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que toujours des fentimens jaloux qui ne font pas loin de la haine. Un grand talent pour la converfation demande d'être accompagné d'une grande politeffe. Celui qui efface les autres, leur doit bien des égards.

On appelle politeffe l'attention continuelle qu'infpire l'humanité, à complaire à tout le monde & à n'offenfer perfonne. Le mifantrope fe récrie beaucoup contre cette vertu, il lui préfere fes brufqueries choquantes & fa franchise gothique. L'homme de cour, au contraire, & l'adulateur rampant, lui fubftituent de fades complimens, de baffes complaifances, des mots, du jargon & des révérences. Celui-là blâme la politeffe, parce qu'il la prend pour un vice, & celui-ci en eft cause, parce que celle qu'il pratique en eft véritablement un.

La politeffe gagne les cœurs & entretient les liaifons de la fociété. Elle a cela de merveilleux, qu'elle rend les autres tout à-la-fois contens de nous & d'eux mêmes. Elle s'étend jufqu'aux inférieurs, & confifte à dire à chacun ce qui lui convient, & à faire valoir ce qu'il y a de bon dans les autres. Elle n'eft point contraire à la fincérité; car fi l'on doit toujours penfer ce que l'on dit, il ne faut pas toujours dire ce que l'on penfe. La vérité ne met rien de fauvage dans le commerce; elle permet d'employer les termes de civilité & de complimens, qui fe proferent & fe reçoivent, bien plus comme des formalités que l'ufage a introduites, que comme des mots qui aient une véritable fignification. C'eft une erreur de faire confifter la politeffe dans le cérémonial, elle fait au contraire difcerner les occafions où le cérémonial deviendroit importun; & lorfqu'on s'en abftient à propos par difcrétion & non pas par oubli, c'eft une civilité mieux entendue & qui a bien plus de grâce. C'est un art innocent de plaire aux hommes fans leur nuire, & il confifte bien moins à faire briller fes bonnes qualités, qu'à fournir aux autres des occafions d'expofer dans un jour favorable celles qu'ils penfent avoir eux-mêmes.

Si les hommes étoient de purs efprits, qui puffent communiquer leurs pensées & leurs fentimens, fans le fecours des fignes extérieurs; il ne feroit point question de civilité entr'eux, elle feroit fuperflue. Ce qui la rend néceffaire, c'eft qu'ils ne fe devinent point.

La civilité eft un cérémonial de convention établi parmi les hommes, dans la vue de fe donner les uns aux autres des démonftrations extérieures d'amitié, d'eftime & de confidération. Ce cérémonial eft différent chez les différens peuples policés; mais tous en ont un, quel qu'il foit: or on peut raifonnablement préfumer de toute pratique univerfelle, qu'elle a fon principe dans la nature même; d'où il faut conclure que la civilité eft un devoir que la droite raifon prefcrit.

La forme en eft indifférente en foi. La maniere d'aborder les perfonnes de différens états, de les faluer, de leur faire honneur, les termes dont on doit ufer en leur portant la parole, le ftyle auquel il faut s'affujettir en leur adreffant ou des lettres ou des fuppliques, font toutes formalités

arbitraires dans l'origine, qui n'ont pû être fixées que par l'ufage. Voilà donc deux chofes conftantes : l'une, qu'il eft conforme au bon fens & à la droite raifon de s'aflujettir à quelque forte de civilité l'autre, que ni le bon fens ni la droite raifon ne décident dans quels actes on la doit faire confifter.

La meilleure maniere & la moins fufpecte de témoigner aux hommes de l'amitié, de l'eftime & de la confidération, ce feroit de les fervir ou de leur rendre de bons offices; mais l'occafion de faire l'un ou l'autre ne fe présente pas à chaque inftant. Il a donc fallu convenir de certains fignes, de certaines démonftrations, par lefquelles on pût leur témoigner habituellement qu'on les aime, qu'on les eftime, qu'on les honore. Chaque nation a choifi les plus conformes à fon idée & à fon goût. Tous étant indifférens dans l'origine, on ne peut être déterminé fur le choix, que par les ufages du pays que l'on habite. Le François, le Turc & le Perfan doivent être civils; mais l'un à la Françoife, l'autre à la Turque, l'autre à la Perfane.

En vain les ruftres & les cyniques déclament-ils contre la civilité; en vain la traitent-ils de commerce faux & impofteur, qui ne fert qu'à mafquer les véritables fentimens. Qu'ils aient en effet dans le cœur, comme ils le doivent, l'affection dont les gens bien nés fe donnent des marques réciproques, & leur civilité ne fera point une imposture.

If eft vrai qu'il y a plus d'hommes civils, qu'il n'y en a qui foient fideles aux devoirs de la fociété; mais leur civilité même, quoique fauffe, eft un témoignage qu'ils rendent, comme malgré eux, aux vertus fociales. Affecter au dehors des difpofitions vertueufes, c'eft confeffer qu'on devroit les avoir dans le cœur.

Ceux mêmes qui fe déclarent contre la civilité, ne nient pas qu'on ne doive avoir pour fes femblables de l'amitié, de la bienveillance & de la confidération. Par quelle bizarrerie voudroient-ils donc qu'on fit mystere de fentimens fi juftes & fi indifpenfables.

Les hommes fe doivent réciproquement des égards, c'est-à-dire, des ménagemens & des confidérations fondées fur les circonftances ou fur le génie, ou la qualité des perfonnes. N'allez point, par exemple, faire en présence d'un homme de robe la fatyre des gens de loi, fur-tout fi la probité le met à couvert de reproche; & faites d'ailleurs réflexion, qu'il ne fuffit pas toujours qu'un reproche foit fondé, pour juftifier celui qui le fait, s'il le fait à contre-temps & avec une aigreur maligne.

Quoiqu'on peigne communément la vérité fans voile, elle a néanmoins des nudités choquantes, qu'il eft quelquefois à propos de tenir couvertes. Vous êtes devant un grand à qui chacun s'empreffe de faire honneur conformez-vous à l'ufage, honorez-le comme les autres l'honorent. Vous ne voulez le confidérer qu'à proportion de fa vertu, de fes talens & de fon mérite perfonnel; tout l'éclat dont il eft environné, n'eft pour vous

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que de la fumée & du vent, à la bonne heure; mais ces honneurs que je vous confeille de lui rendre, ne font non plus que du vent & de la fumée. Je ne vous propofe pas de le louer, s'il eft méprifable; de lui trouver de l'efprit, s'il eft imbécille; de flatter fon goût, s'il en manque; de vanter fes fumieres, s'il eft ignorant. Vous ne rifquerez pas de compromettre votre fincérité, en ne lui rendant que des hommages muets. La fubordination, fi néceffaire pour la police d'un Etat, feroit bientôt détruite, fi le peuple, au moins en public, n'honoroit jamais les grands qu'à proportion de ce qu'ils valent.

Il faut quelque forte d'efprit, ou du moins du jugement, pour être capable d'égards. L'ufage du monde peut rendre un homme civil; la bonté de fon cœur peut le rendre Complaifant; mais un ftupide fera toujours neuf dans la fcience des égards.

COMPLICE, f. m.

COMPLICITÉ, f. f.

UN Complice eft celui auquel on impute d'avoir eu part à quelque frau

de ou à quelque délit, foit pour avoir donné confeil, ou avoir aidé à commettre l'action dont il s'agit.

Quand on ordonne quelqu'information contre les Complices d'un accufé, on joint ordinairement au terme de Complices, ceux de fauteurs, participes, & adhérens, pour défigner toutes les différentes manieres dont les Complices peuvent avoir eu part au délit.

Celui qui eft Complice d'un délit ou de quelque fraude répréhenfible eft fouvent auffi coupable que l'auteur même du délit, & doit être puni également; ce qui dépend néanmoins des circonftances, par lesquelles on connoît le plus ou moins de part que le Complice a eu à l'action par exemple, celui qui a fu le deffein qu'un autre avoit de commettre un crime, & qui ne l'a pas empêché pouvant le faire, eft coupable au moins d'une négligence qui approche beaucoup du délit ; mais celui qui a confeillé le délit, ou qui a aidé à le commettre, eft encore plus coupable.

Un homme qui s'eft trouvé par hafard en la compagnie de quelqu'un qui a commis un crime, n'en eft pas pour cela réputé Complice, pourvu qu'il n'y ait eu en effet aucune part.

La déclaration ou dépofition des Complices ne fait point une foi pleine & entiere contre le principal accufé, ni pour un Complice contre un autre; elle fert feulement d'indice pour parvenir à tirer la preuve du crime par le moyen de la queftion ou torture; & fi l'accufé n'avoue rien, il doit être abfous.

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Il faut même obferver que la dépofition d'un feul Complice, quand il n'y a pas quelqu'autre adminicule de preuve, pas fuffifante pour faire appliquer fes Complices à la queftion; il faut, du moins en ce cas, la dépofition de deux ou trois Complices.

On excepte néanmoins de cette regle certains crimes, tels que ceux de lefe-majefté, facrilege, conjuration, fauffe monnoie, héréfie, & affaffinat, où la dépofition d'un Complice fait pleine foi contre un autre.

On doit décerner des peines moins grandes pour les Complices d'un crime, qui n'en font pas les exécuteurs immédiats, que pour ceux qui l'exécutent. Quand plufieurs hommes s'uniffent pour courir un rifque commun, plus un rifque eft grand, plus ils s'efforcent de le rendre égal pour tous. Des loix qui puniront plus févérement les exécuteurs du crime, que les fimples Complices, empêcheront que le rifque ne puiffe fe diftribuer également, & feront qu'il fera plus difficile de trouver un homme qui veuille prêter fa main au crime médité, parce que fon rifque fera plus grand par la différence de la punition. Il n'y a qu'un cas où l'on peut faire une exception à cette regle; c'eft lorfque l'exécuteur du crime reçoit de fes Complices une récompenfe particuliere. Alors la différence du rifque étant compensée par la différence des avantages, la peine devroit être égale. Ces réflexions paroîtront bien fubtiles: mais il faut fonger qu'il eft très-important que les loix laiffent aux Complices d'un crime le moins de moyens qu'il eft poffible, de s'accorder entr'eux.

Quelques tribunaux offrent l'impunité au Complice d'un grand crime, qui trahit fes compagnons. Un pareil expédient a fes inconvéniens, & fes avantages. Les inconvéniens font que la fociété autorife la trahison, déteftée même des fcélérats entr'eux; qu'elle introduit par-là des crimes de lâcheté, qui font plus funeftes à une nation que les crimes de courage, parce que le courage n'eft pas commun, & n'attend qu'une force bienfaifante qui le dirige & le faffe concourir au bien public; au lieu que la lâcheté eft plus répandue, & que c'eft un mal contagieux qui prend tous les jours de nouvelles forces. Le tribunal qui emploie ce moyen, découvre fon incertitude, & la loi montre fa foibleffe, en implorant le secours de celui-là même qui l'offenfe.

Les avantages font de prévenir les grands crimes, & de raffurer le peuple qui fe remplit de crainte, lorfqu'il voit des crimes commis, fans en connoître les auteurs. Cette pratique contribue auffi à montrer que celui qui viole les loix, c'eft-à-dire, les conventions publiques, viole facilement les conventions particulieres. Il me femble qu'une loi générale qui promettroit l'impunité à tout Complice qui découvre un crime, feroit préférable à une déclaration particuliere dans un cas particulier, parce qu'il préviendroit l'union des méchans, en infpirant à chacun d'eux la crainte de s'expofer. feul au danger, & qu'elle ne donneroit pas de l'audace à des fcélérats qui voient qu'il y a des cas où l'on a befoin d'eux. Au refte

une

une pareille loi devroit joindre à l'impunité Je banniffement du délateur.. Mais c'est vainement que je m'efforce d'étouffer les remords que je fens en autorifant les loix faintes, le monument de la confiance publique & la bafe de la morale humaine, à la fauffeté & à la trahifon. Quel exemple feroit-ce enfuite pour une nation, que de voir l'autorité manquer à la promeffe qu'elle a faite, & s'appuyer de vaines fubtilités, pour faire traîner au fupplice, à la honte de la foi publique, celui qui a répondu à l'invitation des loix? Ces traits ne font pas rares, & font que beaucoup de gens ne regardent une fociété politique, que comme une machine compliquée dont le plus puiffant ou le plus adroit meuvent les refforts à leur gré. C'estlà ce qui multiplie ces hommes infenfibles à tout ce qui fait les délices des ames tendres & fublimes, & qui femblables au muficien qui promene fes doigts fur un inftrument, excitent avec une fagacité froide les fentimens les plus chers au cœur de l'homme, & les paffions les plus fortes, lorfqu'elles font utiles à leurs fins.

COMTE, COMTÉ.

LES Comtes dans leur origine, étoient défignés par le mot Graffion :

c'étoit eux qui étoient chargés de prêter main forte au centenier du canton contre l'accufé qui, après avoir été fommé de comparoître à l'affenblée de fon diftrict, avoit refufé d'aller s'y juftifier. Ces Graffions ennoblirent leur origine fous le titre de Comte, ou plutôt ils la firent oublier & l'étendue de leur pouvoir réunit en eux toutes les dignités & les diftinctions de l'Etat. Leurs fonctions varierent felon les temps, mais on les voit prefque toujours exercer fous les Romains & nos premiers Rois l'office de publicain. C'étoit des efpeces de Fermiers-Généraux, chacun dans leur diftrict, qui s'obligeoient de remettre dans le tréfor public une certaine fomme tous les ans, provenante du recouvrement des impofitions dont ils étoient chargés. Cette perception, dont la forme leur étoit prefcrite, devoit se faire à leurs frais, & lorfqu'on fe plaignoit de leur violence ou de leurs concuffions ils étoient févérement punis. On les obligeoit à donner une caution folvable, comme on en peut juger par l'hiftoire du Juif Armentarius, qui fe transporta à Tours, pour exiger du Comte & de fon vicaire le paiement des cautions qu'ils avoient données en entrant en charge. Il eft vrai, que ce Juif fut maffacré par fes comptables. Mais cette violence. ne fert qu'à mieux conftater le fait.

Le titre de Comte, qui dans la fuite fut la plus belle décoration des ambitieux, affujettiffoit à des fonctions que nos préjugés nous font paroître odieufes & aviliffantes. Après avoir été Exacteurs ils devinrent Magiftrats: on en établit dans chaque Cité, pour préfider au miniftere des loix de la Tome XIII.

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