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de l'erreur volontaire est de jeter la confusion dans les dates.

Le roi Sébastien de Portugal naquit le 20 juillet 1554. Ce prince, dont le caractère romanesque et les malheurs militaires ont à un si haut degré préoccupé l'attention publique, était doué d'un esprit vif et pénétrant. « Déclaré majeur à sa quatorzième année, il fit lui-même, dit l'Histoire Universelle, par une société de gens de lettres anglais', un abrégé des lois qu'il possédait très-bien, et eut soin de les faire observer exactement. » Il aimait la guerre et annonçait un goût très-vif pour les expédi– tions maritimes; il avait l'excès de toutes les qualités il poussait la vertu jusqu'à la rudesse, le courage jusqu'à la témérité, la force de caractère jusqu'à une opiniâtreté indomptable. Si ce jeune homme, roi dès son plus bas âge, fût né dans une condition ordinaire, tout porte à croire que l'éducation commune, que le désir de s'élever, que les obstacles qu'il aurait rencontrés sur sa route lui auraient donné une plus sage direction. Enfant du peuple, il serait devenu un héros, parce qu'il aurait eu à lutter, parce qu'il aurait senti qu'une généreuse passion a souvent besoin elle-même d'être comprimée. Fils de roi et dans son berceau jouant avec la couronne, il s'était habitué à voir tout le monde obéir à ses caprices. Ses caprices furent pour lui des convictions, et ce jeune homme, en qui se révélaient tous les signes caractéristiques du héros, ne fut, par l'effet de sa naissance, qu'une espèce d'aventurier dont les historiens mettent quelquefois en doute la raison.

Le Père Louis Gonsalves de Camara avait été son précepteur. Religieux plein de vertus, mais peut-être un

1 Histoire universelle composée par une société de gens de lettres anglais. Histoire moderne, Portugal, 1. xxxm, fiv, xxn, chap. u, page 359:

peu trop austère et ne sachant pas toujours renfermer son zèle dans les bornes de la modération', il avait inculqué à son royal élève l'amour des réformes. Sébastien les exigea de prime-abord, sans préparation, sans contre-poids. Plusieurs de ces réformes atteignaient les plus illustres familles du royaume : par exemple, on les forçait à restituer les biens dépendants des commanderies d'ordres militaires que ces familles s'étaient appropriés et qu'elles semblaient posséder à titre d'héritage. Cette mesure, sage dans son principe, péchait par le décousu de l'exécution; elle soulevait des clameurs, des mécontentements. Ce ne fut pas au roi qu'ils s'adressèrent, mais à son directeur de conscience et à l'Ordre dont ce dernier faisait partie '.

L'historien portugais Barbosa Machado fut, au dix-huitième siècle, chargé par l'Académie royale historique de Lisbonne de faire des recherches sur la vie, les aventures et la mort du roi Sébastien. Les mémoires composés à ce sujet, d'après les documents les plus authentiques, furent approuvés par l'Académie. Ils ont pour titre : Memoria para a historia de Portugal, et ils contiennent un portrait du Père Gonsalves bien différent de celui tracé par Pasquier, Herrera et Faria y Souza. Cet annaliste s'exprime ainsi, au t. I, p. 210 et suivantes :

"

Toutes les qualités nécessaires au précepteur d'un prince, capables de constituer un maître parfait, se trouvaient heureusement réunies dans le Père Louis Gonsalves. Illustre par la naissance et par une exacte observance de son Institut, il était trèsinstruit dans la littérature sacrée et profane, versé dans la lecture des histoires séculières et ecclésiastiques. Il possédait dans sa pureté la langue latine, n'était point étranger aux difficultés des langues grecque et hébraïque. Il parlait avec facilité le français, l'espagnol et l'italien. Il avait eu occasion d'apprendre ces langues dans les principales capitales de l'Europe, où il avait résidé, Son caractère était plein de dou ceur, son jugement guidé par la prudence, sa capacité profonde. Tous ces avantages le rendirent propre à former un prince et à lui apprendre à gouverner sagement une monarchie. »

Nous avons vu tout à l'heure Étienne Pasquier écrire l'histoire sur la foi de personnages morts; voyons de quelle manière de Thou lui-même l'arrangeait lorsqu'il était question des Jésuites.

Hieronimo Conestaggio, gentilhomme génois, a composé un ouvrage intitulé : Dell' unione del regno di Portogallo alla corona di Castiglia. Cet ouvrage parut en 1585, et nous citons l'édition de Venise de 1592. Conestaggio n'est pas toujours exact; de Thou, qui le suit à la piste, ne l'est pas davantage; mais, quand il s'agit des Jésuites, de Thou se fait un devoir de le défigurer. Le plagiat est évident pour ceux qui comparent les deux auteurs, la mauvaise foi est aussi éclatante. Nous en citerons une preuve entre mille.

Conestaggio, après avoir dit que les Jésuites furent appelés Apôtres en Portugal à cause de leurs missions au delà des mers, ajoute : « La corruption des mœurs occa

Martin de Camara, comte de Calhette et frère du Jésuite, était le favori de don Sébastien. Ce que le prince ou son ministre entreprenaient, les actes de l'un, les conseils de l'autre, tout ce qui, dans leur manière de gouverner, offrait prise aux plaintes des grands, aux soupçons du peuple, était à l'instant même attribué au Père Gonsalves et rejaillissait sur la Compagnie de Jésus. Le Portugal ambitionnait de voir son roi s'allier à l'une des familles royales de l'Europe. Il était bien jeune encore; mais ce pays sentait le besoin de donner de la stabilité à la couronne qui ne reposait que sur une seule tête. Le souverain Pontife parla dans ce sens au Père Borgia. Borgia en écrivit à Gonsalves. La réponse de ce dernier fait mieux connaître don Sébastien que toutes les hypothèses.

« Vous me dites, mande-t-il au Général de l'Ordre, dans l'intimité de sa correspondance, que si cette affaire

sionnée chez les Portugais par l'introduction des richesses de l'Asie, fut remarquée et combattue par les Pères Jésuites chargés de l'éducation du roi Sébastien. Ces religieux, désirant de remédier à ce mal, ne négligèrent rien pour y réussir. Mais, ni leurs efforts, ni une loi somptuaire publiée par les soins de quelques hommes zélés pour le bien public, ne purent être une digue suffisante. Au contraire, cette loi trop rigoureuse, et peu en rapport avec la corruption d'un corps affaibli, causa d'abord du mécontentement et des murmures, ensuite les dérisions et les mépris, manifestations funestes dans un État et symptômes alarmants d'une dissolution prochaine. » (Livre I, page 8.)

L'auteur génois dit que ce furent quelques hommes zélés pour le bien public qui engagèrent don Sébastien à publier cette loi; il vient de parler des Jésuites et il passe dans la même phrase à un autre ordre d'idées; donc, d'après Conestaggio, ce ne sont pas les Jésuites qui établirent cette loi somptuaire. Voici cependant de quelle façon le président de Thou dénature le récit de Conestaggio:

« Les Pères Jésuites (dit-il au tome 18, page 630 de son Histoire, édit. de 1614) étaient désignés, en Portugal, sous le nom d'Apôtres, à cause de leurs missions dans les pays ido'átres. Mais désirant vainement de remédier à ce désordre, ils prirent de là l'occasion de s'immiscer dans le gouvernement de l'État, et se rendirent ridicu les en publiant des lois somptuaires sur le modèle des lois de l'austère Lacédémone, semblables à ces médecins ignorants qui, pour décharger le corps d'un excès d'embonpoint, tâchent de le réduire à une maigreur extréme. »

Chaque page de Conestaggio est ainsi défigurée par de Thou. Il suit la filière des événements, telle que l'auteur génois la présente; mais dès qu'il est question des Jésuites, auxquels Conestaggio semble du reste être plus qu'indifférent, de Thou altère complétement la pensée et la narration de son guide. Il accuse les Jésuites quand Conestaggio ne les met pas en scène ou les décharge de l'accusation par le

récit même des faits.

ne réussit pas, on en fera un crime à notre Société. J'en suis convaincu et affligé. Lorsque le Père Laynès m'envoya en ce pays pour exercer les fonctions de précepteur auprès du jeune roi, je lui livrai par écrit les raisons qui me poussaient à décliner cette charge. Une des principales était que tout ce qui déplairait dans la conduite du monarque retomberait sur ceux qui l'entourent. Je crois done que si en cette matière j'ai à me reprocher quelque chose, c'est d'avoir trop pressé ce mariage. Ceux qui disent au Pape que le cœur du roi est dans ma main et que je puis le tourner à mon gré, pensent de Sébastien ce qu'ils penseraient d'un autre jeune homme de son âge. Mais ceux qui le connaissent en ont une tout autre opinion, car ce qu'il veut il le veut bien, surtout en cette matière, où, toutes les fois qu'il a été sondé, il est toujours resté inébranlable. Ainsi ce que le Saint Père désirait, je l'ai entrepris avec beaucoup de force, mais je n'ai rien obtenir. Le prince m'a même déclaré qu'il avait porté l'affaire en son conseil, et qu'il était du même avis que lui. »

pu

C'était une union avec la France que le Pape Pie V aspirait à faire contracter à don Sébastien, et pour laquelle il employait toute la ténacité de son esprit. Le Pontife estimait que cette alliance ne pouvait qu'être favorable à l'Église, aux deux familles et aux deux peuples. Marguerite de Valois, sœur du roi Charles IX, avait été désignée comme la future fiancée de don Sébastien ; mais la reine-mère, Catherine, sœur de Charles-Quint, était une princesse d'Autriche. Elle professait pour la France une de ces avesions passionnées qui n'ont de mobile que dans l'exaltation d'un sentiment patriotique mal compris. Pour repousser le mariage de son petitfils, Catherine ne déguisait pas ses véritables motifs. Son

neveu, l'empereur Maximilien, avait deux filles. En faisant échouer les projets du Pape, de Charles IX et des Jésuites, elle se flattait que, de guerre lasse, on revien drait à son plan primitif. Ainsi elle conserverait dans sa famille une couronne qu'elle ne voyait qu'avec effroi prête à être posée sur la tête d'une Française.

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Les courtisans de Catherine la berçaient de cet espoir et ils accusaient la Compagnie de captation sur le cœur de Sébastien. Ils avaient tant d'intérêt à ces manoeuvres, qu'une partie des bruits dont Pasquier s'est fait l'écho s'était répandue jusqu'au fond de l'Allemagne; et c'est dans une lettre du Père Laurent Maggio, Provincial d'Autriche, que nous en découvrons la trace. Au mois de mars 1571, il écrivait de Prague à François de Borgia : Ici on ne s'entretient que des affaires du Portugal, Des dépêches adressées d'Espagne annoncent que le roi agit en beaucoup de choses de manière à consterner tout le royaume. On ajoute que les nôtres' sont les instigateurs de cette conduite et qu'ils veulent faire de lui un Jésuite; il est même des gens qui assurent que ce sont eux qui l'empêchent d'épouser la sœur du roi de France. Je ne doute pas que tous ces bruits fâcheux ne soient parvenus à l'oreille de Votre Paternité et qu'elle ne cherche à y porter remède. Je ne saurais croire qu'aucun des nôtres entreprît quelque chose qui ne fût conforme à la raison et convenable aux circonstances présentes. Je verrais, au reste, avec beaucoup de peine qu'ils eussent donné occasion ou quelque juste raison à la malveillance et aux discours des ennemis de notre Société. Je suis convaincu rien ne peut nuire davantage à la bonne réputation de la Compagnie que de voir nos religieux s'immiscer

que

Lorsque les Jésuites parlent de leurs frères, c'est toujours ainsi qu'ils s'expriment,

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