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les tient en son pouvoir, nous sembleroient d'autant plus douces et savoureuses, que nostre esprit seroit mieux composé, et recueilly en soy mesme, pour les recevoir, ne s'estant esgaré en des plaintes, discours, regrets, et autres telles passions, qui la transportent souvent plus loin de Dieu, et de ses douces visites, que nostre affliction mesme.

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Finalement j'ay opinion que ce qui nous consolera autant ou plus que tout ce que nous ne sçaurions désirer et discourir, sera la bonne conscience: d'autant que c'est la meilleure piece de nostre harnois, quoi que nous fassions ou endurions, laquelle consiste toute en ce que nous ne nous réputions devant Dieu autres que pécheurs, dignes de tout supplice: et neantmoins nous nous gardions, selon nos petites forces, appuyés sur sa sainte grâce, d'enfreindre ses divins commendementz, ne faisant tort à nostre prochain, ni oubliant s'il est possible de tout ce que l'estat, où nous sommes, requiert de nous. A quoi serviront de beaucoup les requestes que nous fairons tous les jours plus d'une fois à Dieu, qu'il efface nos iniquitez vieilles et journalieres, et de ceux, qui comme ou plus que nous l'offensent, et aigrissent davantage, si nous donnons ordre de faire tous les jours, ou chaque semaine, quelque jeûne, ou quelque aumone, ou chose semblable en contreschange des communes iniquitez de nos frères chrestiens, et particulièrement si nous prenons à cœur d'effacer par larmes, et penitence, les péchés de blasphème, de paillardize et d'avarice qui maintenant infectent plus le monde, et induisent à couroux le Créateur, que les autres; en usant bien souvent des sacrementz de confession et du précieux corps de Jesus-Christ, en lui faisant de nostre part pour le moins autant de révérences pour l'apaiser, que ses enne

mis luy font de deshonneur pour l'irriter, mettant aussi peine à nous rallier, et revenir ensemble en amour et dilection chrestienne, supportant les imperfections réciproquement les uns des autres, et taschant par toutes les voyes à nous possibles, de bien et saintement conduire ceux qui sont sous nostre charge; réduire au parc de l'Eglize ceux qui à leur dernière ruine, s'en sont malheureusement séparés, s'ils veulent entendre; asseurant tous ceux, qui marcheront en cette affaire, par connoissance, ou dissimulation, soient gendarmes ou magistratz, de ne voir jamais la face de Dieu, sans reparation des excès, qui seront perpetrés par leur faute : car le pasteur, qui, ou de propos delibéré, ou par negligence, laisse les loups parquer avec les brebis, sous couleur qu'ils s'adouciront et changeront de complexion, sont redevables à leur mais tre de tout le carnage qui se commect dedans le troupeau des pauvres et innocentes brebiettes. »

Songeant que sa présence serait pour les habitants du Midi une consolation plus efficace que ses épîtres, il arrive à Toulouse le 28 juin. En ce moment, la ville de Bordeaux, par l'organe de ses Jurats et de son Parlelement, offrait son Collége à la Compagnie; le Cardinal de Bourbon lui en fondait un à Rouen, dans sa cité archiépiscopale; le duc de Nevers les introduisait dans sa principauté. Le Père Émond avait le projet de visiter Toulouse et de s'entendre avec les citoyens de Marseille et de Pamiers; mais à peine est-il arrivé dans la capitale du Languedoc qu'on lui annonce qu'un orage violent éclate à Avignon contre l'Institut. Possevin, recteur du Collége de cette ville, était à Rome, pour faire sa profession des Quatre Vœux. Auger part à l'instant même,

Le Comtat Venaissin et la ville d'Avignon faisaient partie du patrimoine de Saint Pierre, et les principaux

habitants avaient chargé Possevin de remettre au Pape des dépêches par lesquelles ils le suppliaient de leur continuer ses bontés, dans un temps surtout où la Religion était si vivement menacée. Ce départ, ces lettres et la situation des provinces voisines servirent de prétexte pour répandre le bruit que Possevin avait entrepris son voyage dans un but hostile. Il s'agissait, disait-on, d'établir dans la ville le système d'inquisition qui régnait en Espagne, et de supprimer les quatre confréries de Pénitents. On ajoutait que Possevin portait au Souverain Pontife le nom des personnes qui, de près ou de loin, inclinaient vers l'Hérésie, et que le Pape avait déjà donné ordre de sévir contre plusieurs.

A cette nouvelle, les têtes toujours incandescentes de cette population se montent et s'exaltent; l'on ne prend ni le soin ni le temps de réfléchir. L'Inquisition, telle que Philippe II la concevait, va être promulguée par les Jésuites et appliquée sous un Pape qui a été lui-même un terrible justicier : il n'en faut pas davantage. L'élection des Consuls arrive pendant ce temps. On était au mois de juin 1569; la multitude envahit les salles du Sénat, elle demande à grands cris qu'on détruise le Collége des Jésuites et qu'on en punisse de mort les habitants. Les magistrats hésitaient à se rendre à un pareil vœu la multitude se met en devoir de le réaliser par elle-même; elle se précipite vers le Collége dont les portes sont fermées, elle en commence le siége. Son irritation était au comble. Pour l'apaiser, le Sénat, par une délibération prise sous le coup de l'insurrection, déclare que tout ce qui a été fait en faveur de la Société est annulé, et que la maison et les revenus dont elle jouit lui sont retirés.

Cette condescendance du Sénat devant une colère sans

motifs pouvait avoir de déplorables résultats. Les Avignonais cependant se calmèrent un peu; mais l'élan qu'ils avaient donné allait se communiquer à toute la France, qui n'a jamais pu s'habituer à l'Inquisition, même en idée. C'était inévitablement ce que désiraient les propagateurs du mensonge. Ce fut aussi ce qu'Auger pressentit et ce qui le poussa vers le Comtat. A sa voix, les sénateurs se réunissent, le cardinal d'Armagnac, légat du Pape, préside l'assemblée. Le Jésuite parle avec tant de fermeté et de modération; il annonce d'une manière si positive qu'à l'instant même il va retirer d'Avignon les Pères si souvent demandés par la cité, que le Sénat le prie de ne pas écouter son ressentiment. Le Sénat se montrait convaincu de l'innocence de Possevin. Le peuple, qui passe si rapidement de la fureur à l'amour, y crut parce qu'Auger lui affirmait cette innocence d'un ton d'autorité qui frappait son imagination. Possevin fut en toute hâte rappelé de Rome, et, le 11 septembre 1569, Pie V adressa quatre brefs en France, l'un à l'évêque de Calata, son nonce, l'autre au cardinal d'Armagnac, les deux derniers à l'archevêque et aux magistrats d'Avignon. Sous sa foi pontificale, le Pape assurait les bruits d'inquisition répandus contre Possevin et les Jésuites étaient faux et dénués de toute espèce de fondement. Plus tard, quand les esprits furent calmés, un Dominicain déclara que c'était lui qui avait conseillé au Saint-Siége les actes dont les Hérétiques prirent texte pour accuser les Jésuites.

que

Pie V était un Pontife d'une ardeur sans égale. La Chrétienté était menacée sur mer par les Turcs, sur le continent par toutes les sectes qui se divisaient entre elles, mais qui se liguaient toujours pour abattre l'Église. Il fallait tenir tête à ces orages, et, chose plus difficile

peut-être encore, savoir maintenir la concorde entre les princes catholiques. Afin de parvenir à ce double but, les sacrifices d'orgueil et d'argent ne coûtaient rien au Pape. Il y avait dans l'armée protestante des auxiliaires de toutes les nations, car alors ce n'était pas une honte pour un parti d'employer à son triomphe le courage de ses alliés ou de ses adhérents. Pie V ordonne au comte de Santa-Fiore de conduire son armée en France et de la mettre à la disposition des Catholiques. Le 2 octobre 1569, les Royalistes et les Pontificaux, réunis sous le commandement du vainqueur de Jarnac, attaquaient les Dévoyés de l'Église dans les plaines de Moncontour. Le Père Auger était encore à cette bataille, affrontant tous les périls.

Catherine de Médicis avait élevé Charles IX dans les principes de cette politique d'astuces italiennes qui, au lieu de braver le danger, ne sait que le tourner ou l'envelopper dans un réseau d'intrigues. Elle avait torturé l'intelligence de son fils, la générosité de ses instincts, la droiture de son esprit, pour soumettre ces brillantes qualités en germe à la dissimulation. Catherine prêtait de la force aux faibles pour dominer les forts, et, subjugué par sa mère, Charles IX se laissait aller à une aussi dangereuse tactique. Quand les passions sont épuisées et que les caractères ne se sentent plus l'audace de se retremper dans la lutte, cette tactique peut avoir ses avantages; mais lorsque tout fermente autour du trône, lorsque les populations enthousiastes battent en brèche avec une nouvelle Foi la vieille Église et l'antique Monarchie, ce n'est point par des palliatifs ou par des concessions que l'on doit procéder. Deux grands succès militaires dans une même année avaient couronné les armes catholiques; il importait au bonheur de la France de poursui

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