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mes, aveugles & ennemis d'eux-mêmes, ne fauroient se borner à ce jufte milieu.

Trifte état de la nature humaine! Les Souverains, jaloux de leur autorité, veulent toujours l'étendre. Les peuples, paffionnés pour leur liberté, veulent toujours l'augmenter. Il vaut mieux cependant fouffrir, pour l'amour de l'ordre, les maux inévitables dans tous les Etats, même les plus réglés, que de fecouer le joug de toute autorité, en fe livrant fans ceffe aux fureurs de la multitude, qui agit fans regle & fans loi. Quand l'autorité fouveraine eft donc une fois fixée, par les loix fondamentales, dans un feul, dans peu, ou dans plufieurs, il faut en fupporter les abus, fi l'on ne peut y remédier par des voies compatibles avec l'ordre.

Toutes ces fortes de gouvernemens font néceffairement imparfaits, puifqu'on ne peut confier l'autorité fuprême qu'à des hommes. Et toutes fortes de gouvernement font bons, quand ceux qui gouvernent, fuivent la grande loi du bien public. Dans la théorie, certaines formes paroiffent meilleures que d'autres; mais, dans la pratique, la foibleffe ou la corruption des hommes, fujets aux mêmes paffions, expofent tous les Etats à des inconvéniens à peu près égaux. Deux ou trois hommes entraînent toujours le Monarque, ou le Sénat.

On ne trouvera donc pas le bonheur de la fociété humaine, en changeant & en bouleverfant les formes déjà établies: mais, en infpirant aux Souverains , que la fureté de leur Empire dépend du bonheur de leurs fujets; &, aux peuples, que leur folide & vrai bonheur demande la fubordination. La liberté, fans ordre, eft un libertinage, qui attire le defpotifme. L'ordre, fans la liberté, eft un esclavage, qui fe perd dans l'anarchie. D'un côté, on doit apprendre aux Princes, que le pouvoir fans bornes est une frénésie, qui ruine leur propre autorité. Quand les Souverains s'accoutument à ne connoître d'autres loix que leurs volontés abfolues, ils fappent le fondement de leur puiffance. Il viendra une révolution foudaine & violente, qui, loin de modérer leur autorité exceffive l'abattra fans

reffource.

D'un autre côté, on doit enfeigner aux peuples, que les Souverains étant expofés aux haines, aux jaloufies, aux bévues involontaires, qui ont des conféquences affreufes, mais imprévues, il faut plaindre les Rois, & les excufer. Les hommes font, à la vérité, malheureux d'avoir à être gouvernés par un Roi, qui n'eft qu'un homme femblable à eux: car il faudroit des Dieux, pour redreffer les hommes. Mais les Rois ne font pas moins infortunés, n'étant qu'hommes, c'eft-à-dire, foibles & imparfaits, d'avoir à gouverner cette multitude innombrable d'hommes corrompus & trompeurs.

Par ces maximes, également convenables à tous les Etats, & en confervant ainfi la fubordination des rangs, on peut concilier la liberté du peuple avec l'obéiffance due aux Souverains, & rendre les hommes tour

enfemble bons citoyens, & fideles fujets, foumis fans être efclaves, & libres fans être effrénés. Le pur amour de l'ordre eft la fource de toutes les vertus politiques, auffi bien que de toutes les vertus divines.

»

» Enfant de Saint-Louis, difoit le fage & pieux Prélat, à son illustre » Éleve, dans une de fes Lettres, imitez votre Pere. Soyez, comme lui, » doux, humain, acceffible, affable, compatiffant, & libéral. Que votre » grandeur ne vous empêche jamais de defcendre, avec bonté, jufqu'aux plus petits, pour vous mettre à leur place; & que cette bonté n'affoibliffe » jamais, ni votre autorité, ni leur refpect. Etudiez fans ceffe les hommes. Apprenez à vous en fervir, fans vous lier à eux. Allez chercher » le mérite jufqu'au bout du monde. D'ordinaire, il demeure modefte & » reculé. La vertu ne perce point la foule. Elle n'a, ni avidité, ni empreffement. Elle fe laiffe oublier. Ne vous laiffez point obféder par des » efprits flatteurs & infinuans. Faites fentir, que vous n'aimez, ni les louan» ges, ni les baffeffes. Ne montrez de la confiance, qu'à ceux qui ont » le courage de vous contredire avec respect, & qui aiment mieux votre » réputation, que votre faveur.

» Il eft temps, que vous montriez au monde une maturité, & une vi»gueur d'efprit, proportionnées au befoin préfent. Saint-Louis, à votre » åge, étoit déjà les délices des bons, & la terreur des méchans. Laissez » donc tous les amusemens de l'âge paffé. Faites voir, que vous pensez, » & que vous fentez, ce qu'un Prince doit penfer & fentir. Il faut que » les bons vous aiment, que les méchans vous craignent, & que tous vous » eftiment. Hâtez-vous de vous corriger, pour travailler utilement à corri» ger les autres.

» La piété n'a rien de foible, ni de trifte, ni de gêné. Elle élargit le » cœur. Elle eft fimple, & aimable. Elle fe fait tout à tous, pour les » gagner tous. Le Royaume de Dieu ne confifte pas dans une fcrupuleufe » obfervation de petites formalités; il confifte pour chacun dans les vertus » propres à fon état. Un grand Prince ne doit pas fervir Dieu de la même » façon qu'un folitaire, ou qu'un fimple particulier.

Saint-Louis, s'eft fanctifié en grand Roi. Il étoit intrépide à la guerre, » décifif dans fes Confeils, fupérieur aux autres par la nobleffe de fes fen» timens, fans hauteur, fans préfomption, fans dureté. Il fuivoit en tout » les véritables intérêts de fa nation, dont il étoit autant le pere, que le » Roi. Il voyoit tout de fes propres yeux, dans les affaires principales. Il » étoit appliqué, prévoyant, modéré, droit, & ferme dans les négocia» tions; en forte que les étrangers ne fe fioient pas moins à lui, que fes »propres fujets. Jamais Prince ne fut plus fage pour policer les peuples, & les rendre, tout ensemble, bons & heureux. Il aimoit, avec » confiance & tendreffe, tous ceux qu'il devoit aimer; mais, il étoit fer» me, pour corriger ceux qu'il aimoit le plus. Il étoit noble & magnifique » felon les mœurs de fon temps, mais fans fafte & fans luxe. Sa dépense,

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pour

qui étoit grande, fe faifoit avec tant d'ordre, qu'elle ne l'empêchoit pas de dégager tout fon domaine.

» Soyez héritier de fes vertus, avant que de l'être de fa couronne. Invoquez-le avec confiance dans vos befoins. Souvenez-vous, que fon fang » coule dans vos veines, & que l'efprit de foi, qui l'a fanctifié, doit être » la vie de votre cœur. Il vous regarde du haut du Ciel, où il prie pour » vous, & où il veut que vous régniez un jour en Dieu avec lui. Unissez > donc votre cœur au fien. Conferva, fili mi, præcepta patris tui. «

Autant affectionné au bonheur du genre-humain en général, qu'à celui de fa propre nation en particulier; & autant ennemi de la violence & de la perfecution, qu'ami fincere de la juftice & de l'équité; voici les fages & judicieux confeils, que notre illuftre Prélat, donna au Chevalier de SaintGeorge, lorfqu'il fut le voir à Cambrai en 1709 ou 10.

» Sur toutes chofes, ne forcez jamais vos fujets à changer leur religion. Nulle puiffance humaine ne peut forcer le retranchement impénétrable de la liberté du cœur. La force ne peut jamais perfuader les hommes: » elle ne fait que des hypocrites. Quand les Rois fe mêlent de religion » au-lieu de la protéger, ils la mettent en fervitude. Accordez à tous, » la tolérance civile: non, en approuvant tout, comme indifférent; mais, » en fouffrant, avec patience, tout ce que Dieu fouffre, & en tâchant de >> ramener les hommes par une douce perfuafion. «

» Confidérez attentivement quels font les avantages que vous pouvez tirer » de la forme du gouvernement de votre pays, & des égards que vous » devez avoir pour votre Sénat. Ce tribunal ne peut rien fans vous. N'êtes» vous pas affez puiffant? Vous ne pouvez rien fans lui. N'êtes-vous pas » heureux d'être libre pour faire tout le bien que vous voudriez, & d'a» voir les mains liées quand vous voudriez faire du mal? Tout Prince fage » doit fouhaiter de n'être que l'exécuteur des loix, & d'avoir un Confeil » fuprême, qui modere fon autorité. L'autorité paternelle eft le premier » modele des gouvernemens. Tout bon pere doit agir de concert avec fes » enfans, les plus fages, & les plus expérimentés. «

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Le Télémaque, où l'utile fe trouve fi induftrieufement & fi fagement enchaffé parmi l'agréable, eft tout rempli de femblables confeils, qu'il feroit extrêmement à fouhaiter pour le bonheur du genre-humain, que les Souverains de tous les Etats vouluffent bien écouter & fuivre, mais qu'il feroit tout-à-fait fuperflu de tranfcrire ici, vu que cet excellent ouvrage fe rencontre actuellement par-tout, & entre les mains de tout le monde.

CE mo

CONSEIL, f. m.

E mot en jurisprudence, fignifie quelquefois fimplement un avis que quelqu'un donne fur une affaire; quelquefois celui ou ceux qui donnent cet avis; quelquefois encore une affemblée de plufieurs perfonnes qui délibérent fur certaines affaires; enfin le terme de Confeil eft le titre que prennent plufieurs Tribunaux & Compagnies.

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CONSEIL, A VIS.

LE Confeil ou avis que l'on donne à quelqu'un dans une affaire où

l'on n'a point d'intérêt, n'eft pas obligatoire, & celui qui le donne n'est pas refponfable des fuites en général : Nemo ex Confilio obligatur. Institut. de Mand. §. 6.

Cette regle reçoit néanmoins quelques exceptions, favoir 1°. lorfque le Confeil eft frauduleux, Lib. LXVII. ff. de reg. Juris; 2°. en matiere de délits celui qui a donné Confeil de les commettre eft puni de même que ceux qui ont commis le délit. Decius ad dictam legem 47.

Les anciens Moraliftes regardoient le Confeil comme une chose sacrée, & ils recommandoient de donner les meilleurs Confeils dont ou étoit capable à ceux qui en demandoient. Mais pour nous renfermer dans les bornes de la morale politique, parlons de l'emploi de Confeiller des Princes: charge délicate & difficile à remplir. Quelques perfonnes font effrayées des rifques qu'il y a à confeiller une affaire d'importance. Les hommes ne jugeant des chofes que par l'événement, fi elles ne réuffiffent pas, l'on s'en prend à celui qui les a confeillées. Si elles ont un bon fuccès, on lui donne quelques applaudiffemens, mais on ne manque pas de prétextes pour affoiblir le mérite du Confeil, & obliger le Confeiller à fe contenter d'une mince récompenfe.

d'aller

Un Empereur Turc, ayant fait des préparatifs pour la conquête de l'Egypte & de la Syrie, fe laiffa perfuader par un de fes Bachas, faire la guerre au Sophi; & ayant, pour cela, conduit une puiffante armée dans ces vaftes déferts, où l'on trouve peu d'eau, & où les Romains ont perdu beaucoup d'armées, ce Sultan fe trouva fi incommodé, & il perdit tant de gens par la famine, & par les maladies contagieufes, que, quelque avantage qu'il eût d'ailleurs par les armes, il s'emporta fi fort contre l'auteur de ce Confeil, qu'il le fit mourir.

L'hiftoire nous apprend auffi qu'il s'eft trouvé fouvent, dans les Républiques,

bliques, des particuliers qui ont été bannis pour avoir confeillé des chofes qui avoient mal réuffi. Autrefois quelques Citoyens Romains confeillerent qu'on tirât un des Confuls d'entre le menu-peuple, & il arriva que le premier de cet ordre, qui alla contre les ennemis de la République, fut battu; ce qui n'auroit pas manqué d'être dangereux à ceux qui avoient donné cet avis, fi leur parti n'eût prévalu.

Ceux qui confeillent les Princes, ou les Républiques, marchent entre deux précipices: car, s'ils ne donnent pas les avis qu'ils croient utiles au bien de l'Etat, dont ils font les fujets, ils trahiffent leur confcience; &, s'ils les donnent, ils s'expofent à perdre le bien & la vie, parce que tous les hommes font dans l'aveuglement de ne vouloir jamais juger des chofes que par l'événement.

ce foit

C'eft ce qui m'a engagé à examiner comment l'on pourroit éviter le danger de périr, ou la honte de ne pas faire fon devoir ; & je n'en ai point trouvé d'autre moyen, que celui d'ufer de beaucoup de modération dans les Confeils qu'on donne, en ne se chargeant d'aucun comme de fon affaire, mais en le propofant comme une opinion qu'on peut foutenir modeftement, & fans chaleur; enforte que, fi un Souverain y entre, volontairement, & qu'il ne femble point qu'il y foit entraîné par vos empreffemens. Lorfqu'on en ufe de la forte, un Prince ne peut pas fe plaindre, parce qu'il ne s'eft rien fait qui fût contre le fentiment général, les confeillers ne courant de rifque, que lorfqu'ils ont trouvé beaucoup de contredifans dans les avis qu'ils ont donnés; car, ils ont tous ces gens-là à dos, lorfque la chofe, qu'on a propofée, a eu une fuite malheureuse: & fi, dans ce cas, l'on n'acquiert pas la gloire qui fuit l'heureux fuccès d'une affaire, qu'on a confeillée contre le fentiment de bien des gens, il en revient, d'autre côté, deux avantages. Le premier, c'eft que vous ne courez aucun rifque. Le fecond, c'est que, quand vous conseillez une chose avec modeftie, & qu'elle eft rejettée par la contradiction de ceux qui donnent un avis contraire, & dont on fe trouve mal, alors vous avez un grand fujet de triomphe. Et quoiqu'il foit difficile de goûter avec plaifir la gloire qui nous revient des maux que notre patrie fouffre, c'eft pourtant une chofe qui peut fervir de confolation à un honnête-homme, que d'avoir donné des avis pour les éviter.

Je ne crois pas qu'on puiffe donner un meilleur avis aux gens dans cette forte d'affaires; car, il feroit mal de leur confeiller de fe taire, puisqu'ils fe rendroient par-là inutiles à leurs Souverains, outre qu'ils n'en feroient pas moins expofés à de grands dangers, puifqu'en peu de temps ils fe rendroient fufpects; & peut-être leur arriveroit-il ce qui eft arrivé à un des amis de Perfès, Roi de Macédoine, qui, ayant été battu par Paul Emile, prit la fuite avec un petit nombre d'amis : & comme ils réfléchiffoient fur ce qui s'étoit paffé, l'un d'eux fit remarquer à ce Prince plufieurs fautes qu'il avoit faites, & qui étoient caufe de fa ruine; & Per

Tome XIII.

PPPP

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