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1607, Philippe Canaye, seigneur de Fresne, ministre de France à Venise, écrivait à d'Alincourt, ambassadeur auprès du Saint-Siége, et il lui disait : « Le bon Père Possevin arrivera peu de jours après cet ordinaire et ne faudra de vous aller voir. Outre sa rare piété et érudition, il s'est employé à la rebénédiction de Sa Majesté avec tant d'affection que toute la France lui en est redevable.»

Au moment où le Père Possevin se dévouait pour forcer le Saint-Siége dans ses derniers retranchements, un autre Jésuite, un Espagnol, le Cardinal Tolet, prenait en main la cause de Henri IV; il la gagnait malgré le Roi d'Espagne et malgré la Ligue, « Le Cardinal Tolet, dit un historien de Henri IV', moins illustre encore par la pourpre dont il était revêtu que par sa science profonde et ses vertus chrétiennes, oubliant les haines nationales, bravant la puissance de l'Espagne et ses implacables ressentiments, porte le coup mortel à la Ligue autant par ses écrits que par ses paroles. Il fait taire l'envie par sa doctrine, tellement qu'entraîné par la gravité et par la force de ses conseils, le Souverain Pontife donne le baiser de paix à son fils pénitent. »

Un double lien attachait Tolet au Saint-Siége: il était Jésuite et Cardinal; il ne devait rien à la France, rien à la maison de Bourbon; ce qu'il allait faire, c'était l'anéantissement des plus chères espérances de Philippe II. Henri IV professait hier le Calvinisme, il peut y revenir demain et sacrifier aux Protestants la Compagnie de Jésus, qui alors sera privée de tout appui en Espagne et même à Rome. Néanmoins ce Jésuite sous la pourpre ose à lui tout seul accomplir la tâche qu'un autre Jésuite a commencée. Possevin a préparé les voies à la

1 Lettres et ambassade de messire Canaye, seigneur de Fresne, 1. 111, p. 21 (éd, de 1645). * Guillemi Sossi, De vita Henrici Magni, lib. 11, p, 81.

réconciliation du Roi avec l'Eglise; Tolet achève l'œuvre, et, dans une de ses lettres à Villeroi, secrétaire d'État de Henri IV, le Cardinal d'Ossat, plénipotentiaire de France, révèle tout ce que le Jésuite à entrepris contre la Ligue et en faveur de la justice :

« Je ne dois et ne puis taire, écrit-il, les bons offices qu'auprès du Pape et ailleurs a faits au Roi et à la France M. le Cardinal Tolet; tellement qu'il se peut dire avec vérité qu'après Dieu ledit Seigneur Cardinal a plus fait que tous les autres hommes ensemble; et est chose émerveillable que, du milieu de l'Espagne, Dieu ait suscité un personnage pour conseiller, procurer, solliciter, acheminer, avancer et parfaire ce que les Espagnols abhorrent le plus. »

Tolet avait pris si fort à cœur la pensée de pacifier la France que rien ne lui coûta pour la réaliser. Le Père Commolet s'écriait dans un de ses sermons prêché à Paris le 3 décembre 15931. « Vous dites que le Roi de Navarre est un magnanime prince, guerrier, victorieux, benin et clément; je le veux bien, et encore plus que vous ne sauriez m'en dire; mais de la Religion vòùs ne m'en parlez pas. Donnez-nous assurance seulement qu'il maintiendra notre Religion, et qu'il ne fera point de mal aux pauvres Catholiques, et puis vous en venez àmoi: je vous montrerai que je ne suis point Espagnol. »

Le Père Commolet disait vrai; car à peine eut-il acquis la certitude què la conversion du Roi était sincère qu'il partit pour Rome. Selon Dupleix, historiographe d'Henri IV, et d'après les lettres du Cardinal d'Ossat, Commolet s'employa à lui obtenir l'absolution du Pape

Lettres du Cardinal d'Ossat. 1595.

2 Journal de Henri IV, par L'Estoile, décembre 1593.

3 Lettres du Cardinal d'Ossat à Henri IV, 16 février 1595. — Dupleix, Histoire de Henri-le-Grand, p. 191.

avec autant de zèle qu'il en avait montré afin d'éloigner l'Hérésie du trône de France. Ce zèle de Commolet pour l'Église et pour le Roi était si connu que Henri IV le choisit pour travailler à la conversion de sa soeur, la duchesse de Bar. Commolet ne trompait personne en assurant qu'il n'était pas Espagnol. Le Cardinal-Jésuite prouvait en même temps au Jésuite français qu'il l'était encore moins que lui sur cette question. Le Souverain Pontife avait des scrupules, des préjugés peut-être. Tolet se dévoua à dissiper les nuages amoncelés contre Henri IV. Il y parvint, car il avait un plus grand mobile que toutes les affections, que toutes les haines terrestres; et « après que le Pape, raconte Antoine Teissier', eut résolu l'absolution du Roi, il envoya querir Tolet. Il lui dit que la nuit il avait eu quelque révélation qui l'empêchait d'accorder au Roi ce qu'il souhaitait. A quoi ce Cardinal répondit : « Saint Père, il faut que cette inspiration vienne du diable; si elle venait de Dieu, elle aurait précédé l'absolution. »

Clément VIII ne balança plus. En admettant Henri IV à la Communion Romaine, il enleva aux Ligueurs tout prétexte de rébellion et de complot. Un an après, le 14 septembre 1596, Tolet mourait à Rome, et d'Ossat, en annonçant cette nouvelle à Villeroi, s'exprimait ainsi 2: « M. le Cardinal Tolet décéda samedi 14 de ce mois; en quoi l'Église a perdu une très-grande lumière, le Pape son principal conseiller, le Roi et la France un personnage très-affectionné. Je vous mettrai ici en considération s'il ne serait pas bon que le Roi lui fît faire un service en la principale église de la ville où il se trouvera, ou

› Eloges des hommes savants tirés de l'Histoire de M. de Thou par Antoine Teissier, t. IV, p. 245.

Lettres du Cardinal d'Ossát, t. 11, lettre 80.

à Notre-Dame de Paris, ou en toutes deux. J'ai opinion que cela accroîtroit son bon nom. Si n'étoit que je désire que Sa Majesté en ait la louange, je lui en eusse fait faire un en l'église de Saint-Louis. >>

Quand les dépêches de d'Ossat parvinrent à Henri IV, il séjournait en Normandie. La perte qu'il faisait lui fut si sensible qu'il adressa sur-le-champ à Clément VIII la lettre autographe suivante, qui est déposée aux archives du Vatican :

« Très Sainct Père, deux choses nous ont faict sentir et recevoir avec beaucoup de regret et de desplaisir la nouvelle de la mort de feu nostre très cher cousin le Cardinal de Tolet : l'une, l'amitié que nous sçavons que Votre Saincteté lui portoit, fondée non-seulement sur son propre mérite, mais sur sa vye exemplaire et les grandes et rares vertus dont il estoit orné, qui le rendoient universellement recommandable; l'autre, l'obligation particulière qu'il avoit acquise sur nostre personne et sur ce Royaume pour avoir si constamment embrassé nostre défense auprès de Vostre Sainteté et nous avoir facilité le chemin à obtenir l'absolution dont elle a voulu nous rendre digne, qui n'avoit été moings désirée de nous qu'elle estoit attendue de nos peuples et subjets pour l'entier repos de leurs consciences; et encore que nous ne doubtions point que Vostre Sainteté n'ayt porté ceste perte avec sa constance accoustumée, toutesfois, comme nous participons aux ennuys de Vostre Saincteté ainsi que nous faisons aux bons et favorables succès qui lui peuvent arriver, nous avons bien voulu nous en condouloir avec elle par ceste lettre et luy représenter combien nous pensons debvoir à la mémoire d'un si digne subject aymé et favorisé de Vostre Sainteté avec tant de mérite, ainsi qu'elle entendra plus particulièrement de

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