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La Compensation ne peut fe faire qu'entre les perfonnes qui fe trou vent avoir en leurs noms la double qualité de créancier & de débiteur. Et fi un débiteur exerce contre fon créancier un droit qui ne foit pas à lui, comme fait un tuteur qui demande la dette dûe à fon mineur, ou un procureur conftitué qui pourfuit le débiteur de celui qui l'a prépofé; il ne fe fera pas de Compenfation de ce que ce tuteur ou ce procureur pour

roient devoir en leurs noms à ce débiteur.

Ce n'eft pas affez pour faire une Compenfation, qu'il y ait une dette de part & d'autre; mais il faut de plus que l'une & l'autre de ces dettes foit claire & liquide, c'eft-à-dire, certaine & non fujette à conteftation. Ainfi on ne peut pas compenfer avec une dette claire & liquide une dette litigieufe, ni une prétention qui ne foit pas réglée. Mais c'eft de la prudence du juge que dépend le difcernement de ce qui eft liquide & de ce qui ne l'eft pas. Et comme il ne doit pas différer la condamnation d'une dette liquide, par une demande d'une Compenfation qui obligeroit à une longue difcuffion, & qu'une telle demande doit être réservée pour être jugée dans la fuite il ne doit pas auffi refufer un délai modique pour cette difcuffion, fi elle ne fe peut faire aifément & en peu de tems.

Il faut mettre au nombre des dettes qui n'entrent point en Compensation, celles qui, quoique paroiffant d'elles-mêmes claires & liquides, peuvent être annullées par quelque exception que le débiteur peut y oppofer. Ainfi celui qui doit à un mineur ne compenfera pas ce que ce mineur lui devra par une obligation dont il pourra être relevé.

Les dettes dont le terme n'eft pas échu, ne fe compenfent pas avec celles qui font dûes fans terme, ou qui font échues. Et les dettes conditionnelles dont l'effet dépend de l'événement d'une condition, ne peuvent fe compenfer qu'après que la condition fera arrivée.

Les redevables de charges publiques, comme de tailles, aides & autres, ne peuvent pas compenfer avec ces fortes de charges ce que le Prince pourroit leur devoir d'ailleurs. Car la nature & l'ufage de ces contributions fait que rien ne peut en retarder le recouvrement. Et ils peuvent encore moins compenfer ce qui pourroit leur être dû par les perfonnes chargées de ce recouvrement. Ainfi un particulier cotifé au rôle des tailles, ne compenfe pas avec fa cotifation ce qui peut lui être dû par le collecteur. Ainfi un receveur des tailles ne peut compenfer avec les deniers de fa recette, ce que le receveur général pourroit lui devoir. Mais les autres dettes non privilégiées qu'on peut devoir au fifc, peuvent fe compenser avec ce qu'il doit. Ainfi, par exemple, fi dans les biens acquis au Souverain par confifcation, par déshérence, &c. il y a des dettes actives, don les débiteurs fe trouvent créanciers de celui à qui ces mêmes bicns avoient appar tenu, la compenfation en fera reçue.

Le dépofitaire & celui qui a emprunté par un prêt à usage, ne peuvent compenfer ce qu'ils ont à l'un de ces titres avec une dette que le

maître

maitre de la chofe dépofée ou empruntée pourroit leur devoir. Et fi deux perfonnes étoient dépofitaires l'une de l'autre, il n'y auroit point entr'eux de Compensation; mais chacun rendroit la chofe qu'il auroit en dépôt.

Dans les crimes & délits, on ne compenfe ni les accufations, ni les peines. Mais quand il ne s'agit que des dommages & intérêts, ou de l'in térêt civil de la partie, fi l'accufé fe trouve fon créancier, il pourra compenfer.

Si on compenfe deux dettes, qui, quoiqu'égales en fommes, foient diftinguées par quelque différence qu'on puiffe eftimer, on pourra y avoir égard en faifant la Compenfation. Ainfi, par exemple, fi celui qui devoit payer une fomme en un certain lieu, où le créancier avoit intérêt qu'elle fût acquittée, la compenfe en un autre lieu, & demeure déchargé de ce qu'auroit coûté la remife de cet argent au lieu où le payement devoit en être fait, on pourra eftimer dans la Compenfation la valeur de cette remife.

Comme les Compenfations font des paiemens, & qu'on ne peut payer une chofe pour une autre contre le gré du créancier, on ne peut non plus compenfer que ce qui pourroit être donné en paiement. Ainfi un héritier chargé de donner un héritage à un légataire, ne pourroit l'obliger à compenfer avec ce fonds une fomme que ce légataire pourroit lui devoir. Ainfi celui qui devroit une rente fonciere non rachetable, ne pourroit l'amortir par Compensation d'une fomme que le créancier de la rente pourroit lui devoir. Mais il pourroit feulement compenfer les arrérages de cette rente qui feroient échus.

COMPÉTENCE, f. f. Le Droit qui appartient à un Juge de prendre connoiffance d'une affaire.

LE principe général, en matiere de Compétence eft que actor sequitur

forum rei, c'est-à-dire, que le défendeur doit être affigné devant le juge de fon domicile.

Il y a néanmoins plufieurs caufes qui peuvent rendre un autre juge compétent, pour connoître de l'affaire; favoir :

1o. Le privilege du demandeur ou du défendeur par exemple, fi te défendeur eft eccléfiaftique, & qu'il s'agiffe d'une matiere perfonnelle, il peut demander fon renvoi devant le juge d'églife; de même fi le demandeur a droit de Committimus, il peut affigner devant le juge de fon privilege; ou fi c'est le défendeur qui à ce droit, il peut demander fon renvoi.

2o. L'attribution générale qui eft faite à un juge de certaines matieres, le rend feul compétent pour en connoître.

Tome XIII.

V v

30. Un juge peut être compétent en vertu d'une attribution particuliere qui lui eft faite d'une feule affaire, ou de certaines affaires qui ont rapport les unes aux autres.

4°. En vertu d'une évocation ordonnée pour caufe de connexité ou litifpendance, un juge peut devenir compétent, quoiqu'il ne foit pas le juge du domicile du défendeur.

5o. En matiere criminelle, la connoiffance du délit appartient au juge du lieu où il a été commis, fauf le privilege des gentils-hommes, & de certains officiers qui peuvent demander d'être renvoyés devant le juge de leur privilege.

Tous juges font compétens pour informer d'un délit; ce qui a été ainfi établi pour empêcher le dépériffement de la preuve.

Un juge qui feroit compétent, peut être prévenu par un autre juge qui a droit de prévention sur lui.

COMPLAISANCE, f. f.

LA Complaifance eft une condefcendance honnête, par laquelle nous

plions notre volonté pour la rendre conforme à celle des autres. Je dis une condefcendance honnête; car déférer lâchement à la volonté d'autrui, quoique criminelle, ce feroit être plutôt complice que complaifant.

La Complaifance dont je parle ici, confifte donc uniquement à ne contrarier le goût de qui que ce foit, dans tout ce qui eft indifférent pour les mœurs, à s'y prêter même autant qu'on le peut, & à le prévenir lorfqu'on l'a fçu deviner. Ce n'eft peut-être pas la plus excellente de toutes les vertus; mais c'en eft une du moins bien utile & bien agréable dans la fociété.

Voyez comme Alcidamas eft aimé, chéri, careffé. Eft-ce à caufe de fa probité? Cette qualité ne concilie que l'eftime, & ne prend point les cœurs. Seroit-ce parce qu'il eft bienfaifant & officieux? Tous ceux qui lui font fête, n'ont pas été dans le cas d'avoir befoin de fes bons offices. Seroit-ce parce qu'il a l'humeur gaie, comique, amufante? Il ne plairoit par cet endroit, que dans les momens où la gaieté eft de faifon. On l'aime, parce qu'il eft d'un caractere facile & liant. Sa volonté n'eft point à lui: il la plie, la tourne & la façonne au gré de tous fes amis. A-t-il pénétré ce qui vous flate il court au-devant de vos défirs, & le fait avec tant de grâces & d'aifance, qu'au moment qu'il n'a d'autre objet que de vous complaire, vous croiriez que c'eft fon choix & fon inclination qu'il fuit. On peut plaire dans le monde par des manieres careffantes, par une humeur enjouée, par des faillies ingénieufes mais aucun de ces moyens de plaire, n'eft d'un ufage fi univerfel que la Complaifance. Vous ne pouvez

339 careffer que vos égaux ou vos inférieurs; il eft mille occafions où l'enjouement feroit déplacé; les pointes & les bons mots ne fe préfentent pas à fouhait, & ne font pas toujours goûtés: mais ayez un caractere flexible & prévenant; fachez vous faire un plaifir de contribuer à celui des autres; je vous réponds de l'amitié de tous ceux qui vous environnent; c'est une perfection de mife dans tous les temps, dans tous les lieux, & dans toutes les circonftances.

Rodolphe eft homme de mérite; il eft Poëte & Philofophe, & ne laifferoit pas d'être fupporté dans les compagnies, malgré ces deux qualités, s'il pouvoit s'abaiffer jusqu'à être complaifant : mais le moyen qu'il le foit? La Complaifance fuppofe de l'eftime: or, quiconque ne fait pas des vers, ou n'a pas lu Defcartes ou Newton, n'eft à fes yeux qu'un automate, un idiot, dont on ne peut faire tout au plus qu'un manœuvre, un financier ou un moine. Il fe croit d'une efpece fupérieure à celle des autres hommes, & fait gloire de s'en difcerner par des maximes, des fentimens & des goûts particuliers. Defcendre jufqu'à leur complaire, ce feroit entrer en fociété, ce feroit communiquer avec eux : & il les regarde comme des profanes.

Aglaure eft d'une figure aimable, elle a de l'efprit, des talens & des graces naturelles cependant on la fuit, on la détefte. Eh, pourquoi? Elle n'a d'elle-même ni fentiment, ni volonté; elle attend pour fe décider, que quelqu'un ait déclaré ce qu'il penfe ou ce qu'il fouhaite auffi-tôt fon parti eft pris, elle pense tout autrement, veut toute autre chose.

COMPLAISANT, adj.

ETRE Complaifant, être poli, être civil envers les autres hommes,

c'eft favoir vivre avec eux, c'eft leur marquer des égards. La complaifance eft un devoir fondé fur la raison. Si l'on confidere que la force d'une habitude dépend de la force & du nombre des actes réitérées qui la forment, & que dans le commerce de la vie on a des occafions fréquentes de fe montrer d'une humeur obligeante ou défobligeante, on comprendra qu'il eft de la derniere importance de s'y comporter fagement, pour se former une habitude de bienveillance, & pour éviter de contracter une difpofition contraire qui ne manqueroit pas de nous devenir auffi funefte que défagréable aux autres.

On peut plaire dans le monde par des manieres careffantes, par une humeur enjouée, par des faillies ingénieufes; mais aucun de ces moyens de plaire n'eft d'un ufage fi univerfel que la complaifance. Vous ne pouvez careffer que vos égaux ou vos inférieurs, il eft mille occafions où l'enjouement feroit déplacé, les pointes & les bons mots ne fe préfentent pas à fou

hait & ne font pas toujours goûtés; mais fi vous avez un caractere flexible & prévenant, fi vous favez vous faire un plaifir de contribuer à celui des autres, vous ferez affuré de l'amitié de tous ceux qui vous environnent. C'eft une perfection de mife dans tous les temps, dans tous les lieux, & dans toutes les circonftances.

La complaifance confifte à gagner l'efprit des hommes, & quelqu'important que cela foit, à peine donne-t-on à cette vertu de la fociété une place parmi les vertus morales. Elle prêté néanmoins de la beauté & de l'ornement à toutes les belles qualités & à tous les talens; elle rapproche tous les hommes les uns des autres; elle nous rend aimables ceux qui font au-deffus de nous, nous lie plus étroitement avec nos égaux, & nous attire vers nos inférieurs. Elle adoucit ce qu'il y a de rude dans la diftinction des rangs. Elle égaie la converfation, & fait enforte que tous ceux qui compofent une compagnie foient fatisfaits d'eux-mêmes; elle ferre les liens de la fociété, & donne de nouvelles forces à la bienveillance mutuelle. Elle encourage les timides, calme les turbulens, humanife les fiers; en un mot, elle diftingue une compagnie de gens civilifés, d'avec une troupe de fauvages, une fociété de perfonnes bien élevées, d'avec des gens de baffe condition, parmi lefquels on ne trouve que groffiéreté. Elle fait rentrer les hommes dans l'égalité qui leur eft naturelle, & que chaque individu humain ne doit jamais perdre de vue, malgré la fubordination que la néceffité de l'ordre a établie parmi nous.

Si nous pouvions pénétrer dans les fentimens fecrets du cœur des hommes, nous verrions que l'affliction & le trouble y font moins fouvent les effets d'une douleur réelle ou d'une mifere véritable, que de certains malheurs imaginaires & de certains défaftres chimériques. D'ordinaire, un regard de travers, une parole rude, un terme de mépris décident de notre repos & de notre félicité. Le feul moyen de bannir du commerce civil ces malheurs apparens, autant que la chofe eft poffible, feroit la pratique générale de la complaifance; on ne la confidere ici qu'en qualité de vertu; comme telle, elle peut être définie : un effort conftant & foutenu pour plaire, autant que l'innocence le permet, aux perfonnes qui ont quelque

commerce avec nous.

&

Ajoutons que la complaifance eft la route la plus fûre de la fortune; elle nous recommande à la faveur des grands, d'une maniere infiniment plus efficace que l'efprit, le favoir & quelqu'autre talent que ce puiffe être.

Le favoir-vivre eft la plus douce & la plus familiere des vertus de la fociété civile. Un homme d'efprit en a donné cette judicieuse définition; c'eft, a-t-il dit, l'art de fe contraindre fans contraindre les autres. Il ne dépend pas de nous d'avoir beaucoup d'efprit, de dire des chofes fines & délicates, de narrer agréablement; mais il n'y a prefque perfonne qui ne puiffe être poli. La politeffe eft infiniment plus propre à nous faire aimer & rechercher, que les plus rares qualités de l'efprit : celles-ci excitent pref

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