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n'appartient qu'à celui qui est cloué sur la croix. Ainsi, celui qui n'est pas sur la croix, pourquoi recherche-t-il le titre de monarque? Et s'il le recherche, il n'est pas sur la croix, il ne connaît pas la croix. Car pour celui qui est véritablement crucifié, les honneurs sont des clous; les plaisirs, des épines; les louanges de l'homme, des outrages et des insultes. Vous donc qui aspirez aux hautes charges, ignorez-vous que le fils de Dieu a été élevé sur le calvaire pour expier l'orgueilleuse élévation de votre âme! Insensé qui t'estimes toi-même! Le disciple de Jésus-Christ est bien différent de ceux qui demandent à la terre des titres honorifiques. Voyez les titres dans lesquels met sa gloire celui dont le nom est au-dessus de tout nom je suis un ver de terre et non un homme, l'opprobre des hommes et le rebut de la populace. Quel châtiment ne mérite donc pas l'ambitieux, et quoi de surprenant si nos lois n'ont pour lui que des foudres? Ainsi, quand nous serons assemblés pour élire un Général, loin, bien loin de nous l'ambition! Qu'elle ne trouve pas même le chemin de notre porte; si elle venait à pénétrer jusque-là et à frapper, craignons de lui prêter l'oreille. Réveillons dans nos âmes le zèle pour la gloire du Seigneur notre Dieu; souvenons-nous de notre vocation, car nous avons été choisis par les entrailles de la miséricorde divine pour fouler aux pieds l'ambition mondaine, pour élever au-dessus de notre téte l'opprobre de la croix ! Si au contaire j'ouvre encore la porte de mon âme à l'ambition, que j'avais bannie par mon entrée en religion, je suis un prévaricateur. Notre Compagnie n'est-elle pas la Compagnie de Jésus? n'est-elle pas glorieuse de ce nom? n'est-ce pas là son rempart? Et parmi les compagnons de Jésus, il se rencontrerait quelqu'un qui oublierait Jésus-Christ pour se chercher lui-même?

» O mes Très Chers Pères! je vous y exhorte, et je Vous y exhorte encore; considérons notre vocation, écoutons notre maître, ce même Seigneur Jésus qui nous crie: Les rois étrangers les tiennent sous leur domination, et ceux qui ont l'empire sur eux sont appelés Bienfaisants pour vous, qu'il n'en soit pas ainsi; que le plus grand parmi vous soit comme le plus petit, et que le chef soit comme le serviteur de tous. Je vous l'ai déjà dit, tous les yeux sont fixés sur nous pour voir, quand il s'agit de faire un choix, si la Compagnie sait le faire excellent comme elle le prescrit. S'il en est autrement, ô douleur! qui pourra nous souffrir convaincus de mensonge, lorsqu'à peine on nous tolère maintenant que nous sommes véridiques? Profitons donc du conseil que J.-C. nous donne, et que personne ne craigne, comme un enfant du siècle, d'affliger quelqu'ami. Car nous donner un Général à notre goût, dont les pensées et les sentiments s'accordent avec les nôtres, c'est peine perdue. Il arriverait ce que Samuel prédit aux Israélites du roi qu'ils demandaient : qu'il leur enlèverait leurs biens, juste punition d'un Dieu vengeur qui change en tristesse la joie qu'on se promettait d'abord. Il n'est pas rare de voir que les sources où l'on ne puisait auparavant que des eaux dɔuces, n'en donnent bientôt plus que d'amères.

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Malheur donc, malheur à l'homme qui attend son bonheur de l'homme! Mais pourquoi vous tenir un pareil langage? Tout cela, mes Très Chers Pères, ne le savez-vous pas mieux que moi? tout cela n'excite-t-il pas en vous une plus grande sollicitude qu'en moi? N'en aperçois-je pas parmi vous quelques-uns qui ont travaillé aux Constitutions même? Puis-je douter que vous ne soyez tous revêtus de J.-C, et que vous ne persévériez

dans l'esprit qui nous a réunis? Il ne vous reste plus qu'à supplier humblement le Seigneur de répandre lą lumière dans nos âmes, afin que celui qu'il a choisi luimême pour être le pasteur de ce troupeau, la tête de ce corps, fixe aussi notre choix et nos suffrages, et de coufirmer son œuvre par sa grâce. Alors nous pourrons dire Il nous est né un chef; le Seigneur nous a donné un père; une merveille s'est opérée sous nos yeux. Réjouissons-nous dans celui qui nous l'a imposé comme pasteur, qui nous a choisis pour son peuple et son bercail, et, comme des enfants nouveau-nés, renouvelons-nous dans l'esprit de notre Compagnie. Que potre foi devienne plus robuste, notre espérance plus ferme, notre charité plus ardente, notre obéissance plus prompte, notre chasteté et notre pauvreté plus parfaites! Que l'adversité et les malheurs nous trouvent plus intrépides; dans les affaires du siècle, soyons plus réservés et plus prudents; montrons-nous plus ardents à travailler au salut du prochain, plus vigilants sur nous-mêmes! C'est là notre vocation, c'est là notre sort et notre partage. est saint de viser à ce but, très-saint d'y être parvenu.

Si la Compagnie accomplit son œuvre, tous les jours de notre vie nous serons en présence du Seigneur, dans la sainteté et la justice : nous éclairerons ceux qui marchent dans les ténèbres, et nous guiderons leurs pas dans la voie de la paix. Que celui qui est la paix véritable et l'auteur de la paix nous accorde cette grâce et sa bénédiction pour le choix que nous allons faire. Qu'avec nous demeurent pour nous conserver et nous diriger la puissance du Père, la sagesse du Fils, la bonté et l'amour du Saint-Esprit. ›

L'homme qui venait de parler en termes si sublimes de conviction avait sujet de redouter que l'on chargeât

sa maturité d'un commandement dont il était digne. Il s'adressa donc à Salmeron et à Ribadeneira pour tâcher de détourner le coup qui allait être porté à son abnégation, et il leur écrivit :

« Je crains que quelques-uns ne se laissent encore éblouir par je ne sais quel faux éclat de la misère dont je me suis séparé en quittant le monde. Cela peut contribuer à leur inspirer la pensée de m'imposer une tâche pour laquelle je reconnais devant Dieu n'avoir ni la force du corps, ni la santé nécessaire, et bien moins encore les forces de l'esprit et de la vertu.

» La grâce que j'ai à solliciter de vous est que vous me déclariez sincèrement et en véritables amis si vous jugez que je doive ou que je puisse, selon Dieu, m'aller jeter avant l'élection aux pieds de tous les Pères pour les conjurer de ne jamais songer à un choix si fort au-dessous d'eux, qui me serait à moi-même si préjudiciable et qui le serait encore bien davantage à notre Compagnie. » Salmeron et Ribadeneira combattirent cette humilité par des raisons même d'humilité. Ils lui représentèrent que vouloir détourner ainsi le suffrage d'électeurs dont le choix n'était pas connu serait en provoquer la pensée, et qu'il y avait plus de vertu à laisser faire l'esprit de Dieu.

Le Père se soumit. Le 2 juillet 1565, fête de la Visitation de la sainte Vierge, jour où huit années auparavant Laynès avait été nommé, dom François de Borgia fut élu troisième Général de la Compagnie de Jésus. Au premier scrutin il avait réuni trente-une voix. Les sept suffrages qui, en défalquant le sien, ne s'étaient pas portés sur lui, étaient ceux des Jésuites qui connaissaient plus intimement Borgia. Ils n'avaient pas voulu contraindre un homme, si amant de la solitude et de la prière, à déserter les choses divines pour s'appli

quer aux affaires terrestres. Le choix comme la répulsion était un hommage rendu de différentes manières. Les autres, en le nommant, avaient pensé que l'ancien duc de Gandie saurait bien encore, comme du temps d'Ignace et de Laynès, abandonner Dieu pour Dieu.

Salmeron, l'assistant du vicaire général et le plus ancien des profès, proclama le décret d'élection. Il était ainsi conçu :

« La Congrégation étant légalement assemblée et complète, le nombre des suffrages ayant été exactement compté, comme le révérend Père François de Borgia se trouve nommé et élu par plus de la moitié des votants moi, Alphonse Salmeron, par l'autorité du Siége Apostolique et celle de toute la Compagnie, j'élis et je choisis ledit révérend Père François pour Supérieur général de la Compagnie de Jésus, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

» A Rome, dans la maison de la Compagnie de Jésus, le 2o jour de juillet de l'an 1565.

» Au nom de tous, j'ai signé : ALPHONSE SALMERON. » JEAN POLANQUE, secrétaire de la Compagnie de

Jésus. "

Les traits altérés et les yeux pleins de larmes, Borgia entendit lire ce décret, qui était pour lui une condamnation. Son esprit était tellement bouleversé qu'il ne trouva même pas de paroles pour protester. Quelques heures après, et au moment où les Profès se rendaient au palais pontifical pour annoncer à Pie IV le choix qu'ils avaient fait, le nouveau Général s'écria : « J'avais toujours désiré la mort de la croix, mais je ne m'étais jamais attendu à une croix aussi pesante que celle-là. »

Lorsque les profès furent en présence du Pape : « Vous

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