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que ou par la disposition des esprits, opère une révolution, a rarement trouvé un jouteur assez habile pour lutter avec lui de verve et d'énergie. Le mensonge a plus de prise sur les cœurs que la vérité, et, au point de vue du triomphe, c'est toujours une tâche ingrate que de répliquer par la logique ou par l'histoire à des sarcasmes dont le peuple a envenimé les sanglantes morsures. Canisius n'était pas assez homme pour comprendre cette tactique, qu'au temps des Provinciales les Jésuites ne comprendront pas davantage; mais il répondit avec dignité à ces Centuries qui, comme le Protée de la Fable, empruntaient toutes les formes pour saisir toutes les intelligences.

Au milieu des travaux auxquels le condamnait ce vaste ouvrage, intitulé : Des altérations de la parole de Dieu, Canisius voit, en 1569, les archiduchesses Madeleine et Hélène, filles de l'empereur Ferdinand, fonder un Collége de Jésuites à Hall, dans le Tyrol. Le Pape et Borgia l'ont dispensé de tout ministère sacré, mais le Père ne peut modérer son ardeur. Les Évêques d'Allemagne invoquent son concours; ce concours ne leur fait jamais défaut. Canisius a encore des heures à consacrer aux souffrances morales de l'Église. Le Protestantisme redoutait sa parole; il ressentait le contre-coup de ses écrits. Le Protestantisme, qui n'avait pu le gagner à sa cause, s'imagine de répandre le bruit qu'enfin le Jésuite vient d'ouvrir les yeux à la lumière. Au dire des Luthériens, Canisius est luthérien comme eux, et, se mettant dorénavant au-dessus des considérations humaines qui l'ont attaché à la communion de Rome, il va suivre l'Évangile dans toute sa pureté primitive révélée par

Commentariorum de Divini Verbi corruptelis, libri duo; publié à Ingolstadt en 1583,2 vol. in-fol.

les sectaires. Canisius entraîne avec lui un certain nombre de Jésuites qui, à son exemple, s'engagent au ser vice de la Réforme.

Le Père annonçait la parole de Dieu aux paysans d'Elwangen. Le Cardinal d'Augsbourg lui fait part de ces bruits, qui consternent les Catholiques crédules et remplissent de joie les Luthériens, tirant un immense avantage de l'imposture. C'est à Wurzbourg que la calomnie a pris naissance, c'est de là qu'elle se propage dans l'Allemagne; il faut donc aller la combattre sur son propre terrain. Canisius arrive à pied dans cette ville populeuse; il en parcourt toutes les rues, convoquant les citoyens dans la cathédrale. La foule se presse sur ses pas: elle envahit l'église. Le Jésuite, tout couvert de la poussière des chemins, encore tout échauffé de la fatiu du voya ge, fait rougir ses amis et déconcerte ses ennemis. Devant une assemblée qui se renouvela trois fois, tant les esprits avaient besoin de se convaincre par euxmêmes! il démontre par la vivacité de sa foi et par l'ardeur de sa parole l'absurdité de ces imputations. Les Sectaires étaient confondus; ils ne pouvaient plus prêter une apparence de réalité à leurs mensonges. Ils cherchèrent un autre subterfuge.

Afin de se livrer aux études qui lui étaient imposées par le Saint-Siége, le Jésuite avait supplié François de Borgia de le décharger des fonctions de Provincial qu'il exerçait depuis long-temps. Le Général consentit à se rendre à cette prière de l'humilité; et le Père Maggio, son ami, lui fut, sur sa demande, désigné comme successeur. Maggio était un de ces types de douceur, de science et de politesse unie à la force, qui ont tant contribué à populariser l'Ordre de Jésus. L'influence de ce Père dans la Pologne et la Lithuanie était si patente que Pie V, après

avoir, par ses lettres apostoliques du 10 mars 1571, accordé aux Jésuites le droit de recevoir et de conférer en Ge: manie les grades académiques, lui écrivit pour confier à sa prudence la plus épineuse négociation auprès de Sigismond. Ce prince voulait répudier la reine, son épouse, pour cause de stérilité. Les Protestants le poussaient à cet acte; car ils savaient que, depuis Luther, c'était là un des mobiles les plus actifs de l'Hérésie. Maggio avait plus d'une fois paru dans les assemblées des magnats à Varsovie. Il s'acquitta avec tant d'adresse de la mission dont il était chargé que le roi de Pologne renonça à son projet. Un an après, il mourait, léguant sa bibliothèque aux Jésuites.

Il y avait déjà trois Colléges dans ses États, l'un à Braunsbourg, l'autre à Plotsk en Moravie, et le troisième à Vilna. En 1571, Adam Kornarsc, évêque de Posen, fondait une maison de Jésuites dans sa ville épiscopale. A cette nouvelle, les Hérétiques, qui se sentaient forts de l'appui du palatin Luc Gorca, leur coreligionnaire, mettent tout en mouvement pour s'opposer à l'introduction de la Compagnie. Leurs ministres agissent et font agir auprès du palatin. Ce prince était Luthérien, mais avant tout il était homme de liberté. « Si vous voulez repousser les Jésuites de notre territoire, dit-il aux pasteurs du Culte Réformé, il y a un moyen plus sûr que la persécution: imitez leur courage, et, comme eux, menez

une vie studieuse. »

Dans le même temps, l'archiduc Charles, gendre d'Albert de Bavière, les installait à Gratz, et au centre de ses provinces. Étienne Bathori, vaivode de Transylvanie, en demandait pour ses sujets, et la reine Catherine de Suède leur ouvrait son royaume pour y faire triompher la foi par l'éducation. Le duc de Bavière plaçait les Jésuites

dans l'Académic d'Ingolstadt. Il formait pour eux un nouveau Collège à Landshut, résidence de Guillaume, son fils aîné; et dans l'acte de fondation il disait :

« La sainte Compagnie de Jésus se montrant digne de notre affection par ses mérites et par ses vertus, nous pensons qu'il est juste de protéger et de favoriser tout ce qui peut contribuer à son avantage et à sa gloire, et d'autant plus que nous sommes à même d'apprécier combien cet Institut est nécessaire à la Religion Catholique. Et, certes, c'est en grande partie à cette Société que notre pays de Bavière doit le rétablissement de la foi de nos ancêtres, ébranlée par les malheurs des temps actuels. Nous aimons très-sincèrement cette Compagnie et nous ne désirons rien tant que de voir l'érection de plusieurs de ses Colléges, l'accroissement et la prospérité de ceux déjà érigés. »

Les Jésuites étaient donc partout sur la brèche en Allemagne. Balthazar de Dernbach, abbé de Fulde', en réclamait pour les opposer aux ravages que faisait l'Hérésie. Le Père Blyssem combattait la Secte des Utraquistes, qui prétendaient communier sous les deux espèces. Il ramenait à la Foi Catholique le chef de cette Secte, qui finissait par persuader aux autres membres du Consistoire de revenir avec lui à l'Église Romaine. Le Père Stanislas Warsevicz entreprenait la conversion de Jean Chothovicz, généralissime de Lithuanie et de Livonie. Par la réputation de ses vertus il exerçait, quoique absent, dans la diète de Lublin, où le nouveau roi de Pologne allait être nommé, une influence si déterminante que, malgré les efforts des Luthériens, les Catholiques l'emportèrent encore dans cette élection. Le duc d'Anjou, dont les

'C'était alors la plus riche abbaye de l'Europe; elle dépendait de l'Ordre de Saint-Benoît.

victoires de Jarnac et de Moncontour popularisaient le nom dans la Chrétienté, et qui plus tard régnera en France sous le titre de Henri III, fut appelé à ce trône,

D'un autre côté, le Père François Tolet avait dignement secondé le Cardinal commendon dans son ambassade germanique. Né à Cordoue le 4 octobre 1 532, il avait, presque enfant, professé la philosophie à l'Université de Salamanque. Au milieu de l'enivrement des succès littéraires conquis par ses talents, ce jeune homme avait tout abandonné pour entrer, en 1562, au noviciat des Jésuites. Neuf ans après, le Pape Pie V l'investissait de la confiance du Saint-Siége, et il suivait le légat envoyé en Allemagne pour réunir les monarques contre le Turc. Le Jésuite était dans son élément. Il proposait, il négociait des trêves entre les princes ennemis. Aux uns, il parlait de conciliation; aux autres, il faisait valoir des intérêts de famille ou de patrie; à tous il montrait le Croissant prêt à subjuguer le nord de l'Europe si une coalition de généreux efforts ne parvenait pas à l'abattre. Commendon et Tolet furent accueillis avec respect dans toutes les cours, car ils venaient au nom du Souverain Pontife pour sauver la Chrétienté. La légation produisit d'abondants résultats. Elle rapprocha les esprits que des ambitions locales avaient divisés; elle révéla même aux Protestants l'ascendant dont jouissait encore le Saint-Siége sur des rois et sur des populations qu'ils avaient égarés. La grande victoire de Lépante couronna cette ambassade.

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