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police & des finances. Ils étoient fubordonnés au Gouverneur de la Province, où leur Cité étoit fituée : quelquefois ils étoient revêtus de la puiffance proconfulaire, & alors ils n'étoient plus dans la dépendance du Gouverneur. C'étoit à l'Empereur même qu'ils rendoient compte de leur adminiftration.

Il paroîtra humiliant aux héritiers de leur titre, de ne point avoir une origine guerriere, & ceux qui dans leurs rêves s'imaginent être defcendus des anciens Comtes de la Ñation, feront forcés d'avouer que leurs ancêtres n'ont été que des Exacteurs, qui ont élevé l'édifice monstrueux de leur fortune fur les débris du public, & que dans tous les temps les richeffes ont ufurpé la confidération. Il leur fembleroit plus beau que la décoration qui voile leur petiteffe, eut été l'attribut de ces heureux brigands, qui armés de leur francifque, affommoient avec gloire leurs voisins, dont ils enlevoient le bétail & les moiffons. S'il eft permis de fe glorifier de fa naiffance, la raison nous dit qu'il vaudroit mieux defcendre d'un Gaulois vertueux que d'un François brigand.

La plus noble fonction des Comtes étoit l'adminiftration de la juftice; le Magiftrat chez les Romains précédoit l'homme de guerre, & cette facon de penfer ne fut point particuliere à la République, elle fe perpétua fous les Empereurs ; & quoique fous Conftantin-le-Grand & fes fucceffeurs, le Préfet du prétoire n'eut plus d'inspection fur le militaire, fa dignité fut toujours la plus éminente de l'Empire, & tous les Généraux dans les cérémonies lui cédoient l'honneur du pas. Les Gaulois attachoient la même confidération à la Magiftrature, & chez eux les Miniftres des loix formoient le premier ordre de l'Etat. Quand je cherche à ennoblir l'origine de ceux qui font revêtus de ce titre, je crains bien de ne fervir que des ingrats.

Les François en entrant dans les Gaules, ne fe crurent point avilis en exerçant les offices municipaux, & quoique barbares, ils ne l'étoient point affez pour déférer exclufivement tous les honneurs de la patrie à un feul ordre de citoyens. Le choix des Comtes étoit quelquefois laiffé aux peuples du canton, dont ils devoient régler la police. L'intérêt de l'humanité avoit infpiré cette indulgence; la fociété la moins inftruite eft toujours affez clairvoyante fur ce qui lui convient, pour ne donner fon fuffrage qu'au plus integre & au plus éclairé: ainfi il eft à préfumer que les Comtes choifis par la Cité, étoient la fleur de la Nation. Ce fut d'abord dans le champ de Mars, que les François nommerent ces Magiftrats. Mais lorsque les Rois fe furent attribué le droit de nommer aux emplois fans confulter la Nation, la dignité de Comte s'acheta, & celui qui eut le plus d'argent à donner, fut jugé le plus digne de préfider aux destinées publiques. Les Rois Mérovingiens, pour fe les attacher plus particuliérement, les tirerent presque tous de la dépendance des Gouverneurs, & ce privilege leur fervit de degré pour s'élever.

Il y a quelque chofe de confolant pour les Comtes modernes qui rougiffent de l'origine de leur titre : c'eft qu'il y avoit des Comtes purement militaires. Tel étoit celui de Strasbourg, dont la dignité étoit un démembrement du Duché de Mayence, & comme militaire, il n'étoit subordonné qu'au Chef de la milice. Il eft démontré par les ordonnances de Valentinien, de Gratien & de Théodofe qu'il y en avoit plufieurs de cette espece, puifque ces Empereurs défendent aux illuftres Comtes, aux Généraliffimes de la Cavalerie & de l'Infanterie d'exercer aucune autorité fur les citoyens de leur département.

Il étoit des circonftances où les Comtes Magiftrats étoient forcés d'abandonner leurs fonctions pacifiques, pour prendre les armes. Ce fut fur-tout dans les temps où les barbares infeftoient les mers, & remontoient les fleuves avec des barques légeres & des vaiffeaux plats. L'incertitude du lieu où ces pirates devoient faire leur defcente, obligea de conftruire de petites flottes, dont les Ducs qui ne pouvoient fe multiplier & être préfens partout, donnerent le commandement aux Comtes qui leur étoient fubordonnés, & qui n'étoient que leurs Lieutenans. Quoiqu'en général ils n'euffent que l'adminiftration civile, ils ne formoient point une claffe diftinguée de celle des militaires, comme on en peut juger par leurs provisions, qui déclarent qu'on ne doit conférer la dignité de Comte, qu'à des hommes également éprouvés par leur courage & leur intégrité. En auroit-on exigé des témoignages de valeur, s'ils euffent été refferrés dans l'adminiftration des affaires civiles. Cette diverfité, qui nous choque dans leurs fonctions, ceffera de nous révolter, fi nous nous rappellons que chez les Romains, chez les Gaulois, on étoit en même-temps magiftrat & guerrier, & qu'il étoit auffi glorieux de protéger la patrie avec le bouclier des loix, que d'en défendre & reculer les frontieres avec l'épée. Ce fut Conftantin-le-Grand qui divifa les deux pouvoirs, mais tant que la domination Romaine fubfifta dans l'Occident, on ne diftingua point la milice armée de la milice civile, & l'on paffoit alternativement du tumulte du barreau dans la pouffiere du camp. Sous Clovis & fes fucceffeurs, l'on voit les Ducs & les Comtes fe mêler indiftinctement des affaires civiles & militaires.

les Fran

Quoique la Magiftrature fit l'effence de la dignité de Comte çois qui ne connoiffoient d'autre mérite que de bien savoir se battre, n'en eurent pas moins d'empreffement pour obtenir cette dignité. L'intérêt perfonnel les dépouilla de leur averfion naturelle pour les occupations pacifiques, & ceux qui ne purent être Comtes, dépoferent fans répugnance leur francifque pour être fes affeffeurs la raifon en eft fenfible. Comme ils n'avoient point pour le féjour des villes, la même averfion que les autres barbares qui les regardoient comme des prifons, la plupart en avoient fait leur demeure. Ce peuple fier & jaloux de la prééminence que lui donnoit le droit de la victoire, ne pouvoit conferver fa fupériorité qu'en exerçant les charges municipales, qui décidoient des deftinées publiques & particu

fieres. C'eut été fe mettre dans la dépendance du peuple conquis, ainfi il fallut plier fes penchans; & dès ce moment ils s'honorerent autant de la dignité de Comte que les Romains.

Il y avoit encore dans chaque ville un Tribun qu'on appelloit indiftin&tement Comte. C'étoit lui qui commandoit à la milice qui fe trouvoit dans la garnifon, & qui en l'abfence du Duc conduifoit les troupes de la Cité au rendez-vous général de l'armée. Cette dignité qui étoit la récompenfe de la valeur & des fervices, donnoit beaucoup plus de confidération que celle du Comte Administrateur de la juftice & des finances, qui, quoique vénale fut la plus briguée, parce qu'elle donnoit une plus grande étendue de pouvoir, & qu'elle fuppofoit plus de fortune dans celui qui en faifoit l'acquisition. Chez les peuples barbares comme chez les peuples policés, les richeffes & la puiffance ont toujours eu le plus d'adorateurs. Les fonctions des Ducs furent affez conftantes mais celles des Comtes varierent felon la volonté des Princes, qui en avoient toujours dans leur Confeil, & qui les chargeoient d'aller exécuter leurs ordres dans les Provinces. Cet emploi ne fut qu'une commiffion fous les premiers Mérovingiens; mais lorsque leurs fucceffeurs eurent affoibli leur pouvoir en voulant trop l'étendre, les Ducs & les Comtes rendirent leur dignité héréditaire, & mettant des impofitions fur les Cités & les Provinces, dont l'adminiftration leur avoit été confiée pour un temps limité, ils exercerent impunément le droit de Souveraineté. Des Prélats & des Abbés rougiffant de la fimplicité évangélique, fe décorerent des livrées du fiecle on vit fortir de l'ombre de l'autel & de l'obfcurité des cloîtres, des Ducs & des Comtes qu'on eut peine à reconnoître pour les fucceffeurs des Apôtres : ce nouveau peuple de Souverains fubftitua à l'ancienne légiflation des loix mobiles & arbitraires, dictées par le caprice ou l'intérêt perfonnel. C'est dans la confufion de cette Anarchie qu'ont pris naiffance tant d'ufages bifarres, qui femblent moins le résultat d'une délibération réfléchie, que la production informe du délire ou de l'yvreffe de la débauche. La plupart font fi injurieux à l'humanité, qu'on ne foupçonne pas qu'il y ait eu une génération affez dégradée pour se fou mettre à les obferver. Le détail ne pourroit intéreffer que la maligne curiofité de ceux qui font infenfibles à l'humiliation de l'efpece humaine. Les Tribunaux furent engloutis dans le naufrage des loix. Ces ufurpateurs furent autant de petits tyrans, fous le nom faftueux de protecteurs. Leurs richeffes accumulées par des rapines, les plongerent dans un luxe & dans des voluptés, qui alors n'étoient qu'une fale débauche: trop riches & trop puiflans pour s'affujettir à l'étude & au travail, ils fe firent un titre de nobleffe de leur ignorance & de leur inutilité. Fatigués du poids des affaires qui accabloit leur foibleffe, ils abandonnerent leurs fonctions à des Officiers amovibles & mercénaires, qui firent de la juftice un commerce public. Le feul bien qui en résulta, fut que la diftinction des Nations fut abolie. La diversité des ufages locaux, précipita dans l'oubli le code pri

mitif. Et dès que chaque peuple n'eut plus fes anciennes loix, il fut dépouillé du caractere diftinctif de fon origine. Toute rivalité fut éteinte, & la fource de bien des haines fut tarie.

On ne fait ni le nombre des Comtes ni l'étendue de leur jurifdiction : on ne connoît que leurs attentats contre la liberté publique. Mr. de Boulainvilliers, par le fecours de fon imagination créatrice, en compte cinq cents dans l'armée de Childéric Roi d'Auftrafie. Ce calcul, qui n'eft appuyé d'aucuns faits favorife fon fyftême, pour en conclure que les Francs tous gentilshommes étoient affez nombreux pour tenir dans l'efclavage des millions de Gaulois. A l'avénement de Hugues Capet, les droits du trône furent foulés aux pieds & toute fubordination difparut. Ce Prince avoit une puiffance trop nouvelle pour difputer aux Comtes de Flandre, de Toulouse, de Vermandois, des prérogatives fondées fur des titres, dont il ne pouvoit contefter la validité fans reconnoître la nullité des fiens. Il étoit lui-même Comte de Paris & d'Orléans, ainfi il avoit une cause commune avec eux. Il eft bon d'obferver que les Comtés-pairies étoient extrêmement multipliées; quoique ces dignités ne donnaffent point une égale étendue de jurifdiction, tous ceux qui en étoient revêtus fe croyoient égaux, & fi on ne compte que fix Pairs laïcs quand Philippe-Augufte parvint à la Couronne on doit fe fouvenir que la Nation, dépouillée de la puiffance législative, effuya des révolutions caufées par une légiflation arbitraire. Les Ducs & les Comtes qui furent affez puiffans pour fe faire des prérogatives différentes, prirent exclufivement le titre de Pairs de France; & les douze qu'on vit exercer leur fupériorité fur les autres ne pourroient fixer l'époque de leur établissement, ni les titres de leurs privileges: chez un peuple qui ne favoit que fe battre, les ufages qui devenoient une loi, s'introduifirent rapport aux circonftances. Au refte le même mot n'offre pas toujours la même idée chez tous les peuples différens, & fouvent dans la même Nation. Le titre de Comte en Angleterre & dans l'Empire d'Allemagne, eft tout différent que celui de nos Comtes François qui, pour le bonheur de l'humanité, fe parent d'une antique décoration qui ne leur donne aucun pouvoir, & qui ne fervent qu'à nous rappeller que c'eft aux fucceffeurs de Hugues Capet, que la Nation eft redevable de la chûte de fes tyrans. Voyez PAIR.

par

CES

CONCEPTION, f. f.

CONCEVOIR, v. a.

d'une

S mots, qui, dans le fens propre, expriment une action physique, ont été transportés aux chofes fpirituelles pour exprimer cet acte de l'entendement, qui faififfant un certain nombre d'idées dont l'affemblage forme un tout, fe les représente dans leur ensemble; & fous leurs vrais rapports, enforte qu'il a du tout une idée compofée, mais diftincte, dont il apperçoit les relations, les dépendances & les conféquences, & par rapport auquel il peut porter des jugemens, former des raifonnemens, & prendre des réfolutions fondées fur une connoiffance diftincte. La Conception eft donc l'acte, ou la capacité de faire l'acte, par lequel l'entendement fe représente l'objet d'une idée compofée, affez diftinctement, pour en appercevoir les rapports extérieurs ou intérieurs, les principes, les caufes & les conféquences. On ne conçoît point ce qu'on ne fe repréfente que maniere confufe, ce dont on n'apperçoit pas la raison, dont on ne voit pas les divers rapports réels qui fubfiftent, foit entre les parties du tout, foit entre le tout & les objets extérieurs, dont on ne découvre pas les principes qui donnent lieu à la chofe, & les conféquences qui en découlent. L'acte de l'intelligence que l'on nomme Conception, fuppofe donc 1o. La faculté d'avoir des idées fimples des chofes; 2o. Celle de fe représenter clairement les idées compofées; 3°. Celle de favoir les décompofer par l'abstraction pour les rendre diftinctes; 4°. La capacité d'appercevoir les rapports de chacune d'elles avec les autres, qui par leur enfemble forment l'objet entier; 5°. Le pouvoir de fe représenter le tout avec fes parties comme un feul objet; 6°. Celui de découvrir les principes ou raisons de fon existence; 7°. Celui d'appercevoir les effets qui en résultent, les conféquences qui en découlent, le but auquel il tend, & la maniere dont il l'atteint. C'eft en conféquence de tout ce que fuppofe ainfi la Conception dans l'efprit, que l'on dit que l'on conçoit une démonftration, que l'on conçoit le méchanifme d'une pompe, d'une fphere armillaire, que l'on conçoit un fyftême d'aftronomie, de botanique, d'histoire naturelle.

Il paroît par le détail de ce qu'une heureuse Conception fuppofe dans l'intelligence dont on dit qu'elle conçoit les chofes, que les chofes ellesmêmes, pour être conçues, doivent être présentées fous une face propre à en faciliter la Conception. Les conditions néceffaires pour cela de la part de l'objet que l'on veut concevoir font, 1°. Que l'on emploie pour la faire connoître des expreffions claires, & entendues dans leur vrai fens par celui que l'on veut inftruire: 2°. Que l'on exprime toutes les idées effen

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