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pour remédier à tant de maux, lorsque tant d'autres unissent leurs voix pour chanter la divinité Si nous étions un Ordre militaire, s'il fallait courir aux armes, s'il fallait défendre contre les attaques des barbares les biens et la vie des fidèles; dans un besoin aussi pressant, serait-il juste de nous imposer l'obligation de psalmodier au choeur, ou toute autre chose de cette nature? Eh! révérendissimes seigneurs, dans les temps où nous vivons, notre Compagnie n'a pas les corps, mais les âmes à défendre; ou plutôt elle défend et les corps et les âmes, mais surtout les âmes, en faisant une sainte guerre, non contre les ennemis de la chair et du sang, mais contre les princes et les puissances des ténèbres et leurs satellites. Si nous étions astreints au chœur, il eût été bon de nous en dispenser pour nous lancer tout entiers contre l'ennemi. Et quel motif, lorsque déjà nous succombons sous le poids des anciens fardeaux, pourrait engager à nous en imposer de nouveaux et de plus lourds? Si l'on n'exige point de ces Religieux qui se livrent à un saint et louable repos qu'ils troublent leur paix et leur céleste conversation pour vaquer aux soins laborieux de Marthe; pourquoi, nous qui sommes descendus pleins d'ardeur dans cette arène, pour travailler au bien commun, serions-nous arrêtés? Souvent les misères du prochain nous accablent à tel point que nous pouvons à peine ravir l'instant nécessaire pour réciter seuls l'Office Divin, sans nous astreindre à des heures réglées. Qu'arrivera-t-il donc si nous sommes attachés au choeur, qui exige des heures réglées, qui contraint à demeurer en place, et qui fatigue de telle sorte qu'après avoir enlevé tout le temps qu'on y consacre il prend encore le peu qui reste, parce que l'esprit, déjà absorbé par le chant, demande plutôt à se reposer qu'à se briser encore par

des travaux longs et pénibles? Dans les Ordres où le choeur est établi, les Religieux qui prêchent, qui s'adonnent à l'enseignement ou aux études, ceux qui sont surchargés d'autres occupations graves s'en voient presque entièrement dispensés. D'où nous concluons que cette dispense doit s'étendre à tous les membres de notre Compagnie, puisqu'il n'en est aucun qui ne s'applique aux études ou à l'enseignement, ou encore qui, pour le bien général, ne traite des affaires de la plus grande importance.

» Cela est d'autant plus juste que les études faites afin de travailler au salut du prochain ne nécessitent pas seulement l'application pour trouver les moyens et la manière de venir à bout de ce projet, pour demander à la science, à la sagesse, à l'éloquence, les secours nécessaires au salut des âmes, mais qu'elles doivent encore s'appuyer sur les fondements des vertus solides et parfaites; de peur que, tout en nous efforçant de relever et de guérir les autres, nous ne venions nous-mêmes à tomber et à contracter la souillure du péché. Voilà pourquoi, non-seulement nous devons prêcher, enseigner et rechercher les expédients qui peuvent être utiles au bien et à la sanctification des âmes, mais encore, outre les autres devoirs de la discipline religieuse, pourquoi il nous faut méditer sérieusement et descendre deux fois le jour jusqu'au fond de notre conscience; pratiques qui nous sont imposées par nos règles afin de prémunir notre âme et de la fortifier, afin que non-seulement, sans courir aucun danger de notre part, nos soins puissent être salutaires aux autres, mais encore pour que leur utilité s'augmente avec nos vertus et en raison de notre union plus étroite et plus intime avec la Bonté Souveraine, principe et auteur du salut des âmes.

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Que faut-il donc omettre pour trouver le temps de

nous livrer à ces occupations nouvelles? Sont-ce les soins ayant pour objet notre perfection propre ou ces travaux consacrés au bien public? Soit, nous y consentons; mais que répondrons-nous à ceux qui viennent nous chercher à toute heure du jour et de la nuit pour nous mener auprès des mourants, des condamnés qui vont subir le supplice, des malades, des prisonniers, de tout chrétien, en un mot, dont l'âme est affligée d'une peine quelconque? Que leur répondrons-nous quand ils viendront réclamer de nous ces soins dont ils se sont fait une habitude et qu'ils exigent déjà de nous comme un devoir? Nous suffira-t-il d'alléguer les obligations inviolables du choeur, tandis que pour eux il s'agit de l'éternité, tandis que des âmes immortelles demeurent suspendues entre le ciel et l'enfer? Qu'aurons-nous encore à répondre aux empereurs, aux rois et à tous les princes, aux évêques et aux villes, lorsqu'ils nous diront qu'ils n'ont élevé à la Compagnie tant d'établissements, pour le bien de leurs peuples, que dans la persuasion qu'elle y demeurerait? Que si, dans l'intérêt de ces mêmes âmes pour lesquelles Jésus-Christ a versé son sang, et les saints Apôtres ont consumé leur vie en parcourant jour et nuit les provinces et appelant sur eux tous les genres de fatigues, le Saint Père est d'avis qu'il faille plutôt rallumer le zèle que le ralentir, alors nous prions et nous conjurons Sa Sainteté, qu'à l'exemple des autres Pontifes qui, par des faveurs et une bonté singulière, ont toujours ranimé notre courage pour supporter les travaux de l'apostolat, elle veuille bien agir avec la même bienveillance, plutôt que de nous plonger dans la tristesse et le découragement! Tous cependant nous sommes prêts, comme nous l'espérons, avec le secours de la grâce, à respecter dans le moindre signe de sa volonté la volonté

de Dieu; mais il faut songer aux sentiments qui agiteraient les autres corps religieux s'il s'agissait de changer leurs lois.

» Nous aussi nous sommes hommes, et l'on ne peut douter qu'il y ait dans notre Compagnie des Religieux qui ne l'eussent jamais été s'ils eussent prévu qu'on y établirait le choeur. Maintenant encore ils ont pour lui fort peu d'inclination, parce que, disent-ils, il n'entre pas dans leur profession, et que, si telle eût été la volonté de Dieu, il l'eût manifestée à Ignace, notre fondateur. Ils appuient leur sentiment sur celui des docteurs qui enseignent qu'on n'est pas lié par les règles auxquelles on ne s'est pas engagé. C'est pourquoi la bonté indulgente du Saint Père voudra bien avoir égard à leur faiblesse, et faire en so te que non-seulement ceux de notre Compagnie y demeurent volontiers et avec joie, mais encore qu'ils travaillent avec allégresse dans la vigne du Seigneur.

» Il est à craindre que tel, plus faible, ne vienne à négliger le salut des âmes; et que, tandis qu'il pensera avoir assez fait pour sa conscience et son honneur devant les hommes en assistant au choeur, les champs du père de famille, déjà mûrs pour la moisson, ne périssent faute de moissonneurs. Il est à craindre en outre que le nombre des ouvriers ne vienne à diminuer, parce que cette nouvelle obligation pourra en empêcher plusieurs d'entrer dans la Compagnie, soit qu'ils aient moins d'attraits pour ce genre d'occupation, soit que cette réforme vienne à leur faire concevoir une opinion moins favorable de notre Institut, au grand préjudice de la Compagnie et de l'Église tout entière. Car enfin un changement si notable ne peut se faire sans imprimer une tache sur notre front; et lorsque les hommes, parmi lesquels beaucoup ne nous veulent pas de bien, apprendront

qu'un Pontife si pieux, qui s'applique avec tant de zèle à réformer les mœurs dans l'Église, a changé l'Institut de notre Compagnie, que penseront-ils? Que cette réforme sans doute était indispensable, ou, ce qui est déjà un assez puissant motif pour rougir, qu'un Pape si saint ne nous a pas approuvés. Puis, lorsque notre autorité, qui est notre seul ou du moins notre principal appui, sera ébranlée dans l'esprit des peuples, quelle perte pour le bien public! Enfin, si nous jetons nos regards sur les siècles passés, nous n'y découvrirons guère de Souverains Pontifes qui aient donné cet exemple de changer l'Institut d'un Ordre religieux. En effet, Dieu n'a-t-il pas révélé aux fondateurs le genre de vie par lequel il voulait que chaque Ordre le servît, et qui serait comme le canal de ses grâces et de ses largesses? Aussi voyons-nous qu'un Ordre prend son éclat et sa vigueur dans l'attachement avec lequel il conserve les anciennes formes qui lui ont été transmises par son fondateur; parce qu'alors Dieu favorise ses efforts et répand sur lui une rosée féconde, tandis que les hommes, de leur côté, autant qu'il est en leur pouvoir, exécutent avec foi et humilité ce qui leur est prescrit, sans jamais franchir les limites, soumis et dociles sous l'action de Dieu et se prêtant merveilleusement à l'ordre de la Providence. C'est pourquoi, jusqu'à ce jour, lorsque quelqu'Ordre religieux approuvé avait donné des signes de décadence, les Souverains Pontifes s'étaient-ils uniquement appliqués, pour le réformer, à lui rendre sa discipline première. Mais puisque la Compagnie, par le secours de la grâce divine, ne tend qu'à conserver ses anciennes Constitutions; puisque, loin d'y laisser introduire aucun relâchement, elle travaille plutôt à les rendre plus étroites et à les perfectionner; puisqu'en restant

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