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Compagnie de Jésus : « Nos Pères n'étoient pas encore sortis du dict collége de Paris, quand déjà, en leur présence, on dissipoit leurs biens; et toutes fois, pour garder comme quelque forme de justice, on dressa l'inventaire de ce qu'on vouleut; et furent publiquement vendus quelques bleds, vins, livres et autres meubles. Les larcins étoient si notoires, que Doron, premier greffier de la cour, commis à la dicte vente, fut constitué prisonnier pour ses malversations en cet endroit; toutes fois il ne tint pas long-temps prison. Les plus beaux meubles que nous eussions au dict collége estoient grande quantité de toutes sortes de livres, au nombre de dix-huit ou vingt mille, divisés en cinq ou six librairies (bibliothèques), entre lesquels estoient ceux de feu M. Budée, que nous avions eus du don de M. le président de Saint-André. Ores il se peut dire que c'estoit la plus accomplie librairie de Paris, et peut-être de la France. De si grand nombre de livres très-rares, ne se trouve en l'inventaire avoir esté vendu que pour environ sept cents escus, et a esté recognu très-assurément que toutes les nuicts sortoient du collége crocheteurs chargés de livres, et tirant çà et là aux diverses maisons de la ville. »

Ce pillage ne satisfit point toutes les cupidités universitaires et parlementaires; elles s'étaient approprié la bibliothèque des Jésuites, il fallut procéder à la distribution de leurs biens. L'arrêt de bannissement décidait que les biens de la Compagnie seraient employés en œuvres pies. Ces œuvres pies se résumèrent, selon le vieux manuscrit, en pensions accordées aux Calvinistes. On poussa même plus loin le cynisme : Baugrand et Gosselin, deux prédicants renommés, Passerat, le Cicéron universitaire, et d'autres ennemis des Jésuites

s'installèrent dans leur maison'; ce fut pour eux une épave dont ils s'emparèrent sous les yeux du Parlement.

La Ligue était dissoute par le fait de l'abjuration de Henri IV: les uns faisaient acheter le plus cher possible leur fidélité future; les autres, en plus petit nombre, se retiraient dans leurs demeures, ne sollicitant rien du Roi pour l'avoir combattu. Les ducs de Mayenne et de Guise, Nemours, Montpensier, Villars, Brissac, le duc de Mercœur lui-même, imposèrent leurs conditions, qui furent toutes acceptées, toutes loyalement tenues. Ils avaient entrepris la guerre pour l'accomplissement d'un grand devoir; ils vendaient la paix comme une denrée qui s'impose sur les marchés. Les partis s'usent vite, en France surtout. Quand la lassitude arrive, on voit toujours leurs sommités se préparer sous le règne de l'ennemi de la veille les compensations qu'elles oublient de partager avec les hommes obscurs qui firent leur force. Henri IV avait le tarif de ces consciences; il régla son compte avec elles; mais il ne lui fut pas aussi aisé de capter la confiance des orateurs de la Ligue ou de les rallier par la perspective des honneurs ecclésiastiques.

Ces hommes, que le danger avait aguerris au martyre et qui espéraient ailleurs que sur la terre la récompense de leurs combats, ne demandèrent rien au Roi non réconcilié avec l'Église. Quelques-uns moururent atteints de folie; d'autres, comme Claude de Sainctes, Évêque d'Évreux, expirèrent dans les cachots. La plupart prirent la route de l'exil, se plongèrent dans les cloîtres ou s'isolèrent du monde. Gilbert Genebrard, nommé Archevêque d'Aix, pouvait faire confirmer ce titre par le Roi; il y renonça. Le Cordelier Feuardent, orateur à la parole

Passerat y mourut en 1602.

que

véhémente, s'ensevelit dans son couvent. Guillaume Roze, qui aux États de Paris a ruiné les espérances de Philippe II en proclamant la loi salique, Guillaume Roze rentre à Senlis, et c'est le seul qui élèvera la voix pour déclarer les Catholiques ont sagement agi. Afin de laisser à Henri IV le temps de calmer les esprits, les autres endurent sans récriminations les outrages dont les Calvinistes et les Ligueurs, devenus les alliés de l'Hérésie, prennent à tâche de les accabler. Ils eurent la dignité du silence, la plus difficile au cœur de l'homme politique.

Révolutionnaires dans la bonne acception du mot, ils ne semèrent pas le mal pour récolter le crime; ils accomplirent ce que les insurrections n'ont jamais osé tenter. Après dix ans de lutte, ils restèrent ce qu'ils étaient lorsque la Sainte-Union se forma. Ils y étaient entrés catholiques, ils en sortirent catholiques. C'est la seule révolution qui n'a jamais yu modifier sa cause première, et qui a voulu à la fin ce qu'elle exigeait au commencement. Quand les hommes, qui ont jeté le désordre dans l'opinion et dans les propriétés, sont gorgés de richesses, comblés d'honneurs, ou désenchantés par le contact des passions si mobiles du peuple, ils reviennent, sous une main qui les corrompt en les flattant, au point d'où ils étaient partis. Ils ont pitié de leur fanatisme d'un jour; ils sacrifient les chimères de la liberté, que l'ambition ou l'indigence leur fit exalter; puis ils s'effraient au nom seul de la divinité qu'ils intronisèrent. Ils reculent, parce qu'à leur tour ils aspirent à posséder et à jouir. Les prédicateurs de la Ligue avaient eu de ces entraînements funestes qui sont le partage de toutes les factions; mais, forts du principe qui avait fait leur puissance, ils se vouèrent à l'obscurité quand ce même principe triompha. L'unité catholique avait

remporté la victoire, Henri IV la proclamait; ils se crurent assez payés de leurs dangers passés. Alors, léguant aux révolutionnaires futurs un exemple qu'aucun d'eux n'imitera, ils montrèrent, en s'isolant, en se dépouillant même de leurs espérances, que ce n'était pas l'ambition et la cupidité, mais la Foi qui les avait fait combattre.

pour

Le bannissement des Jésuites, auquel Henri IV resta complétement étranger et qu'il ne sanctionna par aucun édit, car, en s'associant aux colères des dévoyés de Église, aux vengeances du Parlement et de l'Université, il sapait par la base ses heureux projets de conciliation, ce bannissement n'était qu'une pierre d'attente les Huguenots. De concert avec le Parlement et l'Université, ils avaient expulsé de France ceux qu'ils nommaient les satellites du Saint-Siége; il fallait lancer la monarchie sur une pente encore plus périlleuse. Henri IV était revenu à la foi de ses pères avec une sincérité dont les preuves ne manqueront pas dans cette histoire. Les Huguenots, triomphants par lui, se révélaient exigeants comme toutes les Sectes, et ils lui écrivaient': « Ne doutez pas qu'en vous faisant catholique vous ne couriez à votre ruine, et qu'en abandonnant le parti des Réformés ils ne vous abandonnent aussi. » A l'assemblée de Sainte-Foi, ils essaient de réaliser leur menace, et dans leur chimère républicaine, qu'ils ont toujours poursuivie jusqu'en 1793, ils arrêtent « qu'il sera établi un conseil politique en chaque province; que ces conseils pourront faire saisir les deniers royaux entre les mains des receveurs, pour le paiement des garnisons, et qu'ils établiront des subsides et des péages dans les lieux où il n'y a

Mémoires de la Ligue, t. v.

2

2 Procès-verbal de l'Assemblée de Sainte-Foi.

point d'élection. » A Saumur, une autre assemblée se réunit. Elle exige des chambres mi-parties et la liberté du culte public dans tout le royaume sans distinction. Cette assemblée allait devenir factieuse. Henri IV aimait, craignait et voulait ménager les Calvinistes. Afin de légitimer, au moins en apparence, leur synode de Saumur, il lui adresse des lettres de convocation. Le synode les rejette en prétendant « qu'il ne veut pas s'y astreindre, ayant le pouvoir de s'assembler sans telles et semblables lettres'. "

Les Catholiques, formant l'immense majorité de lạ France, n'avaient demandé à Henri IV que de se faire catholique comme eux; c'était le but avoué de la Ligue. Les Protestants, eux, ne s'arrêtaient plus à la question religieuse. Ils avaient proscrit les Jésuites; ils marchaient ouvertement à la fédéralisation des provinces et au démembrement du Royaume.

Procès-verbal de l'Assemblée de Saumur, 1595.

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