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profondeurs un venin d'hérésie vaudoise que la sauvage âpreté des habitants ne permettait pas d'extirper. Les efforts de plusieurs envoyés du Saint-Siége avaient échoué dans cette mission. Borgia fait partir Christophe Rodriguez pour ces montagnes. La patience du Jésuite triomphe de l'obstination des Calabrais; mais pendant ce temps (9 décembre 1565), le pape Pie IV expirait entre les bras du cardinal saint Charles Borromée et de saint Philippe de Néri. Le 7 janvier 1566, le dominicain Ghisleri, plus connu sous le titre de cardinal Alexandrini, lui succédait sur la Chaire de saint Pierre. Né dans une condition pauvre, près de la ville d'Alexandrie, qui plus tard s'honora de lui donner son nom, Ghisleri, à peine âgé de quatorze ans, entra dans l'ordre des Frères Prêcheurs. L'éclat de ses talents, l'austérité de ses mœurs et la sévérité qu'il déploya contre les abus introduits dans le clergé l'élevèrent au Cardinalat. Un jour enfin, ce moine sans parents, sans fortune, fut appelé par le Conclave à s'asseoir sur le trône électif d'où venaient de descendre les Médicis et les Farnèse. L'Église comprenait et appliquait ainsi le principe de l'égalité.

Le nouveau Pontife était un homme qui possédait au plus haut degré l'énergie du bien et qui ne savait pas courber ses convictions sous le joug des considérations humaines. Pie V avait suivi l'Institut de saint Domini

que; par la propension naturelle au cœur humain, il était naturel de prévoir qu'il serait peu favorable à l'Ordre Religieux que le monde posait en rival de celui des Dominicains. L'acharnement avec lequel Melchior Cano poursuivit la Société de Jésus n'était pas oublié, et les méchants, ou plutôt les sages selon le monde, jouissaient à l'idée de voir le Pape donner corps aux prédications furibondes d'un de ses anciens frères de couvent.

Mais dans les esprits droits, dans les cœurs qui se passionnent pour la vérité, il peut bien exister une émulation généreuse; il devient impossible d'y faire germer une de ces répulsions à courte vue, sacrifiant l'avenir au présent. Le dominicain Ghisleri, comme les chefs de l'Ordre des Frères Prêcheurs, avait salué la Compagnie de Jésus à son aurore, il l'avait accueillie en sœur. Le cardinal Alexandrini était l'ami de la plupart des Jésuites, celui de François de Borgia en particulier. Il ne se laissa donc pas prendre au piége que des jalousies ambitieuses tendaient à sa ferveur de Dominicain. On répandait le bruit que le Pape allait détruire l'Institut de Jésus, établi, disait-on, et protégé par ses deux prédécesseurs au détriment des autres Instituts. Pie V sentit qu'il devait protester par sa conduite contre d'aussi perfides insinuations. Il le fit avec cet éclat de franchise qu'il mettait dans tous ses actes. Au moment où, entouré des pompes de la cour romaine, il se rendait processionnellement à la basilique de Saint-Jean-de-Latran pour procéder, selon la coutume, à sa prise de possession du Pontificat suprême, le Pape s'arrête en face de la Maison Professe du Gesu. C'est violer l'usage, l'usage qui, à Rome, a plus force de loi que la loi elle-même; mais Pie V comprend qu'il faut réduire au silence les suppositions hasardées.

On a prétendu qu'il serait hostile aux Jésuites : le Saint Père veut leur donner une marque solennelle de son estime. François de Borgia est appelé; il s'approche du trône portatif sur lequel est assis le nouveau souverain. Pie V l'embrasse avec effusion, il l'entretient long-temps et à haute voix des services rendus à la Catholicité par les disciples de Loyola; il les encourage à persévérer; puis il s'éloigne, laissant toute sa cour et

les Jésuites eux-mêmes stupéfaits de cette démonstration insolite.

Le Pape n'était pas homme à s'arrêter en aussi beau chemin. Membre du Sacré Collége et Grand Inquisiteur, il avait pu étudier à fond les mobiles de corruption qui travaillaient le Clergé et le peuple : il était dans ses intentions de les étouffer. Afin d'y parvenir, il ne crut pouvoir mieux faire que de demander au Général des Jésuites un prédicateur qui, avec l'autorité de la vertu, retracerait aux Papes et aux Cardinaux les obligations imposées par la pourpre et par la toute-puissance pontificale. Salmeron remplit le premier ces fonctions; François Tolet lui succéda. Le Consistoire avait un Jésuite pour orateur. Pie V désira que d'autres Pères prêchassent aux officiers de son palais et à ses gardes nobles la réforme des mœurs.

Paul IV avait chargé Laynès d'introduire la régularité et l'ordre dans les burcaux de la Daterie. Pic V enjoignit à la Compagnie de mettre la dernière main à l'œuvre commencée. D'autres Jésuites encore traduisaient en toutes les langues vulgaires le catéchisme du Concile de Trente pour l'instruction des prêtres. Emmanuel Sa et Pierre Para travaillaient sous ses yeux à rendre correcte l'édition de la Bible dont tant de doctes personnages se sont occupés. La vigilance du Pape s'étendait plus loin. Il venait de pourvoir aux besoins des classes élevées; dans son zèle apostolique il lui restait un devoir plus sacré à remplir. Il fallait propager la lumière et la consolation de Dieu chez les pauvres : les Jésuites furent choisis pour cette mission.

En 1566, dans la première année de son exaltation, une maladie contagieuse, d'une nature extraordinaire, sévit à Rome. Les personnes atteintes par le fléau tom

baient dans une langueur mortelle qui se communiquait. rapidement aux habitants du même logis. La mort était instantanée; mort affreuse, car elle saisissait dans les bras de la vie et elle emportait sans transition au tribunal de Dieu. Ainsi qu'il arrive dans ces pestes, le peuple, toujours indigent, toujours pris au dépourvu, se voyait abandonné à ses misères de chaque heure et à l'abattement nouveau que ce mal propageait. Il mourait à l'improviste, sans rien espérer des secours humains, sans pouvoir compter sur les secours religieux.

Pour se précipiter au-devant de tant de malheurs et pour les conjurer, Borgia et ses compagnons n'attendent pas les ordres du Pape. L'humanité leur révèle ce qu'ils ont à entreprendre; ils l'exécutent. Ils avaient devancé la pensée de Pie V; elle leur vint en aide. En sanctionnant ce qu'ils avaient fait, Pie V leur commande de faire encore davantage, et d'organiser partout la charité. Les Jésuites se partagent les différents quartiers, Borgia est à leur tête; ils pénètrent dans les plus pauvres réduits; ils soignent, ils consolent, ils bénissent les mourants; ils apprennent aux valides à ne pas perdre courage; ils enseignent aux riches que c'est dans de pareilles calamités qu'ils doivent savoir jeter leurs trésors en bonnes œuvres.

La Société des Jésuites avait lutté avec tant de bonheur contre le fléau, elle s'était dévouée avec un zèle si beau de succès que le Souverain Pontife résolut de les récompenser selon leurs mérites et surtout selon leurs désirs. Il promit à Borgia d'employer toujours les Pères lorsque la Ville Éternelle serait en proie à de semblables

désastres.

Dans le même temps, l'infatigable Pontife choisissait quatre Évêques pour visiter les diocèses du patrimoine

de l'Église. A ces prélats renommés par leur science et par leur vertu, il adjoignit des Jésuites afin de rendre plus facile la tâche qu'il imposait. Témoins des merveilles opérées dans la Romagne par ces visiteurs apostoliques, les autres évêques d'Italie prient le Pape de leur envoyer des Pères de la Compagnie de Jésus. Borgia désigne ceux qui doivent être investis de ces fonctions; ils partent. Bientôt de toutes les cités il ne s'élève qu'un cri de bénédiction.

Il n'y avait pas encore de prêtres spécialement attachés aux troupes de terre et de mer. Des ecclésiastiques, volontaires pour ainsi dire, des moines principalement, suivaient les expéditions militaires et s'efforçaient de rendre chrétienne la bravoure des soldats. Le Pape et le Général régularisent cette conception. Les Jésuites encore sont désignés par le Saint-Siége pour la faire pros

pérer.

Salmeron, provincial de Naples, se reposait de ses travaux passés, de ses légations aux Pays-Bas et en Pologne, en déclarant la guerre au Protestantisme, et en composant les ouvrages qui ont fait de ce disciple de Loyola l'un des écrivains les plus remarquables de son temps. Mais, dans ce royaume si voisin de Rome et alors sous la domination espagnole, le Protestantisme n'osait pas marcher tête levée; il s'infiltrait par voie d'insinuation. Salmeron pressentit les progrès que ces voies tortueuses allaient faire faire à l'Hérésie; il les paralysa en les démasquant, et « la ville de Naples, dit le chroniqueur d'Oultreman, luy sceut bon gré de ce qu'il descouvrit les petits renardeaux d'hérétiques, qui finement s'étoient glissez dans cet Estat et y commençoient à jouer de leurs tours. » Bobadilla visitait les diocèses d'Italie; de là il passait en Valteline, puis en Dalmatie,

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