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La révolution préparée par les mauvaises doctrines était ardemment désirée. Les philosophes et leurs adeptes y voyaient le bonheur du monde, et se donnaient déjà le fastueux titre de bienfaiteurs du genre humain. Le clergé en jugeait tout autrement; il n'y apercevait que des ruines, et communiquait ses craintes à l'autorité. « Encore quelques années de silence, dirent les évêques dans l'assemblée générale du 20 juillet 1780, et l'ébranlement, devenu général, ne laissera plus apercevoir que des débris et des ruines:» paroles remarquables qui furent si tristement vérifiées quelques années après. Mais on n'y croyait point, et l'on affectait de rire des vaines terreurs du clergé (1). Celui-ci sentit alors le besoin de resserrer ses rangs, pour opposer une digue à l'entraînement du siècle. Il tint de fréquentes assemblées de 1780 à 1788, protesta énergiquement contre l'esprit d'irréligion et la propagation des mauvais livres, et en fit des remontrances à l'autorité. M. Dulau, archevêque d'Arles, prélat aussi distingué par ses lumières que par ses vertus, publia plusieurs écrits solides à ce sujet. Mais l'autorité faisait la sourde oreille; ceux qui entouraient le trône favorisaient les nouvelles idées. Les mesures qu'on prenait contre les mauvais livres, pour satisfaire ce qu'on appelait les exigences du clergé, n'étaient qu'apparentes. On les imprimait en pays étrangers. Males

(1) Mémoires pour servir, etc., t. III, p. 17.

herbes faisait passer les épreuves sous le contre-seing de l'État, et les livres circulaient comme s'ils avaient été imprimés en France. La grande édition de Voltaire, préparée avec soin par Condorcet, et imprimée à Kehl, aux portes de Strasbourg, se vendait publiquement au palais du duc d'Orléans, avec la permission du prince (1).

Le clergé, trahi de tous côtés, se voyait réduit à ses propres ressources; mais elles étaient faibles, et pour ainsi dire nulles. Les évêques réclamèrent d'abord le rétablissement des synodes et des conciles provinciaux, dans le but de réunir leurs efforts contre des forces réunies. Plusieurs d'entre eux publièrent des mandements pour défendre à leurs diocésains la lecture des ouvrages de Voltaire, de Rousseau et de l'abbé Raynal, et pour les empêcher d'y souscrire. Dans les assemblées générales on s'occupa de la réimpression des œuvres complètes de Bossuet et de Fénelon, pour les opposer aux ennemis de la religion; mais ces ouvrages, faits pour d'autres temps, n'attaquaient qu'indirectement les principes nouveaux (2). Ce qu'il aurait fallu, c'étaient des écrivains distingués. L'assemblée du clergé chercha à en susciter, en récompensant ceux qui avaient rendu des services. L'abbé Guénée, auteur des Lettres de quelques Juifs, reçut pour récompense de ses travaux l'abbaye de Leroy, diocèse de Bourges. L'abbé Bergier reçut une pension de 2000 livr., outre le canonicat dont l'archevêque de Paris l'avait honoré à Notre-Dame. Le P. Berthier, qui avait spirituellement critiqué le prospectus de l'Encyclopédie, eut une pension de 1000 liv., dont la

(1) Mémoires pour servir, ete., t. III, p. 56.

(2) Ibid., p. 18, 55.

mort ne le laissa jouir que deux jours (1). Mais ces récompenses, d'ailleurs si honorables, ne formèrent pas d'écrivains nouveaux. L'Église se trouvait au dépourvu; elle avait de savants théologiens, mais elle ne pouvait opposer aux ennemis que des écrivains médiocres, et il lui en aurait fallu du premier ordre, un Bossuet, un Fénelon, un Pascal, ou un Rousseau chrétien, pour dissiper les prestiges de séduction dont le sophisme s'était enveloppé. Encore leur eût-il été bien difficile. de se faire goûter au milieu de cette ivresse d'enthousiasme que la philosophie avait produite. Le mal fit donc tous les jours de nouveaux progrès. Les nombreux disciples que Voltaire et Rousseau avaient laissés continuèrent leur œuvre de destruction. Un bouleversement général était imminent; tout le monde le prévoyait : cependant personne ne le croyait aussi près. L'embarras des finances est venu en rapprocher l'époque; c'est une des causes accidentelles de la révolution, qu'il est important de connaître, parce qu'elle a une grande connexité avec les affaires ecclésiastiques.

La guerre d'Amérique, dans laquelle la France s'était engagée contre les Anglais, avait coûté des sommes considérables au-dessus de son crédit ordinaire, et avait causé un déficit dans le trésor. Ce déficit, qui n'était pourtant que de 56 millions en 1781 pour mettre les recettes au niveau des dépenses, était devenu une espèce d'abîme où se perdaient les plus habiles financiers. Turgot y a trouvé un écueil contre lequel il s'est brisé. Necker semblait avoir trouvé le secret; et, d'après un compte rendu, les recettes devaient faire face à toutes les dépenses, et laisser dans le trésor un boni de dix (1) Biograph. univ., art. de ces auteurs.

millions. Mais son plan exigeait des réformes qui furent repoussées par le parlement, et Necker fut obligé de se retirer. C'était en 1781; il était resté cinq ans au ministère. Calonne lui succéda. C'était un homme distingué et fécond en ressources. Il prit pour système de dissimuler l'embarras du trésor, et de relever ainsi le crédit. C'est le système de tous les hommes de finances qui sont embarrassés: comme ils ont besoin de crédit et de confiance, ils ont bien soin de voiler la situation des affaires. Calonne suivit ce système. Ainsi il payait d'avance, et agissait comme si le trésor était dans la plus grande prospérité. Mais, pour donner au trésor cette apparente abondance, il était obligé de faire des emprunts à titre onéreux et d'augmenter les dettes; et peu à peu il est arrivé à un moment où il ne pouvait plus marcher. La caisse était vide, et il était impossible d'établir sur le peuple de nouveaux impôts. Il fallait trouver d'autres ressources; elles étaient sous la main: il suffisait de supprimer les exemptions, et d'imposer les biens de la noblesse et du clergé comme ceux des autres citoyens. Cette ressource avait déjà été précédemment indiquée par Turgot et Necker. Calonne n'en voyait point d'autre pour subvenir aux besoins du trésor. Il proposa donc d'assembler le corps des privilégiés, pour les faire consentir à cet impôt. L'assemblée appelée celle des Notables eut lieu en 1787; elle était composée de ce que la France avait de plus illustre dans la noblesse, le clergé et la magistrature. Calonne pensait y trouver de puissants auxiliaires pour son impôt parmi les seigneurs qui avaient adopté les principes d'égalité des philosophes, et qui y étaient assez nombreux. Il exposa donc la situation du trésor,

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et rejeta, comme il arrive toujours, les embarras sur ses prédécesseurs. D'après son compte rendu, on avait dépensé, depuis la guerre d'Amérique (de 1776 à 1786), 1,250 millions, et le déficit annuel montait à 125. Il fut obligé d'avouer que son ministère figurait dans cette somme pour 37 millions. C'était le résultat de ses emprunts. Ce compte, qui était si loin des calculs de Necker, surprit tout le monde, et souleva de vives discussions dans l'assemblée. Mais il fallait trouver de l'argent. On consentit donc au plan de Calonne, mais à condition qu'on en laisserait l'exécution à un ministre plus moral, plus économe, et plus digne de confiance. Calonne fut envoyé en exil, récompense ordinaire des contrôleurs de finances à cette époque. Il passa bientôt en Angleterre, et devint plus tard, en Allemagne, le principal agent des émigrés français (1). Sa chute et son exil tenaient à la faiblesse de Louis XVI, qui l'aimait et l'estimait. Calonne avait compris parfaitement la situation. Son plan était juste, et il était homme à le conduire à bonne fin. Mais le roi n'avait pas la force de le soutenir contre ses ennemis. Il fut obligé de l'abandonner, et de l'envoyer même en exil. Sa place fut donnée à Loménie de Brienne, archevêque de Toulouse, plus tard cardinal et archevêque de Sens. C'est la reine Marie-Antoinette qui l'avait proposé, à l'instigation de l'abbé de Vermond, qui jouissait d'un grand crédit auprès de la reine. Cet archevêque a joué un triste rôle dans l'histoire de cette époque. Son caractère, ses principes et ses actes méritent une attention particulière.

(1) Biograph. univers., article Calonne.

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