la France sera gouvernée par des athées.

Le clergé se plaignait amèrement de tant de coups portés à la religion. Les évêques répandaient des instructions pastorales, faisaient des remontrances au roi, et s'adressaient aux ministres pour les engager à ne point souffrir ce scandale; la Sorbonne y (1) Homélie sur l'athéisme.

(2) Lettre à Villevieille, 26 août 1768.

opposait ses censures. Mais les réclamations du clergé, les censures de la Sorbonne, les condamna. tions des évêques, les proscriptions de l'index, devenaient un sujet d'émulation pour ceux qu'elles frappaient. Elles montraient que l'ouvrage avait porté ; c'est le succès qu'on ambitionnait, et l'on ne craignait pas la réprobation, qui était d'ailleurs un titre de gloire. Car, plus les évêques condamnaient, plus le public applaudissait. Le monde élégant avait adopté les nouvelles doctrines. La philosophie, devenue une affaire de mode, avait pénétré dans les châteaux, dans les salons de la bourgeoisie, dans les académies, dans les conseils des ministres, et jusque dans le palais des rois. Catherine II, Frédéric II, l'empe reur Joseph et son frère Léopold, et la plupart de leurs ministres, étaient philosophes. Le clergé luimême n'avait pas été exempt de la contagion. Les nouvelles doctrines s'étaient introduites dans les cou vents et dans les rangs du clergé séculier; on voyait des moines philosophes, on voyait des prêtres dans l'école de Voltaire. L'abbé Raynal travaillait de concert avec Diderot, Deleyre et le baron d'Holbach, et se distinguait par ses blasphèmes (1). La Sorbonne avait beau censurer ses écrits, cette faible digue était emportée par le torrent (2). Il n'y avait plus que le Parlement qui pût se faire écouter, parce qu'il avait le droit de mettre obstacle à la publication, et de faire emprisonner l'auteur. Mais on trouvait le moyen d'éluder ses proscriptions. Quand un ouvrage était condamné, on le distribuait sous le manteau, on le faisait paraître comme étant imprimé à

(1) Mémoires pour servir à l'Hist. ecclés., t. III, p. 27. (2) Ibid.

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