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cesseur de Grégoire XIII, le même amour et la même bonté. Les Protestants annonçaient que l'Église s'écroulait sous leurs coups: l'Église leur répondait en amenant au pied de la Chaire de Saint Pierre des mondes nouveaux et des peuples dont la vieille Europe n'avait jamais entendu proférer le nom. Ce que Grégoire XIII ne put qu'ébaucher, Sixte-Quint l'acheva, et les ambassadeurs du Japon durent, en reprenant la mer, s'avouer que les Jésuites ne les avaient pas trompés.

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Le fils de Nobunanga cependant ne se soutenait qu'avec peine contre les lieutenants de son père; l'un d'eux, qui avait secondé Juste Ucondono, se mit en révolte ouverte et s'empara du trône; il se nommait Faxiba. Mais la victoire éveilla dans son cœur d'ambitieux désirs : ce nom vulgaire n'allait plus à son orgueil; il adopta celui de Taicosama, qui signifie grand seigneur. Le prince légitime n'avait pas su défendre sa couronne; il avait fui. Les Chrétiens, qui s'étaient sacrifiés pour lui, ne crurent pas devoir, par une guerre civile, plonger leurs compatriotes dans des calamités sans fin. Le Roi renonçait à ses droits; Juste Ucondono, Simon Condera et Augustin Tzucamindono, les chefs du parti catholique, firent leur soumission à l'usurpateur; cette soumission sans arrière-pensée consolidait son trône. Taicosama leur en tint compte en favorisant la Religion et les Jésuites. Ces événements signalèrent l'année 1583; la mort de Louis Almeida vint la terminer. Almeida n'était prêtre que depuis trois ans seulement; mais bien long-temps avant son élévation au sacerdoce il était entré dans la Compagnie, et avait fondé les chrétientés de Facata, de Ximabara, de Cocinoxu, d'Amacusa, de Funai et du Gotto.

L'Empereur du Japon s'entourait des généraux catholiques, ils possédaient sa confiance, il les plaçait à la

il

tête de ses armées et de sa flotte. En 1585, le Père Coëglio, profitant de cet âge d'or, se présente à la cour; demande à Taicosama l'autorisation de prêcher le Christ par tout le Japon. L'Empereur l'accueille avec respect et rédige un décret conforme à ses vœux; mais le prince, en habile politique, cherchait à faire tourner à son avantage les travaux des Jésuites. Afin de conquérir une paix éternelle, il rêvait de porter la guerre en Chine; il charge le Père Coëglio de lui obtenir des Portugais quelques vaisseaux dont il a besoin pour son expédition. Coëglio n'avait rien à promettre; il se contente de remercier l'Empereur et d'user de son autorisation. Le Bungo, le Fingo et Amanguchi furent le théâtre sur lequel les Pères étendirent leurs conquêtes; les Catéchumènes naissaient à leur voix ; mais, en 1587, le Roi d'Ormura, ce Barthélemy Sumitanda qui, le premier, avait soumis ses passions à l'Évangile, mourait dans les sentiments les plus pieux. François Civandono, le vieux monarque de Bungo, le suivait dans la tombe, et, à son dernier soupir, il confessait encore le Dieu des Chrétiens. La protection de Taicosama fit oublier ces pertes; le Jésuite Coëglio, Provincial du Japon, était devenu son ami; Taicosama lui accordait une confiance sans bornes.

Il ne régnait que depuis trois ans, et déjà le Christianisme avait pris un si prodigieux essor que, dans cet espace de temps, le nombre des néophytes avait doublé; on en comptait plus de deux cent mille, et parmi eux plusieurs rois ou princes avec les trois principaux ministres de l'Empereur. Nobunanga avait proscrit les Bonzes; Taicosama les immolait à son ambition. L'idolâtrie était menacée par les Jésuites; un événement malheureux la sauva. L'Empereur avait trois cents femmes dans son palais d'Ozaca; mais ce nombre de concubines

ne suffisait pas à son luxe de voluptés. Un ancien Bonze, nommé Jacuin, était le pourvoyeur de ses plaisirs; Jacuin, en parcourant le royaume d'Arima, découvre deux chrétiennes jeunes et parfaitement belles. Pour les Japonaises c'était un honneur que d'avoir attiré l'attention du monarque; les néophytes seules regardaient cet honneur comme un crime. Jacuin connaissait cette différence dans les mœurs; cependant, au nom de Taicosama, il veut conduire les deux vierges au palais; ses prières, ses menaces sont repoussées. Jacuin est introduit auprès de l'Empereur, il lui fait part du refus qu'il a éprouvé, Le prince s'indigne, et le Bonze ajoute: « Cet affront que vous adressent les femmes d'Arima retombe sur vous, sur vous qui protégez la loi chrétienne; c'est cette loi qui s'oppose à vos désirs. Bientôt, lorsque les Bonzes d'Europe auront affermi leur pouvoir, vòs désirs même les plus légitimes seront méprisés, comme la loi qui nous ordonne de respecter les boeufs, loj que les Européens violent en mangeant de leur chair sacrée. Ucondono, protégé par les navires portugais, est le compétiteur que les Jésuites vous réservent, et vous périrez parce que vous l'aurez voulu, parce que le serpent réchauffé dans

votre sein se retournera contre vous. »

Taicosama n'a pas besoin d'en entendre davantage : ordre est sur-le-champ donné à Ucondono d'abjurer le Christianisme, et au Père Coëglio de dire en vertų de quel titre il force les peuples à suivre des rites étrangers. Ucondono répond avec calme que l'exil et la mort l'effraient moins que l'apostasie. L'exil au Japon, c'était la confiscation de tous les biens, l'attente continuelle du supplice et la proscription de la famille, des amis, des clients même du condamné, Un caprice, encore inexplicable pour Ucondono, le privait en une seule nuit.

de toutes ses dignités, de toutes ses richesses; ce caprice entraînait dans son désastre sa femme, ses enfants, et le vieux Darius, son père. Les amis d'Ucondono l'entourent, ils le pressent, ils le conjurent de dissimuler au moins pour quelques jours; ils lui disent que la colère de l'Empereur s'apaisera au souvenir de ses services. Ucondono reste inébranlable; il va porter lui-même cette nouvelle à sa famille; sa famille partage la joie du martyr, elle se félicite de ses malheurs. Hier ils étaient princes; aujourd'hui ils sont dépouillés de tout, et cependant ils n'ont que des bénédictions à faire entendre. La route de l'exil est semée d'écueils; ils la prennent

en souriant.

Le Père Coëglio et les Jésuites avaient une autre conduite à tenir; la mort les épouvantait beaucoup moins que la faveur des rois idolâtres; mais ils assumaient sur leur salut éternel le salut de ces milliers de catéchumènes qu'ils avaient convertis; il fallait donc les proté– ger, ou, après avoir tout tenté pour leur assurer la paix, leur léguer l'exemple d'une sainte mort. La réponse de Coëglio à l'Empereur s'inspira de ce double sentiment. Taicosama ne leur accorde que vingt jours; ce temps écoulé, il déclare que le premier Jésuite rencontré au Japon subira le supplice des traîtres. Coëglio était dans l'impossibilité d'obéir à ce commandement; il n'y avait aucun vaisseau en partance, et la réunion immédiate des Pères disséminés dans l'intérieur des terres offrait plus d'une difficulté. La raison était concluante, Taicosama s'y rendit; mais il exigea que les Jésuites fussent gardés à Firando jusqu'au départ du plus prochain navire. Il promulgua dans chaque ville l'édit d'interdiction du culte catholique, et il annonça à ses sujets qu'il expulsait les missionnaires, parce qu'ils ensei

gnaient la loi du démon, qu'ils mangeaient du boeuf, et qu'ils détruisaient l'ancienne religion du pays. Le monarque venait, par un acte de sa volonté, d'anéantir toutes les espérances conçues. Il ne songea point seulement à assurer l'avenir contre les missionnaires; il fit un retour sur le passé et il décréta la mort ou l'exil pour tout Japonais qui n'abjurerait pas le Christianisme. La position était embarrassante. Coëglio consulte les princes et les seigneurs catholiques: tous sont d'avis que les Pères doivent céder à l'Empereur, se rassembler à Firando, et que les néophytes feront sagement de s'abstenir de tout signe extérieur de religion, sans compromettre néanmoins la dignité de leur

croyance.

Quand les Jésuites, à l'exception d'Organtini et de deux autres qui ne purent se résoudre à abandonner leurs Réductions, se virent réunis à Firando au nombre de cent dix-sept, on délibéra sur le parti qui restait à adopter. Fuir du Japon à la voix d'un homme, c'était replonger cet empire dans l'idolâtrie; désobéir aux ordres de Taicosama ouvrait l'ère des persécutions. Les jeunes gens, les catéchistes, les novices l'appelaient; mais les Pères hésitaient à exposer ainsi au danger tant d'âmes qui n'avaient jamais savouré que les douceurs de l'Évangile. Cependant l'ardeur triompha de la prudence; il fut décidé que les Jésuites demeureraient au Japon, se dévouant pour les Chrétiens qui allaient combattre pour Dieu. Au commencement de l'année 1588, le vaisseau portugais attendu relâcha en rade de Firando.

Les Jésuites font part de leur résolution au capitaine; ce dernier profite d'un vent favorable, et il s'éloigne du port comme il y est entré. La fureur de Taicosama ne connut plus de bornes; les Pères ont méprisé son autorité: il commande de brûler ou de renverser les deux cent

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